Macron, chef de guerre sans peuple

La lettre du 14 juillet 📨
« Pour être libre dans ce monde, il faut être craint. Pour être craint, il faut être puissant. » Dans cette formule tranchante, le président de la République rend compte de sa vision du monde : il est devenu brutal et cynique. A-t-il entièrement raison ? Faut-il le devenir ? Là sont les graves questions que posent cette intervention.
Ce 13 juillet, à la veille de la fête nationale, Emmanuel Macron n’a pas seulement parlé aux militaires rassemblés dans la cour de l’hôtel de Brienne : il a parlé au pays entier. Et ce qu’il nous a dit est glaçant. Depuis son élection en 2017 – et surtout depuis 2022 et l’invasion de l’Ukraine par la Russie –, Macron se veut chef de guerre. Il en a fait un costume pour surplomber les débats démocratiques, contourner la conflictualité sociale et éviter la confrontation politique. Il n’a pas fait campagne en 2022, il a gouverné par ordonnances et par 49.3 et, maintenant, il veut tenter le canon. Le temps n’est plus à la retenue : ce n’est plus celui de la diplomatie qu’il a démantelé, ni celui du droit comme boussole, mais la peur que notre puissance militaire doit inspirer.
Alors que François Bayrou s’apprête à annoncer une réduction pénible de 40 milliards d’euros sur les dépenses publiques, Emmanuel Macron annonce, lui, un effort de 7 milliards d’euros supplémentaires pour les armées d’ici 2027. Tout est dit. L’argent public est là, mais il est réservé à l’industrie de l’armement et à la projection militaire. La France, a-t-il insisté, doit devenir un « pilier européen de l’Otan ». S’il reconnaît l’incertitude aggravée par l’administration américaine, il ne remet pas en cause l’organisation centrée sur son leadership. Il accepte l’injonction de Donald Trump d’un réarmement des pays européens et passe sous silence que ce réarmement sera sous contrôle et dans les usines américaines. Chacun sait désormais que, par leur technologie, les armes achetées outre-atlantique restent soumises à l’accord des États-Unis pour leur emploi. Y compris l’arme nucléaire anglaise. La souveraineté européenne n’est qu’un mot vide.
« Nous sommes à l’heure des périls. » Ce péril serait en vrac : Russie, cyberattaques, menaces terroristes, instabilités africaines, conflits asymétriques, espaces et fonds marins… Dans le discours présidentiel, tout se vaut, tout se confond, tout appelle la même réponse : la force et l’armement. Le chef de l’État militarise le discours politique lui-même. La guerre devient l’horizon politique, une condition de la liberté, une méthode de gouvernement.
Car derrière le ton martial, c’est une vision du monde qu’il impose, celle d’un monde d’affrontement perpétuel, où la paix serait un luxe naïf, une utopie irresponsable. Où seuls comptent les rapports de force, les rapports de peur. Ce n’est pas un cap diplomatique, c’est une stratégie de domination. Ce discours prépare les esprits au pire comme horizon, qui devrait désormais nous déterminer. À ce rythme, le prochain décret présidentiel sera une nouvelle réforme des retraites et de l’assurance chômage sous couvert de mobilisation générale.
🔴 DÉCÈS DU JOUR
Mort d’Ardisson : la télé d’hier et d’aujourd’hui

Thierry Ardisson est mort et avec lui une certaine idée de la télévision. Une télé où il se passait quelque chose, c’était parfois du scandale, souvent de la gêne, toujours un mélange trouble entre spectacle et malaise. Précurseur des clashs qui font aujourd’hui les choux gras de YouTube et de CNews, il est aussi le vestige d’une époque où les producteurs prenaient des risques… pas toujours glorieux. Sexisme, humiliations, mises en scène douteuses : Ardisson fut un artisan de cette télévision du malaise, où l’on faisait « du buzz » avant même que le mot existe. Il a fait parler, il a su capter l’époque mais il l’a aussi tirée vers le bas. Et pourtant, on peut regretter ce qu’il incarnait : un espace où, au moins, il se passait quelque chose. Aujourd’hui, lisse et calibrée, la télé préfère ne plus déranger – et hélas, ne plus déranger rime souvent avec extrême droite. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de clashs qu’il y a du fond. La disparition d’Ardisson pose une question brûlante : comment faire une télé qui bouge sans qu’elle salisse et abîme la démocratie ?
P.P.-V.
ON VOUS RECOMMANDE…

« La haine blanche », sur Arte. Depuis le 11-Septembre, l’Occident vit avec le terrorisme islamiste en arrière-plan. Une peur qui alimente les politiques de droite extrême. Pourtant, plus insidieusement et avec moins de fracas médiatique, c’est l’extrême droite, bien blanche et bien « judéo-chrétienne », qui tient haut le drapeau du terrorisme. Cette faction de la société est en plein essor, ses rangs ne cessent de croître, le tout chapeauté d’un solide réseau économique et politique. Un documentaire en trois épisodes, à voir pour ne pas dire qu’on ne savait pas.
C’EST CADEAU 🎁🎁🎁
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