« La meute » : le système LFI mis à nu

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Après des années d’omerta au nom de l’efficacité, la violence interne du mouvement de Jean-Luc Mélenchon se révèle. Sans prise de conscience et réforme en profondeur, c’est l’idée même de radicalité qui est en péril.

Quelques jours après Complément d’enquête, La meute sort en librairie. Écrit par Charlotte Belaïch, journaliste à Libération, et Olivier Pérou, journaliste au Monde, le livre aux éditions Flammarion est une enquête de deux ans, sur 300 pages, au sujet de la vie interne de LFI. 200 personnes ont été interrogées, la plupart témoignent à visage découvert. Certains lecteurs diront qu’on n’y apprend rien. Pas sûr. Certes, la plupart des histoires ici rassemblées ont déjà eu un écho public. Beaucoup connaissent le fonctionnement a-démocratique de LFI et le caractère autocratique du couple Mélenchon-Chikirou. Mais ce qui fait rupture, c’est l’ampleur des faits rapportés. Ensemble, ils donnent la mesure du caractère systémique et toxique du fonctionnement de l’organisation.


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Il se trouve encore de rares personnes pour tenter de justifier ces faits. Comme en d’autres temps, il y a des intellectuels pour endosser ce qui ne peut l’être. Par exemple, le sociologue Didier Eribon sur France culture : « Je veux bien croire qu’il y ait des problèmes de fonctionnement. Mais après tout, c’est peut-être grâce à ça que LFI a réussi ce qu’elle a réussi. Et je les admire et les soutiens pour ça ». La fin justifie-t-elle de tels moyens. Eribon use de son magistère pour le justifier à nouveau. Il ajoute : « J’ai dit à Jean-Luc Mélenchon, je garde le droit de critiquer le mouvement et de te critiquer, toi. Il m’a dit : mais bien sûr, tout le monde a le droit de me critiquer ». Mais Didier Eribon n’a pas abusé de cette liberté accordée. En dehors de ce naufrage intellectuel, ce qui domine chez les insoumis, c’est le silence. 

Pourquoi ceux qui savaient, ceux qui savent, n’ont rien dit et parfois se taisent toujours ? Dès 2019, Georges Kuzmanovic et François Cocq ont été parmi les premiers exclus et parmi les premiers à révéler le régime autocratique qui régnait. Ils étaient inconnus du grand public ; leur parole a été peu entendue. C’est très récemment que Raquel Garrido et Danielle Simonnet ont à leur tour pris la parole. Jusqu’à ces derniers jours, ceux qui osaient s’exprimer en dehors du cadre ont limité leur propos à des désaccords de ligne. Aucun ne voulait « nuire à la cause » en révélant les arrière-cuisines. Ils taisaient ce dont ils avaient profondément honte et dont ils sentaient la charge explosive. Mais peut-on faire comme si la violence viriliste, l’intimidation, le harcèlement en bande organisée étaient « des moyens de réussir » une révolution citoyenne ? Comment est-il possible que l’intrinsèque contradiction n’ait pas été relevée ?

Qu’attendons-nous de LFI, de ses actuels dirigeants et de ceux qui la dirigeaient hier encore ? On attend que tous s’extraient de ces pratiques. Il n’est pas possible de continuer le déni et le cynisme bravache.

À de rares exceptions, la question de la démocratie et celle de la violence interne sont restées hors champ. Bien seule, Clémentine Autain met en garde publiquement contre la tentation de « marginaliser tous ceux qui ont une parole parfois différente du noyau dirigeant actuel » dès 2022. Coté direction, l’absence de démocratie est théorisée. En 2019, devant l’ensemble des députés et eurodéputés LFI, Jean-Luc Mélenchon assure qu’une LFI démocratique, « ce sera sans lui ». Le message est passé. Coté militants, on en souffre quelque fois… mais on l’admet. On est pourtant des décennies après les naufrages de toutes les expériences révolutionnaires faites par un noyau sans démocratie et sans participation de tous. Aucun des cadres politiques ne l’ignore. Mais qui le dit ? Doit-on comprendre que le combat en faveur de la démocratisation des institutions et la remise en cause du présidentialisme est un conte à dormir debout ? 

Alors maintenant que tout ceci est sur la table, qu’attendons-nous de LFI, de ses actuels dirigeants et de ceux qui la dirigeaient hier encore ? On attend d’abord que cessent ces pénibles éléments de langage assénés par Mathilde Panot ou Manuel Bompard : « Tout cela n’est que mensonges », « ragots » et « fausses informations ». Et surtout, on attend que tous s’extraient de ces pratiques. Il n’est pas possible de continuer le déni et le cynisme bravache. Pourquoi faut-il que les insoumis crèvent cet abcès et renoncent à cette culture ? Parce qu’ils n’ont pas le choix. Bien que les situations soient sans comparaison, rappelons qu’en 1956, Maurice Thorez, alors secrétaire du PCF, n’a pas assumé les révélations des crimes du stalinisme, il a voulu cacher la réalité… Mais le réel a fini par s’imposer. Et la déstalinisation du PCF s’est faite trop lentement et dans un chaos total. Il en est résulté une mutation sans cap, une dévitalisation du communisme français et finalement un déclin irréversible du PCF.

Ce qui est aujourd’hui menacé avec cette histoire lamentable, c’est l’idée même de radicalité. LFI est une organisation de jeunes militants, parfois audacieuse, mais qui n’exprimera son potentiel que dans une dynamique interne totalement autre. Il n’est pas possible de laisser associer « radicalité des objectifs » et « immoralité politique ». C’est cela l’enjeu ultime. Il faut oser rompre les rangs ; il faut réfléchir, parler, écrire. 

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