Debout les damnés de la terre

La lettre du 30 juin 📨
par Catherine Tricot
Quelle surprise d’entendre de nouveau ce chant révolutionnaire à la fin de la réunion de lancement du mouvement de François Ruffin, « Debout ! ».
« Debout les damnés de la terre
Debout les forçats de la faim
La raison tonne en son cratère
C’est l’éruption de la faim
Du passé faisons table rase
Foule esclave debout debout
Le monde va changer de base
Nous ne sommes rien soyons tout »
L’Internationale
L’initiateur (avec Frédéric Lordon) de « Nuit debout », le réalisateur (avec Gilles Perret) de « Debout les femmes » et le fondateur de « Picardie Debout » tient à la fois son mantra, sa continuité personnelle et historique. Cet homme-là veut que tous ceux qui aiment le travail, la France et « les travailleurs essentiels » se lèvent !
Samedi, François Ruffin donnait le coup d’envoi à son mouvement « Debout ! » à l’issue d’une journée de travail de militants. Sur scène, à ses côtés, Fabien Jumel, l’ancien maire puis député communiste de Dieppe organisait le moment. On découvrait sa brillante suppléante Hayat Matboua, AESH (accompagnante d’élèves en situation de handicap), qui donnait corps et visage à tous ces travailleurs dont François Ruffin se fait le hérault. François Ruffin se lance. D’emblée, il conforte ce qui est et sera son axe politique : « Nous sommes des travaillistes, pas au sens anglais du terme. Au sens où nous croyons que c’est le travail salarié ou bénévole qui fait la société ». C’est à partir de cette conviction profonde qu’il brocarde tout ce qui le détruit, le méprise, le vide de sens. François Ruffin veut que le « peuple de gauche » ne soit plus un oxymore comme il l’écrit dans le manifeste fondateur de 50 pages qui marque cette étape.
Le travail chez François Ruffin, c’est d’abord celui des mal payés, mal considérés, mal formés. Et c’est sur eux que François Rufin compte pour relever les défis qui viennent, pour « faire l’histoire ». Les autres travailleurs, ceux des bureaux et des métiers de l’information, la création, la formation… sont beaucoup moins « racontés ». Soucieux de réunir les « bourgs » et les « tours », il délaisse ceux des centres-villes, qu’il associait hier à la contestation du consumérisme. Le député de Picardie veut faire entendre sa différence : Il laisse à ses concurrents à gauche l’adresse aux classes « éduquées » et centre son propos sur le monde populaire. Mais si François Rufin veut aussi parler de la France « en entier, pas à moitié », il lui faudra embrasser tout le monde du travail, « le prof et le prolo », les deux figures du cœur sociologique de la gauche. Il lui faudra sans doute renouer avec l’intuition de Nuit debout, quand il avait recherché leur convergence pour inventer une modernité faite « de plus de liens et de moins de biens ». Car l’écologie, « l’a-croissance », reste la finalité qu’il assigne aux mobilisations, aux politiques publiques et au travail.
Le second axe que François Ruffin a martelé une fois encore, c’est son hostilité à la mondialisation. Il ne la qualifie pas de libérale. Celle qui a causé le départ des usines et abîmé les ouvriers, il la honnit, en entier, pas à moitié. Il est fier de ses victoires idéologiques comme le retour du souverainisme dans la conversation publique. Il veut des protections douanières aux frontières. S’il prend soin de parler de nos voisins comme des peuples frères aux histoires partagées, il n’accorde aucun crédit à la construction européenne. Il brandit encore le souvenir du « non » de 2005, ce refus portait par monde populaire. François Ruffin condamne et dénonce les faiblesses de la France face au génocide en cours en Gaza… mais le monde reste loin. Il croit à la force de la France et ne parle guère ni de l’Europe ni du reste du monde. Le Picard est un « internationaliste » et ne pense pas l’unité du monde.
Enfin, son argument politique massue est sa conviction qu’il peut convaincre le fond du pays de faire barrage à l’extrême droite. Il l’a fait par trois fois sur ces terres RN de Picardie. Il pense pouvoir le faire au plan national. Il sera présent au rendez-vous du 2 juillet donné par Lucie Castet pour promouvoir une primaire.
François Ruffin y croit.
🔴 CONTRE-RÉFORME DU JOUR
Rachida Dati veut son ORTF 2.0

Le débat parlementaire sur la réforme de l’audiovisuel public, porté par la ministre de la culture Rachida Dati, a débuté ce lundi à l’Assemblée nationale. Objectif affiché : fusionner France Télévisions, Radio France et l’INA au sein d’une holding unique baptisée France Médias – médias en grève ce lundi, Radio France ayant commencé dès jeudi dernier. Derrière le jargon technocratique, c’est un big bang structurel pour le service public de l’information et de la culture. Avec une double perspective : la réduction des coûts et surtout la mise sous tutelle unique de l’information publique. La ministre de la culture s’en défend, mais les syndicats redoutent un affaiblissement de l’indépendance éditoriale, une logique de concentration qui sert surtout les impératifs budgétaires et une ouverture à terme vers la privatisation. Un projet flou, précipité et qui augure du pire. Mais Rachida Dati tient sa réforme. Et Rachida Dati, on le sait : elle veut ce qu’elle veut…
P.P.-V.
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