LA LETTRE DU 10 JUILLET

8009615-Récupéré-Récupéré

Le NFP doit gouverner seul, seul le NFP peut gouverner

Tout accord avec le parti présidentiel signifierait l’acceptation d’une défaite idéologique profonde.

Le Nouveau Front populaire, c’est-à-dire la gauche, est le premier groupe à l’Assemblée nationale depuis dimanche. Mais 182 députés sur 577, ça ne fait pas la rue Michel. Rajoutez à cela qu’ils sont jusqu’à présent infoutus d’accorder leurs violons sur un candidat commun pour Matignon et vous comprendrez pourquoi le président de la République a beau jeu de maintenir Attal et de ne pas nommer un nouveau Premier ministre issu des rangs de la gauche.

D’autant que la droite a eu, en trois jours, le temps de construire un argumentaire : la France et son Assemblée nationale sont majoritairement à droite (en incluant l’extrême droite), donc son gouvernement doit l’être. Sauf que les LR le savent : cette alliance qui réunirait 236 députés ( si tous s’y rallient…. ce qui n’est gagné ni chez les LR ni dans la branche « gauche » de la macronie) ne pourrait éviter la censure.

Pour une part importante des LR, comme Laurent Wauquiez- toute compromission avec le parti présidentiel en déconfiture ne signifierait une défaite idéologique profonde. Pour Les Républicains qui cherchent depuis 10 ans une façon d’exister entre le centre macroniste et l’extrême droite, s’acoquiner avec les premiers comme avec les seconds, serait acter leur effacement.

En vérité, il n’y a qu’une issue possible à la situation actuelle – mais dont personne ne veut aujourd’hui : le NFP forme un gouvernement (car ce sont eux qui sont arrivés en tête aux législatives) et force la main aux macronistes afin qu’ils ne participent pas à le faire tomber pendant un an. Après, il faudra aller chercher des majorités texte par texte, budget compris, comme au Parlement européen.

Disons-le tout de suite : ce n’est pas une position agréable. Pis : elle risque de créer frustrations et désillusions. Certes, le NFP peut se targuer d’être assis sur des dynamiques sociales profondes et sur une société civile organisée. Mais institutionnellement, il reste très fragile. C’est d’ailleurs le paradoxe du moment pour la gauche : elle ne peut abandonner l’ambition de prendre le pouvoir sous peine d’apparaître comme un gauchisme strictement oppositionnelle tout en ne pouvant l’accepter dans les conditions actuelles de représentation au Parlement. 

Enfin, il est un danger qu’il ne faut négliger : on entend beaucoup parler en ce moment de reparlementarisation de notre vie politique, parallèle à sa déprésidentialisation. Mais ne nous voilons pas la face : l’enjeu du moment, c’est de réancrer la politique dans la société, de la sortir des lieux du pouvoir parisien. Tout ne peut se résumer à des accords entre chefs, à des coups de fils du soir ou à des réunions de cadres. La démocratie, pour qu’elle soit vivante, doit passer à la fois par la vie des gens, elle se fait sur leur lieu de travail et autour d’enjeux locaux qui donnent à voir le monde différemment. Se contenter d’envisager de grands programmes pour la France, aussi intéressants et pertinents soient-ils, est nécessairement une impasse car la politique doit d’abord être une expérience de chacun pour que tous nous puissions envisager de vivre ensemble.

Pablo Pillaud-Vivien

COLLABO DU JOUR

Édouard Philippe trinque avec le RN

Finalement, Édouard Philippe, c’est comme le professeur Quirrell. On croit qu’il est cool et, en fait, il est pas cool. Pas cool du tout. Qu’apprend-on ce 9 juillet dans Libération ? Que l’ancien Premier ministre a dîné – grâce aux talents d’entremetteur de Thierry Solère, un des pires malfrats de la Macronie – avec Marine Le Pen et Jordan Bardella. Sur le plateau de TF1, le bougre s’explique : « Nous avons dîné parce qu’on se connaît peu. On a constaté à l’occasion du dîner, qui était un dîner cordial, que nous avions des désaccords très profonds sur de très nombreux sujets ». Et le journaliste Gilles Bouleau de lui renvoyer un cassant « Vous aviez besoin d’un dîner pour constater ça ? » Les ministres des Armées et des Affaires étrangères Sébastien Lecornu et Stéphane Séjourné auraient aussi eu droit à leur petit tête-à-tête. Ou comme disent les Allemands : « Si neuf personnes s’assoient à une table avec un nazi sans protester, il y a dix nazis autour de la table ». Il est pas beau le barrage républicain ?

L.L.C.

ON VOUS RECOMMANDE

  • L’entretien que l’écrivain Aurélien Bellanger a donné à Mediapart. Auteur d’un roman qui sort mi-août, Les Derniers Jours du Parti socialiste, il torpille le Printemps républicain, ce petit clan radicalisé dont l’influence n’a d’égale que son islamophobie patentée. Ou comment des auto-proclamés garants de la République n’ont joué leur partition qu’en faveur de l’extrême droite.

ÇA SE PASSE SUR REGARDS.FR

Info Canard enchaîné :
Macron veut du « grandiose »
pour la cérémonie d’ouverture des JO

Pour recevoir cette newsletter quotidiennement (et gratuitement) dans votre boîte-mail, suivez le lien : regards.fr/newsletter !

Partager cet article

Actus récentes

Abonnez-vous
à notre NEWSLETTER
quotidienne et gratuite

1 commentaire

  1. Magnus le 10 juillet 2024 à 14:27

    S’il dîne avec le pen et ne dîne pas avec Mélenchon, c’est qu’il est plus proche du rn en effet. Pas une grande surprise, après tout ils sont tous les deux de droite et c’est bien une politique de droite – qui divise et essentialise – qui a nourrit le rn.

    Rien de nouveau sous le soleil.

Laissez un commentaire