Contre le RN, faible mobilisation : la gauche doit s’interroger

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Samedi 12 avril, toute la gauche avait donné rendez-vous pour défendre l’État de droit mis en cause par l’extrême droite dans sa contestation du jugement contre Marine Le Pen et ses coprévenus. Mais il y eut fort peu de monde dans les rues. Pourquoi ?

Pour comprendre ce qui a conduit à cet échec particulièrement regrettable, on écartera un désaccord sur les motifs de ces manifestations. Tous les sondages ont montré que les Français et singulièrement les électeurs du NFP ont approuvé la condamnation de Marine Le Pen, y compris dans l’exécution immédiate de la peine d’inéligibilité. La gauche n’est pas particulièrement sereine devant la montée de l’extrême droite en France et en Europe. Le soutien apporté à Marine le Pen par le transphobe Viktor Orban tweetant soudain « Je suis Marine » ou par le faiseur de vérité alternative Donald Trump déclarant « Libérez Marine ! » ont conforté le sentiment de menaces portées par l’internationale fascistoïde.


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La première explication tient au moment choisi. Il y avait près de 15 000 personnes place de la République une semaine plus tôt. Ce n’était pas négligeable, mais pas non plus un raz de marée à la mesure de l’enjeu. On pouvait se dire qu’en trois jours, un tel rassemblement avait le mérite d’exister. L’argument ne vaut plus sept jours plus tard. Ce délai a même fonctionné comme un enterrement : en une semaine, tous les regards et les attentions se sont portés sur les dingueries de Donald Trump avec les droits de douane. Marine Le Pen et ses divers comparses accusant le jugement d’être politique et prétendant que c’est la démocratie qu’on assassine… était déjà loin, comme recouvert par une autre actualité. Le délai d’appel rapproché a aussi désamorcé le choc d’une impossibilité pour Marine Le Pen de se présenter. En vérité, là n’était pas le vrai sujet de la gauche qui combat davantage le RN que sa cheffe. Mais cela a contribué à faire descendre cette actualité du haut de l’agenda des chaînes d’info et des journaux.

En revanche, pour tous, pour les politiques comme pour les acteurs de la société, le monde médiatique a imposé son tempo. Ce rythme infernal où une actualité chasse l’autre n’est assurément pas celui de toute la société : les associations ont un rythme de vie qui n’est pas celui de l’instantané. Surtout quand il faut se coordonner avec d’autres et ajuster une réponse. Il leur fallait dix jours. Soit, mais ce fut trop. Quelle est la solution ? Pas facile de le dire mais la question du temps de réaction doit nécessairement faire partie des paramètres pour qu’une mobilisation soit réussie.

Si la gauche peut s’offrir le luxe de se diviser face au RN et pour la défense de l’État de droit, alors quoi ? Rester chez soi. Ce que firent bien des militants ce samedi 12 avril, pourtant archi convaincus que le RN doit être combattu et la République défendue.

D’autres questions surgissent aussi. Celle de l’unité. Certes, la manifestation de ce samedi 12 avril était appelée par un très large spectre de syndicats, d’associations de défense des droits humains, antiracistes, etc. Tous les partis du NFP y appelaient également. Mais le dissensus apparu avec celle du 5 avril a semé le trouble. Donc, en fait, tout le monde ne penserait pas la même chose et la bagarre LFI contre le reste de la gauche recommence, encore et encore. Il y a quelque chose de désespérant. Si on peut s’offrir le luxe de se diviser face au RN et pour la défense de l’État de droit, alors quoi ? Rester chez soi. Ce que firent bien des militants pourtant archi convaincus que le RN doit être combattu et la République défendue. Le danger d’une démobilisation de la gauche est évident. Et tellement dangereux.

Enfin, il y a un grand risque : celui des répétitions qui n’ont plus de sens évident. La gauche mobilise une histoire et des idées qu’il lui faut réexpliciter au risque de perdre beaucoup de monde en route. Dans la recommandation du jour, on signale un excellent entretien de l’historien Johann Chapoutot qui explique pourquoi on ne peut pas dire que Hitler était un communiste. Ça peut faire rire, en fait c’est indispensable. Le monde chamboulé, les continuités coupées, le temps qui passe… suppose de dire ce que l’on entend par État de droit, par démocratie. Dans la Midinale de Regards, Raquel Garrido  a fait ce travail de pédagogie, d’éducation populaire pour tous. Car il y a de quoi être troublé quand on n’a pas des années de cultures militantes et que des politiques disent que les juges s’opposent au peuple souverain. Les mots, les concepts, tous, doivent être re-remplis. Sinon, nous parlons une langue morte. Et cela vaut aussi pour les symboles. Il faut de la continuité et de l’innovation sur les modes d’expression et de manifestation. La gauche est fragile pas seulement à cause des attaques. Elle est fragile de ses propres oublis, facilités, abandons.

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