LA LETTRE DU 15 AVRIL

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Gaza : le très lent réveil des Européens

par Pablo Pillaud-Vivien

L’évidence du massacre des Gazaouis, l’inhumanité du blocus qui leur est imposé, l’impossibilité pour eux d’envisager un avenir, la colonisation en Cisjordanie et la militarisation du Nord de Gaza : petit à petit, les responsables politiques européens, frileux il y a encore quelques mois à dénoncer les horreurs ordonnées par le gouvernement israélien, commencent à réajuster leur positionnement.

Dans la bande de Gaza, il est des chiffres toujours difficiles à lire : selon l’Unicef, depuis un an et demi, ce sont 50 810 personnes qui ont été tuées par l’armée israélienne dont 15 000 enfants. 115 688 personnes ont été blessées, dont plus de 34 000 enfants. 11 200 autres étaient portées disparues et seraient probablement sous les décombres. Et la vie y est toujours aussi impossible, les aides étant interdites d’entrée sur le territoire depuis un mois. 

Depuis janvier s’est structuré un axe mortifère Trump-Netanyahou dont l’objectif semble être l’éradication génocidaire des Gazaouis. Des caps sont passés, mois après mois : aux bombardements qui se poursuivent s’ajoute la claire volonté israélienne de déporter les Palestiniens et de les virer de leurs terres. Une autorité officielle « d’émigration » a même été mise en place par Netanyahou avec cet objectif. Le Nord de la bande de Gaza a été militarisé et les annexions continuent en Cisjordanie : la colonisation est leur projet.

Que peut l’Europe ? Pour l’instant, elle avance à très petits pas. Quelques pays ont reconnu l’État de Palestine en 2024 : l’Espagne, l’Irlande, la Norvège, la Slovénie et l’Arménie. Usant d’un conditionnel inquiétant, le président français pourrait l’annoncer en juin… Avec d’autres États européens ? Rien n’est moins sûr. Mais c’est un premier pas nécessaire pour pouvoir commencer à imaginer un avenir pour le peuple palestinien. Loin néanmoins d’être suffisant.

L’Union européenne a promis 1,6 milliard d’euros pour l’Autorité palestinienne. Cela peut paraître anodin tant les défis auxquels elle est confrontée sont importants. Mais cela acte que c’est par la stabilité d’une autorité palestinienne que passera la paix dans la région – même si celle-ci est très contestée… Et cela témoigne d’un bougé : les ministres des affaires étrangères européens réunis lundi sont de moins en moins timorés pour condamner les exactions israéliennes en terre de Palestine. Est-ce suffisant ? Non.

Certains, notamment des militants pour les droits humains et des pays du Sud, les enjoignent à déclencher des sanctions à l’égard du gouvernement israélien, à l’image de celles prises à l’encontre des Russes depuis l’invasion de l’Ukraine. Le deux poids deux mesures est patent et fait la démonstration que les Européens ne considèrent pas les Ukrainiens comme les Palestiniens. Des droits humains à géométrie variable selon qu’il s’agisse de Blancs ou d’Arabes… Évidemment, pour des pays qui se vantaient depuis des années d’en être les hérauts, le bât blesse. Le droit international ne peut pas souffrir d’exceptions. Un bémol cependant : on ne peut pas dire que les mesures de rétorsions à l’égard de Moscou aient véritablement porté leurs fruits et mis une pression suffisante sur Vladimir Poutine pour permettre d’envisager une paix en Ukraine qui ne soit pas une soumission. Mais cela démontre un engagement véritable – que l’on a des difficultés à voir aujourd’hui à l’égard de la Palestine et de son peuple.

Pourtant, les sociétés sont en mouvement. En France, des militants ont entamé des grèves de la faim, les réseaux de solidarité s’étoffent, les responsables politiques, y compris ceux qui se refusaient à voir l’horreur des exactions israéliennes depuis un an et demi, changent leur regard et leur discours, et les initiatives se multiplient. L’Institut du Monde Arabe organise ainsi une exposition, « Gaza, 5000 ans d’histoire », réunissant des œuvres et les travaux de chercheurs qui rappellent que la Palestine, c’est une culture et une civilisation – que le gouvernement israélien veut éradiquer. Dans le métro, des jeunes se prennent en photo devant l’affiche. Le massacre en cours et en mondovision d’un peuple ne se peut pas se faire dans le silence. Ni sans résistance.

Pablo Pillaud-Vivien

ÉCOCIDE DU JOUR

Katy Perry et le féminisme se perdent dans l’espace

Voilà un « événement » que seul Hollywood peut croire sincère et bon : le premier vol dans l’espace 100% féminin. Lundi 14 avril, la chanteuse Katy Perry et cinq autres femmes se sont envolées à plus de 100 km d’altitude pour onze minutes. La popstar revient avec des vidéos d’elles en apesanteur et ça vend du rêve : « Aller dans l’espace est incroyable, et je voulais être un modèle de courage, de mérite et de bravoure », déclare-t-elle en reposant les pieds sur Terre. Hélas, l’envers du décor pue la m****… Car derrière ce féminisme à la Netflix – avec des femmes blanches, asiatiques, latinas et noires –, il y a le capitalisme le plus crasseux qui soit. La fusée, qui appartient à Jeff Bezos, aura consommé a minima 15,5 tonnes de CO2 par passagère, mais « la somme des émissions ‘directes’ et ‘indirectes’ de ces vols pousserait le bilan à 429 tonnes de CO2 par passager. Ce qui équivaut à ce qu’un Français émet en 43 ans », précise le média Vert. Bref, le rêve américain, c’est du fric et de la pollution pour offrir aux ultra-riches dix minutes de tourisme spatial. Mais c’est féministe et inclusif alors c’est cool !

L.L.C.

ON VOUS RECOMMANDE


« Make Religion Great Again : la place de la religion dans l’État trumpien », sur The Conversation. Entre sa guerre économique et sa géopolitique poutinienne, on a tendance à oublier un critère essentiel au trumpisme : la religion. Quelques jours après son accession à la Maison Blanche, Donald Trump a créé un « bureau de la foi », dirigé par la télévangéliste Paula White-Cain. Les États-Unis ont toujours été un pays chrétien – confère le in god we trust présent à peu près partout –, mais l’actuel président entend bien restaurer une certaine tradition, avec lui-même en personnage sacré, pour porter sa politique autour de quelques concepts : conservatisme, communautarisme et radicalisme.

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1 commentaire

  1. José Ruiz le 15 avril 2025 à 13:58

    Je réagis à l’article de Pablo, il a mille fois raison et je serais plus sévère à l’égard du président Macron. La position de la France au conseil de sécurité de l’ONU nous confère le droit d’adopter une position ferme à l’égard d’Israël, non pas en tergiversant pour la reconnaissance de la Palestine ce que notre président reporte au mois de juin prochain mais en condamnant les massacres de la population à Gaza, en sanctionnant Israël, en retirant aux français-israéliens impliqués dans ces massacres la nationalité française, car toutes celles et ceux qui ont participé à ces massacres seront poursuivis par la CPI. Ce qui se passe sur le territoire de Gaza est une honte qui va marquer à jamais la conscience Juive.

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