Bayrou : mission vraiment impossible
Le premier ministre peut-il faire mieux que son prédécesseur ? La question se pose. Et pire ? La réponse est plus facile.
Pour Emmanuel Macron, tout semble une affaire d’hommes : quand ça coince, tu remplaces Pif par Pouf parce que tu penses que Pouf est davantage compétent ou idoine que Pif – et le tour est joué. Seulement, la politique, la démocratie, l’équilibre et la solidité de nos institutions, c’est un peu plus compliqué que cela.
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Qui a-t-il, au fond, de différent entre la nomination de Michel Barnier hier et celle de François Bayrou aujourd’hui ? Nonobstant le passif que le boss du MoDem a avec les LR (que Michel Barnier, de facto, n’avait pas puisque c’était sa famille politique), pas grand chose. Un genre et un âge identiques, une aura et un charisme supposés, un positionnement centriste fantasmé central. Mais l’idée que l’un comme l’autre, forts de qualités tantôt réelles, tantôt idéalisées, puisse être la solution pour sauver le bilan d’Emmanuel Macron tout en garantissant la stabilité des institutions est aussi saugrenue qu’inapropos.
Car c’est bien ça qui est à l’œuvre : le président de la République cherche toutes les combines les plus abracadabrantes pour assurer que ses réformes impopulaires et son bilan économique affligeant ne soit pas attaqués par un locataire de Matignon qui n’irait pas dans son sens. Quitte à faire fi des dynamiques politiques évidentes qui traversent le peuple français : la victoire de la gauche aux dernières législatives ou la puissance de la lame de fond de l’extrême droite.
François Bayrou rate son entrée en matière et se prend les pieds dans le tapis d’entrée de jeu. Il est terrible d’admettre qu’en l’état, il ne pouvait en être autrement et le compte à rebours est lancé avant sa chute définitive.
Toutes choses étant égales par ailleurs, les mêmes causes produisant les mêmes effets, il ne faut pas parier sur la longévité du gouvernement Bayrou. En témoigne, dès à présent, les difficultés dans sa composition : les Républicains ont annoncé ce matin que les conditions n’étaient pas réunies pour y participer. La gauche, hormis quelques retraités dont on peut se poser légitimement la question de l’appartenance à ce côté-là de l’échiquier politique, a refusé tout de go. Et rares même sont les personnalités dudit bloc central qui veulent s’aventurer dans une galère gouvernementale qui ne risque pas de faire long feu. En un mot comme en cent : la mission de François Bayrou qui était d’élargir le socle commun est loin d’être en voie d’accomplissement.
François Bayrou rate son entrée en matière et ses premiers jours de pouvoir national. À l’Assembée nationale, il tint un discours creux devant les députés ; en pleine catastrophe climatique, il fut présent au conseil municipal de Pau plutôt qu’à Mayotte… bref le premier ministre se prend les pieds dans le tapis d’entrée de jeu. Il est terrible d’admettre qu’en l’état, il ne pouvait en être autrement et le compte à rebours est lancé avant sa chute définitive. Par un « bon » discours, on ne devient pas du jour au lendemain le centre de la vie politique, par une « bonne » mesure, on ne change pas le cours des choses, par un « bon » deal, on ne retourne pas une assemblée. Une question demeure : pendant que le pouvoir s’enfonce dans les marécages de sa propre turpitude, la gauche est-elle en train de se doter d’outils pour devenir l’alternative des que l’occasion se présentera ?