LA LETTRE DU 11 NOVEMBRE
Retailleau, l’extrême provocateur
Il est ministre de l’intérieur depuis le 21 septembre dernier. En 6 semaines, il se démultiplie contre les députés LFI, les supporters du PSG, les étudiants de Lyon III. À chaque fois, il dégaine une menace de plainte ou de signalement.
Trois jours après son entrée en fonction en tant que ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau dépose une plainte contre le député Raphaël Arnault pour avoir, dans un tweet, mis en cause l’action policière en Nouvelle Calédonie ainsi que le couvre-feu en Martinique. Le député antifa y relevait une continuité avec le soutien au gouvernement israélien : « Tu m’étonnes que ça soutienne aussi fort la politique d’Israël ».
La seconde plainte est déposée le 21 octobre pour « injure publique » contre le collaborateur d’une députée LFI, Ritchy Thibault. Il écrivait sur X : « La collaboration entre les enfants de Pétain de la police nationale et les torchons de Bolloré est logique. Rien d’étonnant dans le fait d’être fiché par un régime en cours de fascisation ».
La troisième action vise la députée Marie Mesmeur, députée LFI d’Ille-et-Vilaine à la suite d’un tweet où elle polémiquait avec Fabien Roussel. Le secrétaire national du PCF écrivait : « Hier soir à Amsterdam, des supporters ont été chassés, menacés et lynchés, dans la rue d’une ville européenne, car ils sont juifs ». La députée lui répond : « Ces gens-là n’ont pas été lynchés parce qu’ils étaient juifs, mais bien parce qu’ils étaient racistes et qu’ils soutenaient un génocide ». Le ministre de l’intérieur a annoncé qu’il avait signalé à la procureure de Paris les propos de Marie Mesmeur « au titre de l’article 40 du Code de procédure pénale, pour apologie de crime ».
LFI est dans le viseur. Mais ce ne sont pas les seuls ! Les supporters du PSG ont osé déployer une banderole « Free Palestine » dans le stade. Il faut dire qu’elle était spectaculaire ! Retailleau en appelle aux sanctions. L’UEFA ne le suit pas.
Retailleau n’est pas seul dans sa guerre. Il a reçu le renfort du ministre de l’enseignement supérieur qui annonce effectuer un signalement à la justice après la tenue d’une manifestation propalestinienne contre la venue, vendredi, de la présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet, à l’université Lyon-III. Scandale : « Free Palestine » et « Free Gaza » avaient ainsi été tagués. Lors de la manifestation réunissant 200 étudiants, on a même entendu des slogans hostiles tels que « Yaël casse-toi », « génocidaires hors de nos facs ». Oh my god !
Les initiatives du ministre de l’intérieur visent à chaque fois des tweets, des banderoles, des manifestations… Tout ceci fait partie d’une chaine d’actes cohérents de la part d’un ministre qui considère que l’État de droit n’est « ni intangible ni sacré ». Retailleau est un provocateur.
Comment faire face à ces surenchères ? On ne peut que s’offenser et s’inquiéter des actions d’un ministre idéologue en guerre contre les libertés.
En même temps, on ne peut que condamner ce qui s’est passé à Amsterdam. On ne peut pas présumer qu’il n’y avait pas d’attaques indiscriminées et antisémites visant des supporters d’un club israélien. Le soutien aux Palestiniens ne sort pas renforcé des scènes de violence et de lynchage qui ont eu lieu à Amsterdam. Et Retailleau en tire parti.
Par principe comme par intelligence politique, même sur les racistes, on ne tape pas. Point. L’engrenage de la violence conduit au pire. Tout comme la judiciarisation des opinions politiques.
Catherine Tricot
COP29 DU JOUR
À gauche comme à droite, la défense perdue du multilatéralisme
La COP29 s’ouvre aujourd’hui à Bakou, capitale de l’Azerbaïdjan. Certains, notamment à gauche, s’offusquent qu’une telle convention écologique ait lieu dans un pays qui bafoue les droits humains (notamment les Arméniens dans le Haut-Karabagh) et qui n’entend pas limiter sa consommation d’énergies fossiles. À l’heure où il est particulièrement attaqué, il faut rappeler que le multilatéralisme qui fonde les COP, c’est précisément de pouvoir mettre tout le monde autour de la table, y compris ceux avec qui on n’est pas d’accord, pour tenter d’élaborer des règles communes. La question n’est donc pas de savoir s’il faut que la ministre de l’écologie Agnès Pannier-Runacher boycotte ou non l’événement, mais ce qu’elle va y défendre (et c’est là que le bât peut blesser). Pour rappel : rien n’empêche à l’une ou l’autre des parties prenantes (la France par exemple) de prendre des mesures plus volontaires sur son territoire.
P.P.-V.
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« Quand la Seine débordera », formidable documentaire scientifique proposé par France 5 sur une crue centennale de la Seine (en replay jusqu’au 14 novembre), prend une singulière résonances après les inondations de Valence. Fort d’une simulation extrêmement réaliste, sont présentés les dispositifs mis en place depuis un siècle pour atténuer ses effets : prévision, ingénierie, aménagement de paysages sont mobilisés. Ça ne suffit pas à nous rassurer : le plus dangereux reste la montée de la nappe phréatique. Et ça, on ne sait pas le contrer. Regardez, vous mourrez moins bête.
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« En même temps, on ne peut que condamner ce qui s’est passé à Amsterdam. On ne peut pas présumer qu’il n’y avait pas d’attaques indiscriminées et antisémites visant des supporters d’un club israélien. »
On ne peut, effectivement, que condamner ce qui s’est passé à Amsterdam. On peut condamner que les supporters du club israélien, qui se sont déjà illustrés par le passé par leur violence (agression d’un Arabe en Grèce, notamment), aient attaqué, la veille du match, un chauffeur de taxi d’origine maghrébine. On peut condamner que les mêmes soient allés arracher et brûler des drapeaux palestiniens, qu’ils aient chanté des chants racistes, et hurlé des slogans de la même eau. On peut condamner qu’ils n’aient pas respecté la minute de silence en hommage aux victimes des inondations d’Espagne, l’interrompant de sifflets, de feux d’artifice, de chants racistes. On peut condamner qu’ils se soient armés et se soient lancés à la recherche de personnes originaires du Maghreb, dont il est douteux que ce soit pour leur faire des risettes. Mais, bien sûr, dans la réponse à ces provocations, on ne peut présumer qu’il n’y aient eu aucune attaque antisémite. Mais ça reste à prouver.