Faire face à la guerre commerciale

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Trump fait basculer le monde. Pour y répondre, il faut être à la hauteur. Opposition ou vassalisation ? France ou UE ? Protectionnisme ou néolibéralisme ?

Le 2 avril, Donald Trump annonce son dispositif de guerre commerciale. Une taxe de 10% appliquée à tous les pays sur les produits importés aux Etats-Unis et une taxe spécifique appliquée à chaque pays, calculée en fonction de l’importance de l’excédent de chaque pays. Soit 54% pour la Chine, 46% pour le Vietnam, 30% pour L’Afrique de Sud ou la Suisse, 20% pour l’Union Européenne… et 0% pour la Russie. Le 5 avril, la taxe de 10 % entre en vigueur. Le 9 au matin, les taxes spécifiques avec une taxe de 104% pour la Chine qui a annoncé riposter avec une taxe de 84% sur les produits américains. Et, 4 heures plus tard, Trump annonce une pause de 90 jours pour l’application des droits de douane spécifiques. Restent la taxation générale de 10% et une taxation de 125% pour les importations chinoises.

Petit retour en arrière

Une première explication de ce revirement est que Trump, c’est Ubu Roi. Pas faux, mais insuffisant. Une deuxième explication est que la guerre commerciale lancée de cette façon tournait au marasme et à la catastrophe. Pas seulement pour les autres. Mais d’abord pour les Etats-Unis. « Cela devient effrayant » expliquait l’économiste Paul Krugman : panne des investissements pour les entreprises, chute massive des bourses et surtout menace de crise financière majeure induite par les droits de douane. Un signe qui ne trompe pas, pointé aussi bien par Adam Tooze, historien remarquable de la crise de 2008, que par le Financial Times : les taux d’intérêt sur le marché des bons du Trésor augmentent sensiblement au lieu de baisser. Signe évident de la fuite devant le dollar et de la perte de confiance généralisée.

Mais attention, la pause n’est ni un cessez-le-feu ni un armistice et encore moins un traité de paix. La guerre commerciale des Etats-Unis continue et ses objectifs restent les mêmes, exposés par l’économiste trumpien Oren Cass : « un tarif mondial permanent pour donner la préférence à la fabrication nationale ; un tarif permanent pour la Chine pour découpler nos économies ; des tarifs réciproques comme moyen de pression pour inciter les autres partenaires commerciaux à faire des choix politiques de réduction des déficits. » Dans le Monde, le gouverneur de la Banque mondiale François Villeroy de Galhau parle « d’un basculement historique », « d’un ordre international bouleversé ». Il a raison. Mais selon lui, « ces mesures protectionnistes marquent aussi le renoncement à un leadership américain et sans doute le retour à un isolationnisme économique ». Le Gouverneur a gravement tort. La guerre commerciale de Trump – y compris la pause de 90 jours et les négociations qui vont avec – est un programme impérialiste de re-division du monde en deux blocs et de fabrique de vassaux avec son cortège de surexploitation des hommes et de la nature.

Crise financière en vue

Le basculement historique, initié notamment par la guerre commerciale de Trump, est un énorme éléphant dans la pièce. Du côté du pouvoir, de Bercy au Medef en passant par la Banque de France, on penche nettement pour la « théorie du choc » : profiter de la situation pour pousser les feux des politiques néolibérales et antisociales, et abandonner toute ambition de bifurcation écologique aux niveaux national et européen.

« Face à la nouvelle équation impériale, nous avons le choix en France, en Europe et dans le monde d’écrire une autre histoire » affirme, au contraire, à raison et avec optimisme Dominique de Villepin. Dans cette grande bataille, la question de l’Union européenne est à nouveau posée. Est-ce un champ incontournable de la lutte ? Ou faut-il le délaisser parce qu’on ne peut rien en attendre ? 

François Ruffin sur France Inter le 9 avril a jugé ridicule la riposte européenne annoncée de taxation des bidets américains et d’une listes d’autres produits. Et encore, c’était avant qu’Ursula von der Leyen n’annonce le retrait de ce paquet pour faire comme Trump et mieux négocier avec lui. Tout comme sont très insuffisants les projets de transformation interne de l’Union, toujours essentiellement fondés sur l’extension du domaine du marché intérieur. Et comme sont très pauvres la pensée et l’action de transformation des relations avec les pays du Sud.

Avec ou sans l’Union Européenne ?

Faut-il pour autant prendre acte de l’impuissance européenne et passer à autre chose comme l’a réclamé Eric Coquerel à l’Assemblée Nationale le 8 avril au nom des députés LFI ? « La France doit ouvrir un autre chemin sans dépendre de personne et en y associant les pays d’Europe qui le souhaitent » a-t-il affirmé. Sauf que l’Union européenne représente plus de la moitié des échanges extérieurs de la France. Sauf que les capacités de succès d’une riposte isolée de l’Union européenne sont très faibles. Et sauf que, depuis 1957, il est impossible pour un pays de l’Union d’avoir des accords bilatéraux en matière commerciale. L’ancien patron de l’OMC Pascal Lamy le rappelle dans le Parisien du 10 avril au sujet de la visite de Giorgia Meloni à New York pour négocier avec Trump un accord séparé. Même pour la bonne cause et non celle de Giorgia Meloni, ce serait la rupture de la France avec l’Union européenne. Autant le dire clairement.

Eric Coquerel met en avant d’une part le besoin d’une riposte appropriée visant non pas les droits commerciaux sur les produits, mais les entreprises de la Tech et les GAFAM. Et, d’autre part, la nécessité de s’engager dans la voie d’un protectionnisme solidaire, ciblé et adossé à une politique de soutien et d’investissements dans la souveraineté industrielle et agricole au service de la bifurcation écologique. Autant d’objectifs ambitieux et nécessaires. Mais c’est en France et en Europe qu’il faut mener ces batailles.

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