« Le retrait de l’opération Barkhane est tactique : les Français resteront très investis au Sahel »

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Jeudi, Emmanuel Macron a annoncé le retrait des forces de l’opération Barkhane au Mali. Quelles suites ? On en parle avec Bruno Charbonneau, professeur titulaire au collège militaire royal de Saint-Jean (Québec), spécialiste du Sahel. Il est l’invité de la Midinale.

UNE MIDINALE À VOIR…

 

ET À LIRE…

Sur le retrait de l’opération Berkhane
« L’opération Berkhane est un échec depuis au moins 2015, tant au niveau politique et stratégique qu’en termes de résolution des conflits ou d’amélioration de la situation sécuritaire. »
« On ne peut pas dire que mission centrale de l’opération Berkhane qui était de stabiliser la région et le Mali est un succès… »
« La junte à Bamako a accéléré un processus et des discussions qui étaient déjà en cours : le président Macron, suite à son élection en 2017, avait rapidement demandé des résultats et une révision de l’approche française. »
« A Paris, il y avait de nombreux débats sur l’opportunité et le coût de l’opération Berkhane depuis longtemps. »
« L’usage de drones par les forces françaises était croissant : il y avait un accès mis sur la guerre à distance. »
« La tendance était au retrait des forces sur le sol malien ou du moins une réduction des forces sur le terrain pour les remplacer par une présence à distance. »

Sur les conséquences de ce retrait
« L’idée derrière l’opération Serval était de frapper un grand coup pour ensuite laisser la place à l’ONU et au Mali, pour reconstruire l’Etat et lancer un processus de paix. »
« La logique était, pour la France, d’effectuer le travail militaire dur en soutien aux efforts politiques, de l’ONU et de renforcement de l’armée malienne et des armes régionales. »
« La création du G5 Sahel devait aboutir à la création d’une force militaire conjointe : techniquement, elle existe mais elle est très limitée dans son impact. »
« La force européenne Takuba est venue en soutien de l’opération Barkhane dans la logique de la remplacer à terme. »
« Ce qui se passe en ce moment au Mali annonce des incertitudes. »
« Le retrait de l’opération Barkhane est un retrait tactique : au niveau régional, les Français et les Européens sont bien investis dans la guerre contre le terrorisme au Sahel. »

Sur les autres acteurs au Mali
« Au Mali, les gros joueurs sont la France et les Européens. »
« Je ne pense pas que le retrait des opérations Barkhane et Takuba meneront à un retrait des autres opérations en cours. »
« Je doute que d’autres joueurs viennent remplacer la France au Mali : beaucoup de cas a été fait de la Russie (…) mais cela reste à voir. »
« L’appui américain laissera toujours le leadership à la France (…). A noter que dans le communiqué de l’Elysée sur le retrait de l’opération Berkhane, nulle mention n’est faite des Etats-Unis. »
« Le manque à combler est immense mais je doute que des joueurs comme la Russie et la Chine pourraient remplir le même rôle. »

Sur la nécessité des forces militaires dites de pacification
« C’est l’articulation entre les solutions militaires et politiques qu’il faut explorer. Ce n’est pas ou l’un ou l’autre. »
« Depuis 2013, les solutions uniquement militaires sont pratiques et faciles tout en demandant moins d’investissements et moins de travail que de se mettre autour d’une table pour trou ver des compromis. »
« La France, de part sa stratégie militaire, établit des paramètres très précis, notamment le fait de ne pas dialoguer ou s’engager diplomatiquement avec des groupes djihadistes ou terroristes. »
« Au Mali, le problème n’est pas que djihadiste, ce sont aussi des conflits armés intercommunautaires, des violences très locales, des milices de toutes sortes… »
« Il aurait fallu renforcer l’effort onusien plutôt que de mettre uniquement l’accent sur la guerre contre le terrorisme. »
« L’outil militaire aurait du être mis en appui à une approche politique et stratégique menée par l’ONU avec les instances maliennes. Mais c’est l’inverse qui s’est passé et qui se passe encore aujourd’hui : on gère ca comme s’il fallait résoudre uniquement un conflit armé. »

Sur la société civile malienne
« La junte au pouvoir au Mali utilise des techniques et des tactiques populistes : elle joue avec le narratif selon lequel la France est toujours coloniale et que toutes les forces étrangères ne sont que là pour brimer la souveraineté du Mali. »
« Dans les rues de Bamako et de beaucoup de villes de la région, on en est arrivé à un sentiment anti-français très vocal et qui ne fait que grandir, notamment grâce aux médias sociaux. »
« Du côté des élites ouest-africaines, on a tout intérêt à garder un appui français. »

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