LA LETTRE DU 19 SEPTEMBRE

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Michel Barnier a déjà perdu

Il aura fallu sept semaines à Emmanuel Macron pour nommer un premier ministre, tout ça pour qu’au bout de deux semaines, Michel Barnier semble incapable de former un gouvernement.

Le premier ministre n’a pas encore composé son gouvernement que l’on peut déjà l’affirmé : il n’a plus la main – et au fond, il ne l’a jamais eue. Le choix d’Emmanuel Macron de l’ancien commissaire européen n’a pas été original, il a été mauvais.

On ne reviendra pas sur les justifications absurdes pour nommer un homme de 73 ans issu d’une formation politique à la dérive, Les Républicains, qui perd littéralement toutes les élections, nationales comme locales depuis plus d’une dizaine d’années. Pis : ils n’ont plus de colonne vertébrale politique, une partie ayant déjà rejoint le camp du président quand une autre est tentée par l’aventure avec l’extrême droite.

L’argument du sénateur vendéen Bruno Retailleau, qu’il répète à l’envi depuis une semaine, n’est pas idiot : les LR sont le groupe parlementaire (Sénat + Assemblée nationale) le plus nombreux. C’est au nom de cette arithmétique rudimentaire que cette formation politique s’estime légitime à réclamer tous les grands ministères. Il aurait été plus malin de parler des milliers de conseillers locaux qui font aussi, voire d’abord, la force de la droite mais qu’elle semble complètement négliger parce que, comme pour la gauche d’ailleurs, ils sont persuadé que c’est à Paris que ça se passe.

L’équation de Michel Barnier est littéralement impossible : satisfaire sa famille politique d’origine, s’assurer du soutien des macronistes et ne pas fâcher l’extrême droite – qui, fâchée ou pas d’ailleurs, appuiera sur la gâchette de la censure quand cela lui siéra. Les quelques uns qui font semblant d’y croire avancent la longue expérience de l’Isérois ainsi que de récents sondages qui le placent en tête des personnalités politiques préférées des Français. Il est drôle d’imaginer que certains croient vraiment que, parce qu’il a des cheveux blancs et qu’il présente bien (comme dirait ma grand-mère), il va pouvoir faire quoique ce soit.

Car ce dont il manque cruellement, c’est d’une dynamique. Les soi-disant stratèges de l’Élysée et de Matignon peuvent ranger leurs bouliers : l’enjeu ne peut pas être de trouver 287 députés pour voter telle ou telle loi. Lorsqu’Emmanuel Macron devient président en 2017, il a cette dynamique : des pans entiers de la société civile, des universitaires aux entrepreneurs en passant par les médias ou la culture, le soutenaient et lui ont permis d’envisager les premiers mois de son mandat avec des perspectives réelles (avant que tout, rapidement, ne s’écroule).

Aujourd’hui, Michel Barnier n’a rien de tout ça. En plus d’un président de la République qui entend jouer un rôle qu’il ne devrait pas prendre, il a face à lui des formations politiques et des personnalités qui ont tous les yeux rivés sur 2027 (ou plus tôt !). Faire de la politique sans s’appuyer sur les dynamiques à l’oeuvre mène à des impasses qui peuvent s’avérer dangereuses pour la République. Car il y en avait une qui était puissante au sortir du deuxième tour des législatives : celle de la gauche qu’Emmanuel Macron a choisi d’ignorer. Si Michel Barnier échoue (et il échouera tôt ou tard), le chef de l’État reviendra-t-il sur le choix de Lucie Castets ? Reste à savoir si la gauche bénéficie encore de la dynamique qui était la sienne en juillet dernier. Et même si elle le veut encore ou bien si elle a, elle aussi, les yeux rivés sur la présidentielle.

Pablo Pillaud-Vivien

AMBITIEUX DU JOUR

Oh Gaby, Gaby

Gabriel Attal se sent pousser des ailes. Dans un entretien au Point, on apprend que « grand brûlé de la dissolution […] se lance », car il a « une histoire à écrire avec les Français ». Rien qu’à lire ça, on a les larmes aux yeux. Il ose tout : « Le centre de gravité du pouvoir s’est déplacé au Parlement, rien ne pourra se faire sans nous. Et si nous parvenons à des compromis, alors ce sera : ‘Le Parlement décide, et le gouvernement exécute' » ; « La France a connu les Trente Glorieuses, à nous de bâtir les Trente Heureuses ». Au bout de son viseur, il y a Michel Barnier. Attal craint un retour en force de la droite républicaine et donc la fin du macronisme, assurant ne pas « être insensible » à l’idée d’en être l’héritier. « J’y vois le signe que j’ai gagné la confiance d’une partie des Français et tissé un lien particulier avec eux ». Surfer sur la popularité de Macron pour jouer sa propre partition, drôle d’idée.

L.L.C.

ON VOUS RECOMMANDE

Le podcast « La présidentielle américaine vue de… », sur France Culture. Histoire de bien avoir à l’esprit dans quel contexte Kamala Harris et Donald Trump vont se disputer l’élection du 7 novembre.

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