Courbet l’échine

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Où l’on vous parle d’un autre braquage, celui d’un immense tableau de Gustave Courbet.

Promis, on reparle des imbroglios politiques et de l’élaboration du budget dès demain. Aujourd’hui, nous faisons un pas de côté pour parler d’un braquage. Pas celui des joyaux de la couronne du Louvre mais un autre : celui d’un des tableaux les plus puissants du peintre du 19ème siècle, Gustave Courbet, « Le Désespéré ». Le Monde nous apprenait hier soir qu’il fait désormais partie des collections qataries – et non plus françaises.


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Ne soyons pas parano : nous n’imaginons pas que le grand bruit fait pour l’un et non pour l’autre n’a rien à voir avec l’origine royale et impériale des bijoux tandis que l’autre, une peinture, était l’œuvre d’un communard, Courbet, l’éternel sulfureux. Relevons que cette transaction n’a été possible qu’avec l’appui d’une ministre de la culture re-re-re-nommée, Rachida Dati, qui n’est pas à une disruption près… Elle pourra donc se vanter d’avoir permis que soit dilapidé en catimini le patrimoine culturel national. 

Reprenons les informations du Monde. Tout serait passé crème sans cet hommage rendu le 13 octobre à l’ancien directeur du musée d’Orsay, Sylvain Amic, décédé brutalement cet été. C’est alors que l’Assemblée apprend médusée que ce tableau, phare de la rétrospective Courbet de 2007, avait été acheté 50 millions en 2014 par une discrète famille franc-comtoise… et qu’il appartient désormais au Qatar. L’œuvre ne pouvait quitter le sol français sans certificat d’exportation. C’est là qu’intervient la rue de Valois. En 2024, la ministre-qui-aimait-beaucoup-les-bijoux-mais-pas-au-point-de-démissionner conclut un accord maintenu secret avec le Qatar au lieu de protéger l’œuvre en le classant « trésor national ». « Le Désespéré » ne sera pas protégé pour ne pas incommoder l’Émirat qui promet 10 milliards d’investissements en France. Le tableau pourra donc s’envoler. Incidemment, Le Monde nous apprend que ce tableau n’est pas le seul trésor à être devenu propriété du Qatar au service de son soft power. Des œuvres de Monet, Manet, Caillebotte, Gauguin, Picasso, Cézanne auraient aussi pris récemment leur envol.

En 2024, Rachida Dati conclut un accord maintenu secret avec le Qatar au lieu de protéger l’œuvre en le classant « trésor national ». « Le Désespéré » ne sera pas protégé pour ne pas incommoder l’Émirat.

Cette affaire pose de nombreuses questions. Sur les moyens des musées pour acquérir les œuvres, leur budget est dérisoire : 2,7 millions par an pour le musée d’Orsay. Pourtant des œuvres rentrent dans des collections au moyen du mécénat qui permet des exonérations fiscales à 90%. Donc c’est bien l’État qui paye au final, mais ce sont les mécènes qui décident où va leur argent.

La politique de valorisation du patrimoine est outrageusement indexée sur sa valeur économique, en l’occurrence l’attractivité du territoire. On l’a vu dans les moyens rassemblés pour la reconstruction de Notre-Dame tandis que la basilique de Saint-Denis se reconstruit un siècle après avoir perdu sa flèche au gré des collectes populaires. C’est ainsi aussi que la magnifique Bourse du commerce de Paris a été cédée à François Pinault pour exposer et valoriser ses collections privées. Le projet de créer une entrée spéciale au Louvre pour conduire à Mona Lisa sera financée par LVMH et judicieusement placée face à la Samaritaine, transformée en super-marché du luxe et propriété de… LVMH.

La transformation du centre de Paris en paradis des riches et vitrine du luxe est le fruit d’une idée bêtement mercantile du patrimoine, de l’histoire, de la culture. Une idée partagée entre l’État et la municipalité parisienne. Pitié.

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