Industrie : joyeux Hunger Games !
La saison des plans sociaux et des licenciements massifs commence.
« Nous sommes au début d’une saignée industrielle », alerte la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet dans La Tribune Dimanche. Après les annonces de plans sociaux et de fermetures de sites cette semaine, notamment à Auchan et Michelin, elle estime que ce sont plus de 150 000 emplois qui vont disparaître, mettant l’accent sur l’effet domino sur toute la chaîne de sous-traitance. Selon le syndicat, plus de 200 plans sociaux menacent aujourd’hui les travailleurs français.
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La gauche, à juste titre, dénonce les basses œuvres d’un capitalisme actionnarial largement subventionné par des deniers publics : ainsi de rappeler les millions d’euros reçus en crédits d’impôts et autres aides par ces entreprises (notamment au moment du covid) qui, dans le même temps, reversent en dividendes des sommes qui se comptent en milliards. Il y a de quoi voir rouge. Mais le problème ne se situe pas qu’à ce niveau-là.
Lorsque l’on écoute les travailleurs mobilisés de l’usine Michelin de Cholet, beaucoup parlent du sous-investissement chronique et depuis de nombreuses années dont a pâti leur outil de production. On voit bien la logique : on laisse pourrir le matériel industriel pour mieux accuser le manque de compétitivité ensuite et justifier la fermeture du site. D’aucuns se sont même interrogé sur la pertinence de conserver une production de pneus haut-de-gamme quand le marché ne suivait déjà plus. Pis : à l’échelle du groupe, on voit bien que sont privilégiés les investissements dans des pays au coût du travail et aux législations plus souples (pour rester poli). Le tout avec l’aval, voire l’aide de l’État, comme en témoigne les nombreux communiqués de l’ambassade française de Roumanie pour vanter les investissements de Michelin et consorts dans ce pays.
La CGT estime que ce sont plus de 150 000 emplois qui vont disparaître, mettant l’accent sur l’effet domino sur toute la chaîne de sous-traitance. Plus de 200 plans sociaux menacent aujourd’hui les travailleurs français.
La réorganisation de notre industrie, que des années d’abandon ont rendu déclinante, est une nécessité. C’est pourquoi Sophie Binet appelle à un moratoire sur le sujet. L’intelligence de ce genre de dispositif, c’est de permettre une prise en considération particulière pour chaque secteur. Car il est faux de croire qu’ils ne sont pas tous logés à la même enseigne. Les mutations de nos habitudes de consommation, le développement de l’automaticité et les problèmes d’approvisionnement viennent percuter le monde de la distribution. Ce à quoi il faut ajouter les questions de souveraineté quant à une production de qualité (la France ne peut pas rester un pays où le peu de choses que l’on produit sont des produits de luxe) ou bien la problématique de l’émergence de l’intelligence artificielle dans d’autres secteurs.
Pour répondre à la pluralité de ces attentes, il va falloir mettre à profit toutes les intelligences et toutes les expériences. Sans cela, nous continuerons à nous enfoncer dans une désindustrialisation préoccupante et à laminer notre tissu productif. Et comme le ministre de l’industrie Marc Ferracci ce samedi sur France Inter, nous n’aurons plus qu’à verser des larmes de crocodile quand les emplois seront détruits par centaines de milliers.