LA LETTRE DU 25 SEPTEMBRE

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Pouvoir d’achat : le graphique est un sport de combat

Dominique Seux a demandé à la Banque de France quelle était l’évolution du pouvoir d’achat. Il augmente, a-t-elle répondu. Mais faut-il croire les graphiques de son Gouverneur qui prétendent le montrer ?

Les journalistes économiques attitrés des plateaux audiovisuels se relaient pour le proclamer : les Français se trompent, le pouvoir d’achat augmente. Il y a la version Pascal Perri : « L’inflation passe sous la barre des 2%. En moyenne en 2024, les salaires augmenteront de 3,5%, le pouvoir d’achat des Français augmente ». Et il y a la version Dominique Seux : « J’ai demandé à la Banque de France de nous dire le pouvoir d’achat par unité de consommation c’est-à-dire par personne. Depuis le début du choc inflationniste, c’est-à-dire janvier 2021, il a augmenté de 1,2%. Pourquoi ? Parce que les salaires ont progressé dans les entreprises et surtout, parce que les prestations sociales qui concernent les personnes les plus en difficulté ont été indexées ».

Effectivement, le gouverneur de la Banque centrale François Villeroy de Galhau a adressé, comme chaque année en avril, une lettre au président de la République dans laquelle on trouve les deux graphiques suivants :

Celui de gauche, pour montrer que les salaires nominaux suivraient un processus de rattrapage vis-à-vis de l’inflation et que les salaires réels recommenceraient ainsi à croître à partir de 2024. Celui de droite, pour affirmer que, malgré l’épisode de forte inflation, le pouvoir d’achat par habitant a été globalement préservé en 2022 et 2023 avec une évolution de -0,1% et +0,5%.

Le graphique de gauche est grandiose : il montre quand même assez clairement que le pouvoir d’achat des salaires a en moyenne beaucoup trinqué depuis le début 2022. Et que, pour ce qui est de la suite, on est plus près des désirs du gouverneur que des réalités. Coté salaire moyen, on passerait de la courbe à la droite : +3% en 2024, 2025 et 2026. Et côté prix, on passerait de 3% début 2024 à 1,5% pour Noël 2024. Et après on y reste.

Le gouverneur a écrit cela en avril. Dans la vraie vie, en juillet, l’Insee a corrigé : on est déjà en dessous de 3% de hausse des salaires. Les hausses de prix ralentissent mais pas tant que ça dans les services. Et les prix de l’alimentation baissent très peu et restent supérieurs de plus 20% à ceux d’il y a trois ans. Pour l’Insee, les gains de pouvoir d’achat pour 2024 (+0,5% pour le salaire moyen par tête) seraient loin de rattraper les pertes subies en 2022 (-1,9%) et en 2023 (-0,6%).

En bref, le graphique ci-dessous d’Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi, résume bien la situation du pouvoir d’achat des salaires réels par tête : au quatrième trimestre 2024, ils auront baissé de 4% par rapport au quatrième trimestre 2019.

Le graphique de droite du gouverneur de la Banque de France est celui qui a inspiré Dominique Seux. Mais le revenu disponible brut ajoute les salaires, les revenus des professions libérales, des entrepreneurs individuels, des dirigeants d’entreprises, ainsi que les prestations sociales et aussi les revenus de la propriété, moins les cotisations et les impôts versés. Le pouvoir d’achat des prestations sociales n’est pas du tout dynamique. Loin de là.

Michael Zemmour a calculé qu’entre 2017 et 2023, les prestations sociales et autres transferts ont diminué de 0,7 point de PIB. Les gains de pouvoir d’achat du revenu disponible par tête proviennent de baisses d’impôts et de cotisations inégalement réparties et surtout de la hausse des revenus du patrimoine. Ils sont « plus concentrés au sein de la population », admet le gouverneur de la Banque de France. C’est le moins qu’on puisse dire. Mais la conclusion que l’on peut tirer est que le revenu disponible brut par habitant n’est pas un bon indicateur de l’évolution du pouvoir d’achat de la très grande majorité de la population.

Bernard Marx

PANTALONNADE DU JOUR

L’impôt ne saignera pas le bienheureux

Que retenir du grand entretien du ministre de l’économie Antoine Armand sur France Inter, ce 24 septembre, sinon cette perle : « La question qu’on se pose, c’est comment on s’assure que ceux qui ont un revenu ou un patrimoine important payent un minimum d’impôts ». On dirait du Raymond Devos. Sauf que lui, c’était pour faire rire.

Depuis sept ans, les gouvernements d’Emmanuel Macron s’assurent que ceux qui ont un revenu ou un patrimoine important payent un minimum d’impôts. Ils le font avec une réussite certaine. Et donc, là, face à l’aggravation du déficit public, à la situation désastreuse des services publics et aux besoins d’investissements publics et sociaux, l’objectif du gouvernement Barnier et son ministre Armand sera de s’assurer que l’augmentation de ce minimum sera minimale. Le ministre a du reste tenu à préciser : « On n’est pas obligé de dire que si les riches – avec toute la difficulté que nous venons de constater à les définir – payent plus nous irons mieux ».

Comme cela, c’est clair : les augmentations d’impôts des riches et sur les profits, ce sera le leurre pour mieux laisser sous le tapis l’ampleur des coupes que le gouvernement va chercher à faire sur les dépenses publiques (santé, école, recherche, lutte contre la pauvreté, logement, agriculture biologique, mutation énergétique, réindustrialisations, etc..) et de protections sociales. Pas un mot là-dessus de la part du ministre. Et pas une seule question du tandem Salamé-Demorand. Tout ce qui les intéressait était de savoir où on mettrait la barre : « 3000, 4000, 5000 euros de revenus ? » Histoire de laisser bien entendre que si les impôts des riches augmentent, les couches moyennes seront, elles aussi, atteintes, forcément atteintes.

Bien entendu, la simplification, la débureaucratisation, la suppression des normes et la libéralisation de l’État seront plus qu’un complément de cette politique et du récit qui va l’accompagner. On va en manger sur tous les plateaux télé. Antoine Armand n’a pas manqué d’en parler dès sa première apparition.

B.M.

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