Bloquons tout : le 21ème siècle est en route

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La lettre du 11 septembre 📨

par Louise Deschamps

Ce 10 septembre, partout en France, des centaines de milliers de personnes ont exprimé leur ras-le-bol. La diversité des formes, des générations, des lieux de mobilisation sont les signes avant-coureurs d’un profond renouvellement de la contestation sociale.

Hier, une nouvelle page de la contestation populaire et du mouvement que l’on disait ouvrier s’est s’écrite. Il fallut du temps, de nombreuses décennies, pour inventer la manif’, le syndicat, le journal militant et le parti… Hier, c’était l’émergence visible de quelque chose qui vient de plus loin. Un truc pareil n’a jamais existé : initié sur les réseaux sociaux, construit dans des AG locales, soutenu par des syndicats, des influenceurs et des leaders politiques, scruté les grands médias. Hier, il y avait des traces de tout ce que la France qui lutte a tenté depuis dix ans : contestation de la loi Travail et Nuit debout, refus de la réforme des retraites, Soulèvement de la Terre…

Il n’y eut pas de blocage général. Les grévistes étaient très minoritaires. Les forces de l’ordre ont été mobilisées en masse pour empêcher tout ce qui pouvait s’y apparenter, sur les routes, devant les lycées et les facs, les entreprises. Que la police soit la plus forte : quelle surprise ! Cela ne change rien au fond.

En vérité, personne ne croyait vraiment que, ce mercredi 10 septembre, la France serait à l’arrêt. Mais les mots d’ordre « bloquons tout » et « grève générale » qui sont bien souvent incantatoires ont donné cette fois du cœur et dit une ambition élevée, à la hauteur de ce qui se joue en ces temps de crise politique et sociale majeures. Les revendications étaient très éclatées, signe de la profondeur du ras-le-bol, mais avec une cible commune : Emmanuel Macron.

Par la diversité des formes, leur caractère inattendu, en partie improvisé, les participants ont pu retrouver une place qui donna aussi un air de fête et de connivence. Combien hier n’ont pas utilisé leur carte bleue ? Beaucoup. C’était le geste minimum. Ce joyeux bazar a eu aussi sa contrepartie. « Ça se passe où ? », se demandait-on souvent. L’organisation a du bon. 

La ritualisation des manifs et des jours de grèves perlées ne convainc plus assez car elles ne fonctionnent pas assez. Il faut imaginer de nouvelles formes d’actions plus larges, où chacun peut y prendre place et qui soient moins contournables par le pouvoir.

Beaucoup comparent « bloquons tout » avec les gilets jaunes. C’était différent : principalement périurbain, le mouvement des gilets jaunes s’était organisé autour des ronds-points pour revendiquer leur juste place dans la démocratie française. Hier, on venait de partout. La mal-vie et le ras-le-bol s’exprimaient avec force dans un mélange de refus, de retrait et d’exigence. Les jeux politiques étaient vilipendés et le désespoir côtoyait la recherche d’une solution politique.

Hier, il y avait aussi beaucoup de jeunes. Il y avait du monde dans les manifs, et notamment en région. Il avait des syndicalistes et des gilets jaunes. Il y avait des militants chevronnés et des primo-lutteurs. Une culture est en train de se construire qui agglomère le passé et invente le nouveau. Ça prend du temps, le temps qu’il faut. Mais ça vient. Prochaine étape le 18 septembre. Le 21ème siècle s’avance.

Louise Deschamps

🔴 NO LIMIT DU JOUR

Nétanyahou peut-il bombarder qui il veut, où il veut ?

Le premier ministre israélien est en « mission sacrée » pour bâtir le « Grand Israël », selon ses mots. Alors, le droit international, ça ne pèse pas lourd dans la balance. Chaque jour en est une démonstration. Mardi 9 septembre, l’État hébreux a bombardé la capitale qatari. Le missile israélien qui s’est abattu à Doha visait une réunion de négociations sur le cessez-le-feu et la libération des otages à Gaza. Tel-Aviv avance que les cibles étaient des responsables du Hamas mais l’organisation palestinienne assure qu’aucun de ses membres n’a été tué. Depuis 2012, le Qatar, à la demande des Américains, accueillent le bureau politique du Hamas, conformément à la stratégie israélienne de déstabilisation de l’OLP. La monarchie du Golfe tenait un rôle de médiateur, où tout le monde pouvait parler à tout le monde. Encore faut-il pouvoir se parler… Ce bombardement n’est pas sans rappeler celui du printemps dernier, sur l’Iran, deux jours avant la fin de la négociation de l’accord sur le nucléaire. Comme si toute avancée vers la paix était combattue. Ce mercredi, ce sont 35 personnes qui sont tombés sous les bombes israéliennes au Yémen. Ces dernières semaines, Israël a donc mené des attaques aériennes au Liban, en Syrie, en Iran, au Yémen et au Qatar… et dans les territoires palestiniens. Six pays ! Et si Donald Trump se dit « très mécontent » et « mal à l’aise » de la frappe au Qatar, les États-Unis ne lâche pas leur allié israélien, quitte à se mettre à dos leurs autres alliés et rebattre les cartes géopolitiques de la région – en l’occurrence le Qatar, qui annonce vouloir « réévaluer » son rôle de médiateur et qui, désormais, se rabiboche avec les autres pétromonarchies du Golfe. Bref, Benyamin Nétanyahou poursuit sa fuite en avant vers la guerre totale, au mépris de toute règle internationale – on vous conseille à ce sujet la lecture de l’article de The Conversation « Israël peut-il invoquer la légitime défense pour justifier sa frappe au Qatar ? ». La réponse est dans la question.

L.L.C.

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1 commentaire

  1. Marc le 11 septembre 2025 à 12:58

    Bonjour,
    Pas du tout d’accord avec Louise Deschamps.
    Ce genre d’initiative, d’actions, c’est comme « pisser dans un violon  » : ça n’apporte, ça ne rapporte jamais rien.
    L’histoire du XIXE siècle, L’histoire du mouvement ouvrier, L’histoire des luttes a toujours montré qu’une éventuelle victoire passait forcément par une organisation (en termes de structures et de types d’action).
    Pourquoi, beaucoup de luttes, même bien organisées, ont-elles échoué ces dernières années ?
    Ce n’est pas le type d’organisation qui faisait défaut. C’est le rapport des forces. Ça dépend de qui on en face de nous (je parle du Président et du gouvernement) : est-il prêt à aller le plus loin possible dans l’épreuve de force, ou pas ?
    Combien de luttes où le rapport de force étaient défavorable à ceux qui luttaient et qui, pourtant, ont gagné et combien de luttes où le rapport de force étaient très favorables mais où on a échoué.
    En tout cas, une lutte sans organisation, sans délégués avec qui le pouvoir peut parler, est voué à l’échec quasi assuré.
    C’est pour ça (et d’autres raisons) que je n’y étais pas hier.
    Par contre, le 18, c’est autre chose.

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