L’obsession de la dette ou l’art de faire passer la casse sociale pour une nécessité historique

La lettre du 15 juillet 📨
Ce mardi, le premier ministre va détailler les 40 milliards d’économie que le gouvernement veut imposer. Son mantra : réduire les services publics… et pas les cadeaux aux grandes entreprises.
C’était il y a plus de vingt ans, en 2002. François Bayrou, déjà lui, déjà sur RTL, prenait un ton grave : « La dette de la France est de 1000 milliards d’euros, 6000 milliards de francs. Il faudrait la baisser ! […] Ce n’est pas raisonnable ! » 15 000 euros par tête, calculait-il, pour mieux affoler les auditeurs. Depuis, la dette a triplé. Et encore les mêmes mots, les mêmes paniques, les mêmes recettes. La même rengaine : serrer la ceinture, maintenant, tout de suite, avant que la catastrophe ne nous engloutisse.
François Bayrou, devenu premier ministre, a déclaré il y a quelques jours que la France « court un danger mortel » du fait de sa dette. Mortel, rien que ça. La France menacée de disparition ! Notre sort collectif serait donc suspendu à une équation comptable. À croire surtout que l’économie publique fonctionne comme un budget de ménage, ou comme une carte bleue qu’on aurait trop fait chauffer.
Tout cela n’a rien d’innocent. Ce discours n’est pas simplement un excès de prudence ou une malheureuse pédagogie. Il est l’instrument d’un projet. L’obsession de la dette est le masque poli de la politique libérale. Elle justifie tout : coupes budgétaires, suppressions de postes, abandon des services publics, privatisations. Elle permet, au nom de la « raison », de dépouiller l’État de ses moyens, de ses missions, de ses ambitions. Pour que le marché fasse mieux, pour que la « main invisible du marché » organise la vie collective à la place du politique.
Pour parachever de nous tétaniser, l’angoisse de la guerre est aussi mobilisée. La France doit réarmer, être crainte, être puissante. Et donc, pour ce faire, elle doit réduire tout le reste. Moins d’hôpitaux, moins d’écoles, moins de transports publics, moins de justice. Mais plus de canons, plus de drones, plus de budgets pour l’armée. Quand il y a la guerre, on ne discute pas. On obéit.
Ce double chantage, de la dette et de la guerre, n’a d’autre but que de rendre inévitable ce qui est un choix. Un choix politique et idéologique. En 2023, l’État a versé 211 milliards d’euros d’aides publiques aux entreprises. C’est un tiers de son budget total. Et ce n’est pas Regards qui le dit, c’est un rapport sénatorial, voté à l’unanimité de la commission d’enquête du Sénat. Que dit ce rapport ? Qu’il faut diviser par trois ce chiffre. Ça en fait des milliards à récupérer ! Plus qu’il n’en faut.
Il suffirait d’avoir un peu de courage politique. D’oser dire aux grandes entreprises qu’elles n’ont pas besoin d’argent public pour augmenter leurs dividendes, de mettre des conditions, de la transparence, de la justice. Bref, de gouverner autrement que comme des comptables du Medef. La France ne vit pas au-dessus de ses moyens. Ce sont ceux qui la dirigent qui vivent en dessous de leurs responsabilités. Et ce ne sont pas les dettes qu’il faudra bien rembourser mais la violence sociale qu’ils auront organisée qu’il faudra réparer.
🔴 BOOM DU JOUR
Fête nationale : la beauté et le fracas

Ce 14 juillet, à Paris comme ailleurs, les feux d’artifice et les ballets de drones ont offert un spectacle saisissant – et très beau. L’émotion, la joie, l’émerveillement étaient là. Étrange poésie qui mêle émerveillement, couleur, surprises – Oh la belle bleue ! Oh le soleil rouge ! – et les booms assourdissants qui évoquent les champs de bataille. Et pour cause : la poudre noire qui les propulse est une invention de guerre, détournée pour la fête. Les drones, eux, déployés pour dessiner des étoiles ou des Marianne dans le ciel, sont aujourd’hui devenus des armes de guerre, de précision et de terreur, de l’Ukraine à Gaza. Dans un monde où la guerre redevient centrale, où les discours présidentiels militarisent l’avenir, ce spectacle populaire se trouble d’un signe des temps.
P.P.-V.
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