Cécile Dubernet : « L’Europe surmontera cette guerre si elle s’avère vraiment très solidaire »

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Depuis 24 heures, les appels à la paix s’expriment partout dans le monde, de Paris à Moscou en passant par Londres et New-York. Cécile Dubernet est enseignante chercheuse à l’Institut catholique de Paris, membre du Comité français pour l’intervention civile de paix et de la Commission Justice et Paix France. Elle s’exprime ici en son nom propre.

Regards. Que peut faire un militant ou une militante pacifiste en temps de guerre ?

Cécile Dubernet. Il ou elle peut déjà activement soutenir les victimes, qu’il s’agisse des personnes piégées dans les zones de guerre, de réfugiés, des pays en première ligne, mais aussi, des russes, biélorusses, ukrainiens qui rejettent la brutalité et cherchent des alternatives. Démontrer une solidarité ouverte, généreuse, sur le temps long est une réponse humaine essentielle face à la violence. De mon point de vue, l’Europe surmontera cette guerre si elle s’avère vraiment très solidaire. Il nous faut tenir les crises migratoires et énergétique à venir, creuser les liens entre européens, en établir de nouveaux, en particulier avec les russes et russophones qui ont le courage de questionner cette escalade meurtrière.

L’information est une arme majeure en temps de guerre. Quels conseils donneriez-vous pour « bien » se renseigner sur ce qu’il se joue à l’est de l’Europe ?

Il importe de rechercher la vérité avec prudence et rigueur. La première victime d’une guerre – et celle-ci dure déjà depuis 8 ans – est la vérité (au sens d’un narratif partagé, d’un commun). Aller aux sources (par exemple l’OSCE sur la situation dans le Donbass), vérifier directement les déclarations sur les sites (Conseil de l’Europe, Union européenne, gouvernements, etc.) Il est aussi important de croiser les informations à partir de journaux établis dans différents pays démocratiques et surtout de se méfier des images (surpuissantes et facilement manipulables), des blogs, de toute information non-vérifiée. Ne pas colporter mais bien documenter pour être en mesure de dénoncer fermement chaque violation de droits. Dire clairement mais sobrement ce que l’on comprend, en reconnaissant que nos vues sont partielles et partiales.
 
Le conflit russo-ukrainien pourrait s’enliser. Comment inscrire la mobilisation pacifiste dans la durée ?

Sur le temps plus long, il nous faut penser à la défense civile non-violente, surtout dans des contextes d’occupation ou des situations très militarisées. Il s’agit d’analyser les structures de violence et d’hégémonie, d’envisager les moyens d’y résister, et de mener ce travail en réseaux. Chacun peut jouer plusieurs rôles dans ce champ-là en tant que citoyenne, travailleur, croyante, parent, voisine, consommateur, etc. On pourrait rappeler la lutte de l’association des mères de soldats russes depuis la fin des années 1980 pour sortir leurs enfants de l’armée et les remettre à leurs études. Combats coûteux, longs, très risqués aujourd’hui. Mais leur exemple devrait nous inspirer et des outils existent pour relier les gens de paix, avec toutes leur différences et richesses.

 

Propos recueillis par Pierre Jacquemain

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