La liberté d’expression de Caroline Fourest

La liberté d'expression de Caroline Fourest

Caroline Fourest privée de débat à la fête de l’Huma. Une grave atteinte à sa liberté d’expression dont elle parle partout…Tandis que ses détracteurs ont peu voix au chapitre.

L’affaire fait grand bruit. Samedi, à la fête de l’Huma, Caroline Fourest a été « malmenée », « chahutée », « agressée » par un « groupuscule » de « pertubateurs » « islamistes » et « intégristes ». Dur. Venue animée une conférence sur « Comment résister face au FN », la journaliste a été « évacuée » du site, la sécurité estimant que c’était « très très violent ». Résultat : tous punis, privé de Caroline Fourest. Et ça, ça fait mal à la liberté d’expression. Pour une fois qu’elle avait la parole. Parce qu’elle a beau avoir été chroniqueuse au journal Le Monde, sur France Inter, sur France Culture, sur France 2, à Charlie Hebdo, et rédactrice en chef de la revue Prochoix, elle a du mal à se faire entendre.

Il faut bien reconnaître qu’aujourd’hui pour oser aller à contre-courant des discours dominants en dénonçant le port du voile ou en s’opposant à la mise en place d’horaires réservés aux femmes dans les piscines municipales, au nom du féminisme et de la laïcité, il faut une sacrée dose d’audace. Ça tombe bien, Caroline n’en manque pas, et même si le message a du mal à passer, elle ne lâchera pas l’affaire. Suffit de visionner la vidéo[[http://www.dailymotion.com/video/xtmysh_sabotage-a-la-fete-de-l-huma-agression-contre-caroline-fourest_news?start=0]] du « sabotage » en ligne sur son blog (sans le son pour les amateurs de musique) pour s’en convaincre, ses détracteurs sont prévenus : « Ceux qui veulent faire taire Caroline Fourest, et à travers elle, la gauche féministe, laïque et antiraciste, vous pouvez toujours courir et hurler. Il y aura toujours des esprits libres et critiques pour démonter vos propagandes. »

Aussitôt dit, aussitôt fait, les grands médias (Le Parisien, Libération, Le grand Journal de Canal, Rue 89, Le Huffington post, etc.) solidaires des grands esprits libres et critiques, n’ont eu de cesse, depuis deux jours, de relayer les propos de la journaliste et sa vidéo de l’événement, histoire de démonter fissa la propagande intégriste de… De qui déjà? Des Indivisibles et autres militants antiracistes venus faire entendre leurs voix, estimant, « ces idiots utiles » du FN, que Caroline Fourest n’a pas le monopole de l’antiracisme, voire même, que ses propos sur l’Islam et les musulmans laisseraient parfois à penser qu’elle-même serait aussi un poil raciste. Et c’est en substance ce qu’ils étaient venus lui dire, espérant profiter de l’occasion pour lui remettre une banane dorée, à savoir son Y’ a bon Awards « expert chonikers » – prix qui récompense chaque année « les propos, dispositifs, idées, visuels et lois racistes de tous horizons » qu’elle n’était pas venue chercher lors de la remise des prix en mars dernier. (lire notre article « Le nouveau visage du racisme » du 22 mai sur regards.fr).

Certains d’entre-eux avaient même signé une lettre ouverte « Non à Caroline Fourest, la porte-parole de l’islamophobie de gauche à la fête de l’Huma », publié sur le site Oumma.com[[http://oumma.com/14013/non-a-caroline-fourest-porte-de-lislamophobie-de-gauch]], estimant que la journaliste n’était pas la personne la plus indiquée pour animer un débat contre le FN au vu de ses positions sur l’Islam.
Avis partagé par une partie de la gauche radicale. Sur la liste des communistes unitaires, le ton monte. Certain comparant l’attitude des manifestants à une « fatwa » et d’autres considérant qu’inviter Caroline Fourest à la fête de l’Huma pour parler du racisme relève de la provocation au même titre que si l’on avait convié Manuel Valls à s’exprimer sur les quartiers.

Quoi qu’il en soit, cet appel, transmis aux organisateurs du débat, est resté lettre morte. « Nous n’existons pas, déplore Bader, membre des Indivisibles, cet appel méritait une réponse, même un “non”. Nous voulions au moins un vrai débat contradictoire. Ce qui nous a été refusé. On ne nous donne pas la parole, nous n’avions pas d’autre solution que de la prendre. » De fait, la version des faits de ces militants antiracistes, réduits à de simples « excités » et « islamistes »[[http://leplus.nouvelobs.com/contribution/627277-caroline-fourest-a-la-fete-de-l-huma-notre-version-des-faits-cote-indivisibles.html, http://blogs.mediapart.fr/edition/les-invites-de-mediapart/article/180912/caroline-fourest-lincendiaire-qui-crie-au-feu]], n’a été que très peu relayée dans la presse. Difficile de porter la contradiction aux grands esprits libres et critiques. « Lorsque j’ai su que Caroline Fourest était invitée au Grand Journal de Canal +, j’ai insisté pour qu’il y ait un vrai débat contradictoire. On m’a répondu qu’on verrait plus tard dans la semaine », déclare Rokhaya Diallo, cofondatrice des Indivisibles.
En attendant de voir un ou une représentant-e des Indivisibles ou du Parti des Indigènes de la République donner la réplique à Michel Denisot sur le plateau du Grand Journal, rappelons que la fête de l’Huma, ce n’est pas Eurodisney, mais un lieu de débats où la contestation à toute sa place, y compris sous la forme de manifestation, huées et autres invectives. Un espace, n’en déplaise à Caroline Fourest, où nous avons donc tout à fait le droit de « courir et hurler » parce que comme le dit si bien Bader : « La Fête de l’Huma, c’est aussi à nous. »

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