LA LETTRE DU 10 JANVIER

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Trump : un danger américain, européen et français

par Pablo Pillaud-Vivien

Il n’y a pas que la géopolitique qui fonde les relations internationales : un changement à la tête d’un exécutif national peut avoir des échos politiques puissants dans les sociétés à travers le monde.

Pas encore intronisé président des États-Unis, Donald Trump inscrit déjà son pays dans une direction inquiétante pour sa population et pour le monde : attaques virulentes envers les minorités (il entend exclure les personnes trans de l’école et de l’armée), xénophobe (il promet l’expulsion de 20 millions d’étrangers illégaux), bellicisme assumé (il promet l’enfer à Gaza si les otages ne sont pas libérés et exige de ses alliés 5% du PIB consacré aux dépenses militaires), impérialisme décomplexé (il entend annexer le Canada, le Groenland et le Panama), climato-scepticisme (il veut toujours plus de forages, en mer, sur terre et au pôle Nord).

Une partie de l’élite financière américaine, contrairement aux précédentes campagnes de Trump, voit d’un bon œil son arrivée au pouvoir. Elle en attend de nouveaux marchés et les dérégulations qu’il va engager. En ce début 2025, le mouvement s’accélère encore : tour à tour, les patrons des grands groupes technologiques lui prêtent allégeance. En sus du soutien indéfectible d’Elon Musk, voilà que Tim Cook (PDG d’Apple) et Mark Zuckerberg (PDG de Meta qui regroupe Facebook, Instagram et WhatsApp) annoncent participer financièrement à sa cérémonie d’investiture à hauteur d’un million de dollars chacun.

Zuckerberg va plus loin : dans une vidéo postée cette semaine, il annonce abandonner les politiques de censure des fake news, des insultes et des menaces qui existaient jusqu’alors sur ses réseaux… comme Musk l’avait fait avec Twitter – permettant le retour sur la plateforme de Trump qui en avait été exclu. Disparus les chics types en sweats à capuche. Il reste la réalité pure. La recherche de toujours plus d’argent et de pouvoir conduisent leurs choix : les entreprises de la tech américaine ont choisi leur camp. Mais elles ne sont pas les seules : depuis que Trump a été élu, McDonald’s et Walmart abandonnent leur politique de diversité.

Ces bouleversements poussent les Européens considérer les conséquences de cette agressivité tous azimuts. Le ministre des Affaires étrangères, Jean-Noel Barrot, pousse l’Union européenne à agir pour contrer les ingérences de Musk et les évolutions de Meta. Il propose que l’UE abandonne cette compétence aux États si elle ne protège pas « avec la plus grande fermeté notre espace public ». Car l’Union européenne ne parle pas d’une même voix même sur ce point. Il lui manque toujours le débat démocratique qui pourrait fonder une politique commune entre des nations aux histoires, cultures et intérêts différents. Ainsi, Giorgia Meloni voit l’arrivée de Trump d’un œil serein et espère inscrire son pays dans un partenariat renforcé avec cette nouvelle Amérique qui l’inspire. Quant à Emmanuel Macron, il a apporté son soutien au Premier ministre britannique Keir Starmer, cible récurrente et violente de Musk.

L’Union européenne est mise au défi. L’OTAN aussi. Et l’extrême droite ? Elle est mise sous pression d’une conception portée par les libertariens américains (au Nord… et au Sud avec l’argentin Javier Milei). Elon Musk se comporte en chef de l’extrême droite européenne : il apporte son soutien actif à l’AFD allemande en pleine campagne législative et promet de l’argent à Reform UK tout en reniant son président. Dans ces pays, ces deux partis sont en passe de doubler les droites traditionnelles. 

En France, aussi le duo Trump-Musk s’ingère et agit. Marine Le Pen n’est pas invitée à l’investiture du président américain. En revanche, le tenant le plus agressif du « grand remplacement » du « combat culturel anti-woke », Eric Zemmour sera lui présent avec Sarah Knafo à la cérémonie du 20 janvier. La stratégie de conquête du pouvoir du Rassemblement national est percutée par la puissance de cette extrême-droite virulente et irrespectée en France. Pour le moment, la prudence semble de mise dans les propos de Marine Le Pen. Il faudra suivre avec attention et inquiétude les ajustements stratégiques qui pourraient s’en suivre au sein de l’extrême droite française et européenne.

Pablo Pillaud-Vivien

ÉTAT D’ESPRIT DU JOUR

Une France désespérée, une France en colère, une France honteuse

Une étude Verian pour la revue L’Hémicyle a sondé « l’état d’esprit des Français en cette rentrée 2025 » et le constat est morose : le « désespoir », la « colère » et la « honte » sont les trois émotions qui dominent face à la situation politique actuelle, quand du côté des macronistes, c’est la « fatigue » – tu m’étonnes ! On aimerait bien connaître les 1% qui ressentent « joie », « excitation », « satisfaction » et « fierté » en ce début d’année… Quant à savoir comment se sortir du marasme, la solution, pour les sondés, n’est pas du côté de Matignon – le renversemeent de Bayrou, un premier ministre RN ou NFP, c’est non – mais de l’Élysée : une majorité (51%) se détache pour la démission d’Emmanuel Macron.

L.L.C.

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