Un week-end à gauche
La newsletter du 17 novembre 📨
par Catherine Tricot
Privée de débat et de vote à l’Assemblée, la gauche a profité de ce « temps libre » pour avancer sur la question de la présidentielle. On fait le tour des popotes.
Ce week-end était relâche au parlement. Au grand dam de la gauche qui aurait préféré siéger. Enjeu ? Aller au bout de l’examen du volet « dépenses » du projet de loi de finances de la Sécurité sociale et le voter – en plus de voter le volet « recettes »… Le gouvernement a promis de ne pas recourir au 49.3 mais, avec sa maîtrise du calendrier, il a trouvé une autre façon de faire passer les budgets de l’État et de la Sécurité sociale. Sans vote.
Du coup, la gauche avait du temps pour penser à la suite. De son côté, Jean-Luc Mélenchon déroule : sur BFMTV face à Alain Duhamel (350 000 vues sur Youtube, en deux jours) puis en meeting devant une salle comble à Saint-Pierre-des-Corps, ville cheminote près d’Orléans.
Le mutique de l’automne, Raphaël Glucksmann, s’est lui rendu à une réunion des sociaux-démocrates à l’invitation de Bernard Cazeneuve. L’homme attendu était au centre de l’image, entouré de Carole Delga, des radicaux de gauche et de François Hollande. La question des alliances avec LFI a longtemps fondé ce front du refus. Olivier Faure a fait savoir qu’il n’en était plus question. Mais cela ne suffit pas. C’est donc que l’enjeu est ailleurs. Le désaccord porte sur le projet et sur la méthode. Les acteurs du quinquennat Hollande continuent de défendre le bilan et veillent à ce qu’il ne soit pas soumis au droit d’inventaire. De fait, la réforme Touraine aura été éludée des débats sur les retraites. François Hollande revendique toujours la création du CICE – crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, capté par les plus grandes entreprises, aide substantielle et sans contrôle.
Que dit Raphaël Glucksmann ? Au début de l’été, il annonçait un travail d’élaboration en commençant par une réflexion et des propositions sur les transformations du travail. On attend encore. À cette heure, l’équipée social-démocrate n’a pas commencé la refondation de son projet. Mais elle énonce une méthode pour « gagner en 2027 ». Pas celle des primaires défendue au même moment à Trappes par le secrétaire du Parti socialiste. Ici, il n’était question que de reconstruire une grande force social-démocrate capable en elle-même, par elle-même de gagner. Ensuite viendra le temps de l’incarnation. Si Raphaël Glucksmann continue d’hésiter, on comprend que François Hollande se tient prêt. Il prophétise qu’on peut commencer très bas et terminer très haut. Ou pas.
Pendant ce temps, donc, l’autre gauche se retrouvait à Trappes pour une première convention dédiée à l’école. Bonne idée, l’organisation en était largement pilotée par de jeunes acteurs associatifs issus des quartiers populaires. Cela donne à voir une envie de faire et de faire avec la société. Il reste encore du boulot et un peu de temps. À cette journée était présents Olivier Faure au nom du PS, Marine Tondelier pour les écologistes – et déjà candidate à la primaire. François Ruffin et Clémentine Autain représentaient leurs partis (Debout ! et l’Après) et proposaient leurs visions. Il a été annoncé une primaire à l’automne avec un calendrier et une méthode arrêtée d’ici Noël. Et c’est bien sur cette méthode que les enjeux vont se cristalliser.
François Hollande prône une désignation par les socialistes de leur candidat : il dira s’il veut ou non participer à la primaire. L’ancien président n’a donc pas perdu espoir de torpiller le processus. Les adhérents écologistes sont appelés à voter pour désigner eux aussi le candidat de leur parti. Marine Tondelier s’y voit déjà. François Ruffin sera le candidat de Debout ! Va-t-on vers une primaire entre représentants de partis ? D’emblée ça fait super envie.
Va-t-on vers une primaire classique qui reprend les codes de l’élection présidentielle avec vote à deux tours ? Peut-être. Mais une autre piste est en débat. Celle d’une primaire à choix préférentiel. Dans ce cas, chaque votant classe les candidats. Cela modifie considérablement la donne. Là où il n’est question que de se différencier et d’enclencher la machine à rancœur, il serait alors décisif de se montrer en capacité de rassembler. À défaut de convaincre tout le monde, il ne faut pas braquer la majorité. François Ruffin et Clémentine Autain, qui n’ont pas de gros appareils partisans, espèrent prouver leur capacité à porter ce point d’équilibre. À charge pour eux de délivrer un discours avec odeur et saveur. D’ores et déjà, Jean-Luc Mélenchon est écouté.
🔴 DÉCONFITURE DU JOUR
Présidentielle au Chili : la gauche en tête… mais sans réserves pour le second tour

Ce premier tour sonne comme un avertissement brutal pour la gauche sud-américaine et au-delà : avec 26,7% des voix, la candidate communiste Jeannette Jara est arrivée première du scrutin de dimanche mais n’a aucune réserve devant elle. Coincée tout au long de la campagne dans un agenda imposé par l’extrême droite (sécurité, immigration, menace des gangs étrangers), elle n’est jamais parvenue à déplacer le débat vers les enjeux sociaux, laissant prospérer la matrice réactionnaire qui a structuré tout le scrutin. En face, José Antonio Kast, héritier assumé du pinochetisme, talonne Jara avec 24,1% et peut compter, lui, sur un réservoir de voix conséquent : celles de Johannes Kaiser, libertarien halluciné façon Milei (près de 14%), et celles d’une droite traditionnelle décomposée (12,7%) voire celles d’un économiste iconoclaste qui crée la surprise avec 19,4%. Une dynamique qui pourrait ramener au pouvoir, pour la première fois depuis 1990, les héritiers politiques de la dictature. Le paradoxe est cruel : le Chili, pays de migrations et de métissage, n’est nullement immunisé contre les délires xénophobes et les fantasmes sécuritaires que la droite radicale orchestre avec un redoutable savoir-faire. A bon entendeur salut.
P.P.-V.
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« La Russie : aux sources d’un impérialisme », sur France Culture. Un podcast qui nous amène, du tsarisme à Poutine en passant par Lénine et son « union des républiques », à voir la formation d’une nation sur plusieurs siècles, la construction d’une identité et les tensions entre expansion géographique et impérialisme. Une émission avec Sabine Dullin, historienne de la Russie, qui donne à réfléchir sur les politiques poutiniennes.
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