Déficit public : les taux se resserrent !

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Le taux d’emprunt de la France rejoint celui de l’Espagne, du Portugal et même de la Grèce. L’écart se creuse avec l’Allemagne. Cela témoigne d’une certaine inquiétude des préteurs. Mais cela signifie surtout l’échec d’une politique. Celle que le gouvernement Barnier a pour mission de poursuivre, quoi qu’il en coûte.

Le graphique du haut1 montre que le coût d’emprunt de la France (taux d’intérêt versé sur les emprunts de l’État à dix ans, courbe bleue) est au niveau de ceux de l’Espagne (courbe rouge). Cela n’était pas arrivé depuis 2007. Alors que l’inflation a ralenti, ils sont à 2,97% contre 2,5% au début de l’année. Le graphique du bas montre que l’écart de coût entre les emprunts publics français et allemands a augmenté depuis le début de l’année de 0,5 à 0,8%. 

Les prêts de la finance à des États comme l’Allemagne, la France ou l’Espagne sont des placements de sécurité généralement non spéculatifs et à faible rendement. La finance n’a pas peur d’une faillite. Mais elle commence à s’inquiéter du dérapage des finances publiques et plus généralement de la situation économique et politique de la France. Évidemment quand le nouveau ministre de l’économie doit admettre que « la situation économique est grave » et que l’on a « un des pires déficits de notre histoire », les préteurs ont toutes les raisons d’augmenter les taux. 

Le déficit public qui part en vrille, et le taux d’endettement qui augmente à nouveau, sans choc extérieur, ne sont pas simplement un dérapage à redresser. C’est le résultat d’une politique qu’il faut changer.

Puisqu’il y a match Espagne-France, refaisons-le !

Côté France, l’économiste Patrick Artus interroge dans une note récente, pleine de graphiques : « France : la politique de l’offre a-t-elle échoué ? » Réponse : elle a coûté 60 milliards par an en baisse d’impôts, de cotisations et de prestations (aides non comprises). Les résultats ? « On voit un effet favorable de la mise en place de la politique de l’offre en France en ce qui concerne l’investissement total des entreprises mais pas en ce qui concerne l’emploi, le chômage, la productivité, le PIB et la production industrielle, la balance commerciale pour les produits industriels et l’investissement en nouvelles technologies. » La surprise serait qu’au bout du compte, le déficit public ne s’aggrave pas. 

Côté Espagne, le gouvernement Sanchez n’a pas réalisé « tout le programme, rien que le programme du NFP ». Mais, comme le souligne Martine Orange, dans Mediapart, « il a pourtant décidé de s’extraire de l’orthodoxie financière prônée par l’Union européenne. Il a mis en œuvre depuis 2021 une politique publique cohérente, à rebours de tout ce que recommandent la droite et les responsables macronistes » : sortie du marché unique de l’électricité, fiscalité sur les superprofits et les plus grandes fortunes, hausse du Smic de 54% en six ans, bonne utilisation des fonds de relance européen. Sans compter des avancées vers la régularisation d’un demi-million d’étrangers sans papiers et la reconnaissance de l’État palestinien. Résultats : une croissance de 2,4% en 2023 et 2,8% en 2024 ; une productivité du travail qui augmente de 1,4% par an depuis 2019 ; un déficit des finances publiques qui passe de 6,73% du PIB en 2021 à 3,64% en 2023.Et un endettement public qui diminue de 120% du PIB en 2020 à 107% en 2023. Il n’y a pas photo.

Cela n’empêchera pas le nouveau gouvernement Barnier et consorts macroniens de prétendre réduire le déficit en poursuivant, quoiqu’il en coûte, la politique de l’offre et en s’attaquant aux dépenses publiques et sociales. Ils diront le faire progressivement et avec un peu de pommade côté recettes, pour que ça passe et pour essayer d’éviter que ces coupes n’entraînent récession, chômage, mauvaises rentrées des impôts et des cotisations sociales… Et finalement, un déficit qui continue de déraper et des investisseurs de s’inquiéter.

Mais il ne faut pas s’y tromper, c’est un nouveau palier structurel dans les ségrégations sociales, les privatisations et le renoncement écologique, que cette politique va s’attacher à franchir.  

La bataille s’annonce rude. Nous aurons à en entendre et à en voir dans les médias des pourfendeurs de l’excès des dépenses publiques et sociales au nom d’une inefficacité mal identifiée.

Olivier Faure dit vouloir « faire mettre un genou à terre » au gouvernement de Michel Barnier « en trouvant des majorités inédites sur des amendements ou des propositions de lois reprenant des éléments du programme du NFP ». Il cite notamment la suppression de la « flat tax », les abattements sur les très gros héritages ou le rétablissement de l’impôt sur la fortune. Il faut souhaiter que cela soit à la hauteur des urgences et que cela concerne aussi les dépenses publiques et sociales et leur meilleure efficacité pour réaliser des objectifs économiques, sociaux et environnementaux tout aussi urgents que la diminution du déficit public.


  1. Source :  compte X de Frederik Ducrozet, responsable de la recherche macroéconomique, Pictet Wealth Management ↩︎

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