TRIBUNE. Besoin de mouvement(s), besoin de parti(s)

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Quelle stratégie pour la gauche ? Avec quelles implications concrètes ? Jean-Christophe Sellin et Hélène Le Cacheux, co-coordinateurs nationaux du Parti de Gauche, versent leur réflexion au débat.

Commençons par la réalité des rapports de forces. La domination du capital à l’échelle internationale est marquée par une concentration dans quelques mains, une financiarisation accrue et une logique spéculative délirante. Cela se traduit par des politiques toujours plus brutales contre les peuples, l’écosystème et la démocratie. L’extrême droite, sous différents avatars, offre ses services de chiens de garde et place ses pions dans de nombreux pays, jusqu’en Suède et même en Italie, où le fascisme historique est né.

 

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Le vent est mauvais mais dans cette période de grande instabilité et d’inquiétude, nous avons la volonté d’agir car des possibilités alternatives existent.

Où va la France ?

Nous avons en France un axe politique unique en Europe de résistance aux politiques libérales. Cette force a été construite avec détermination depuis près de trois décennies, avec Jean-Luc Mélenchon comme figure centrale. Le Parti de Gauche en a été à l’initiative dans ses différentes versions : le Front de gauche en 2009 et la France Insoumise en 2016 – c’est un rappel utile pour illustrer l’utilité des partis.

La campagne de Jean-Luc Mélenchon a permis le renforcement de cet axe. Le peuple a désigné, dans les urnes, le programme de la révolution citoyenne comme la troisième force politique du pays. Avec 75 député-e-s de la France Insoumise, dans le cadre d’une nouvelle alliance, la NUPES devient le premier groupe d’opposition à l’Assemblée Nationale.

Pour autant, le parlement est à droite, dont une composante fasciste de 89 députés à l’Assemblée Nationale et l’abstention atteint des records. Cette contribution souhaite éclairer la stratégie politique avec des pistes concrètes pour tenir une stratégie opérationnelle globale.

Les Insoumis et la gauche ont gagné des positions institutionnelles. Une machine électorale a été construite autour de la France Insoumise et a remporté d’indéniables succès. Au-delà des élections et dans la permanence du quotidien, nous n’avons pas encore réussi à construire un mouvement populaire de masse, attractif et ouvert, pour unifier les luttes sociales, écologiques, de désobéissance civique, pour gagner une hégémonie culturelle dans le pays et faire la révolution citoyenne, avec la Constituante et la 6ème République.

La riposte commune au gouvernement révèle encore de vieilles habitudes et des pesanteurs que nous devons collectivement dépasser. Nous reprenons la formule de Jean-Luc Mélenchon prononcée à la Fête de l’Huma il y a quelques jours : « La lutte doit être globale, frontale et générale et tout doit être consacré à la réunion de l’unité populaire pour faire face au capital dans la répartition de la richesse produite, marchez, marchez, marchez camarades ! »

Ce qui vient de se passer à la Fête de l’Huma est pourtant fâcheux. La Fête a bien été le point de rencontres des différents acteurs portant des alternatives, mais elle n’a pas été le lieu de la valorisation de la NUPES comme outil politique collectif ni le point d’appui pour organiser ensemble la riposte face à la politique de Macron.

Bien au contraire, un autre choix a été fait : celui d’introduire un sujet pourri opposant la « gauche du travail » à la « gauches des allocs ». Il appartiendra aux sympathisants et militants du PCF d’en tirer les enseignements, en regardant notamment ce qu’en disaient Marx et Engels dans le célèbre Manifeste : « Les communistes ne forment pas un parti distinct opposé aux autres partis ouvriers. Ils n’ont point d’intérêts qui les séparent de l’ensemble du prolétariat. lls n’établissent pas de principes particuliers sur lesquels ils voudraient modeler le mouvement ouvrier »

Echanger, s’organiser et agir ensemble

La gauche s’est historiquement développée dans des cadres collectifs très différents qui ont plus ou moins bien cohabité mais qui aspirent à un même idéal : l’émancipation humaine. Qu’il s’agisse de mouvements mutualistes, de syndicats, de partis politiques, d’associations d’intérêts communs, chacun a cherché à s’organiser. La gauche s’est construite avec l’idée que le peuple est souverain et qu’il faut lui donner la parole en construisant des outils appropriés, autrement dit que la démocratie est un marqueur essentiel.

Chacun choisit son mode d’organisation en fonction de ses objectifs. Il n’est pas de modèle optimum, chacun prend sa part pour que ses revendications deviennent effectives. Les militants politiques de gauche sont souvent syndiqués, d’ailleurs, ils ne militent pas de la même manière en fonction du cadre dans lequel ils agissent. Les divergences politiques entre militants doivent être traitées sous l’angle du respect et c’est par la discussion et l’action en commun que les rapprochements s’opéreront.

La recherche des convergences des points de vue et de luttes fait les victoires. L’enjeu majeur pour la gauche aujourd’hui est de reconstruire ces ponts avec un objectif commun : une culture politique commune pour rendre crédible une alternative majoritaire. De plus, toutes les formes d’organisations ont leur place dans la bataille idéologique qui nous oppose à la droite et l’extrême droite. Chacune à leur manière.

Pour notre part, nous avons identifié 4 grands chantiers :

  • Le programme : les enjeux de notre civilisation et de notre écosystème sont d’articuler la question sociale, écologique et démocratique. Le Parti de Gauche travaille cette problématique depuis douze ans sous la forme d’un « Manifeste pour l’écosocialisme », traduit en dix langues, réactualisé régulièrement en le confrontant aux programmes d’autres organisations comme d’associations spécialisées, de syndicats ou d’un programme présidentiel comme celui de LFI puis de la NUPES. Nous devons nous alimenter les uns les autres.
  • Les luttes : elles ont une place centrale dans la transformation radicale de la société. Les partis doivent y être aux côtés des travailleurs, des citoyens mobilisés, des syndicats, des associations. Ils sont là pour aider à populariser et politiser les enjeux de la lutte. Les additions de savoir-faire et d’énergies sont des multiplicateurs favorables aux rapports de force.
  • La présence sur l’ensemble du territoire : la carte électorale montre que nous avons des trous dans la raquette. Il ne s’agit pas, simplement d’intervenir dans la diagonale du vide, à l’extérieur des métropoles et de la ruralité. Il faut y cibler un message et organiser une intervention liée à l’histoire du territoire et à ses structures sociales.
  • La formation : nous n’inventons pas la gauche mais nous nous situons dans un courant de pensée qui préexiste, celui de la rupture avec le capitalisme, en l’adaptant aux enjeux de notre époque. Nous devons connaitre les principes qui nous animent, comprendre l’histoire et le monde pour proposer des solutions contemporaines de gauche. Il faut donc se former et former. Certaines associations comme ATTAC le font, les partis politiques le font, les collectifs thématiques, les intellectuels contribuent à la formation de toutes et tous.

Les mouvements fédèrent, enclenchent, impulsent ; les partis qui en sont une des composantes, les co-animent, partagent et mettent à l’épreuve leurs fondamentaux, leur culture et leur propre organisation. Le dramatique résultat des élections italiennes nous le rappelle : la responsabilité politique est de tout faire pour impulser mouvements et débats en vue d’une alternative majoritaire. L’articulation entre mouvement social, syndicats et organisations politiques est un impératif urgent. En France, nous disposons de réels points d’appui pour le faire.

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