La France n’a plus les moyens de ses riches

211 milliards d’euros versés aux entreprises sans contrôle : et si le vrai gouffre budgétaire, c’était les actionnaires ?
C’est un chiffre qui fait l’effet d’un coup de tonnerre dans le ciel de la rationalité économique : 211 milliards d’euros d’aides publiques versées aux entreprises en 2023. Un chiffre avancé par un rapport sénatorial porté par le communiste Fabien Gay et son homologue LR Olivier Rietmann. C’est un tiers du budget de l’État et trois fois le budget de l’Éducation nationale. Un chiffre inédit, colossal, bien supérieur aux estimations précédentes – entre 30 et 150 milliards. L’argent public coule à flots.
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Aussi stupéfiante est l’absence de contrôle, de conditionnalité, de suivi démocratique. Ces aides, comme l’écrit le rapport, sont distribuées « en saupoudrage », sans véritable évaluation de leur efficacité, sans exigence de création d’emplois, d’investissements ou de transition écologique, et souvent sans même qu’on sache à qui elles profitent exactement. Une politique de la carotte, sans bâton, au service d’un capitalisme assisté – mais discrètement. La politique pro-business d’Emmanuel Macron depuis 10 ans a été faite au nom de la lutte contre le chômage, des investissements d’avenir et la réindustrialisation. Bilan : l’industrie n’a jamais été aussi faible dans notre pays et on n’a jamais vu autant de travailleurs pauvres.
Pendant ce temps, François Bayrou déclare que les finances publiques de la France sont « en danger mortel ». Mais qui met en danger la République ? Les hôpitaux ? Les chômeurs ? Les 15% de Français officiellement pauvres, selon l’Insee ? Ou bien ce système où l’État verse sans contrôle la richesse du pays, tout en restreignant les services publics ? Il faut le dire clairement : la France n’a plus les moyens de ses riches. Ce sont eux qui coûtent, qui captent, qui échappent. L’aide sociale la plus massive aujourd’hui, c’est l’aide aux grandes entreprises et aux actionnaires. Et contrairement au RSA, elle n’est soumise à aucune obligation. On soumet les précaires à 15 heures hebdomadaires de petits boulots au nom de la responsabilisation mais on gave les puissants sans la moindre contrepartie.
Qui met en danger la République ? Les hôpitaux ? Les chômeurs ? Les pauvres ? Non, ce sont les riches. Ce sont eux qui coûtent, qui captent, qui échappent. L’aide sociale la plus massive aujourd’hui, c’est l’aide aux grandes entreprises et aux actionnaires. Et contrairement au RSA, elle n’est soumise à aucune obligation.
Pourtant, nous sommes confrontés à un mur d’investissements indispensables. Pour faire face aux dérèglements climatiques et conduire la transition écologique, pour rebâtir l’école, pour la santé, les transports, la justice… On lutte contre les incendies qui ravagent Marseille et l’arc méditerranéen avec des moyens dégradés. Pourquoi ? Parce que le gouvernement Attal, par décret, a annulé les crédits qui devaient servir à commander des avions supplémentaires pour la lutte contre les feux de forêt. Une décision prise au nom du « redressement des finances publiques » alors que les incendies ont coûté deux milliards au pays l’an passé.
Ce que révèle le rapport de Fabien Gay, ce n’est pas une défaillance administrative, c’est un choix de classe, habillé en politique économique. Dans la sixième puissance économique mondiale, on organise la précarité d’en bas pour mieux garantir la prospérité d’en haut. Au détriment du futur et même de notre présent immédiat. Il est temps de renverser cette logique. Et de rappeler que l’État n’est pas une caisse enregistreuse au service du CAC 40 mais un outil censé défendre l’intérêt général, la cohésion du pays et préparer l’avenir.