Andreï Gratchev : « Poutine entre dans une phase d’improvisation »

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Quel est le dessein de Poutine ? Qui peut l’arrêter ? Jusqu’où ira-t-il ? Andreï Gratchev, ancien porte-parole de Mikhaïl Gorbatchev, auteur de Le jour où l’URSS a disparu (Éditions de l’Observatoire), est l’invité de #LaMidinale.

UNE MIDINALE À VOIR…

 

ET À LIRE…

Sur Vladimir Poutine et les frontières russes
« Poutine devient un idéologue, ce qu’il n’était pas avant. »
« On est obligé de revenir à des arguments idéologiques pour comprendre ce qu’il fait aujourd’hui. »
« Le sens de l’action de Poutine s’inscrit 30 ans après la disparition de l’Union soviétique et la démission de Gorbatchev. »
« Poutine veut revenir dans le jeu de la politique internationale mais aussi russe avec le projet de reconstruction, pas de l’union soviétique, mais de l’Empire russe comme acteur de la scène internationale. »
« L’empire russe dans la vision de Poutine peut tout à fait s’inscrire dans le cadre des frontières actuelles. Et j’ai de bonnes raisons d’espérer que ça va être le cas. »
« L’empire russe que veut construire Poutine est une sorte de centre d’organisation d’un espace tout à la fois géographique, religieux et culturel. »

Sur la Russie post union soviétique
« L’union soviétique est devenue un empire oublié par l’histoire. »
« La Russie, dans son projet post union soviétique, devait rejoindre le reste de la famille européenne avant tout mais dans un sens un peu plus large, le monde aussi. »
« En passant de l’économie dirigiste à l’économie de marché, la Russie devait engager sa mue vers la démocratie et l’européanisation, ce qui ne s’est pas traduit en réalité malgré le fait que, côté soviétique, les conditions ont été largement respectées avec la chute du Mur de Berlin mais aussi l’octroi de l’indépendance de l’Europe de l’Est, la dissolution du Pacte de Varsovie et le départ des troupes soviétiques de l’Europe de l’Est. Cette démarche soviétique, de libération de la société soviétique, a été interprétée par les pays occidentaux comme une capitulation dont il fallait se servir. »

Sur les desseins de Poutine
« C’est très difficile d’interpréter les desseins de Poutine. On entre dans une phase d’improvisation. »
« La formulation des objectifs donnés par Poutine lors de l’invasion de l’Ukraine réunit les éléments d’un statut de blessé et même d’une Russie qu’il verrait comme menacée. »
« Il y a une certaine panique de la part de Poutine. »
« La conclusion de Poutine c’est de recourir aux arguments qui lui restent, c’est-à-dire ceux de la superpuissance russe dans le monde. »

Sur la société russe
« Les sanctions économiques ne renverseront pas la longue table sur laquelle Poutine est assis depuis le Kremlin. »
« Poutine a largement exploité la corde nationale, voire nationaliste. Poutine se sent menacé, subissant l’encerclement. De ce point de vue, l’interprétation de l’expansion de l’Otan en direction des frontières de la Russie est un argument qui a infusé dans la conscience de la population russe. Mais avec cette invasion de l’Ukraine, Poutine a franchi un rubicon et une frontière qu’il va chèrement payer. »
« Poutine s’est trompé de siècle et a sans doute sous-estimé la capacité de l’Ukraine à résister mais aussi de la société russe qui ne veut pas le suivre dans cette nouvelle aventure impérialiste et surtout engagée contre une partie d’elle-même car c’est comme ça que sont considérés les ukrainiens dans la tête de beaucoup de russes. »

Sur ce qui peut faire bouger Poutine
« Pour arrêter Poutine, il ne faut pas beaucoup compter sur le système de sanctions économiques occidentales – surtout si elles touchent d’abord la population russe plus que les responsables de la situation. »
« Ce qui va arrêter Poutine c’est bien sûr d’abord la résistance ukrainienne (…). L’autre résistance qui peut et va accélérer, paradoxalement pour Poutine, non pas la chute du régime à Kyiv mais plutôt va rapprocher la chute du système de Poutine. »
« On voit déjà les premières fissures apparaître dans le cercle proche du pouvoir avec les oligarques qui représentent des supports importants du régime et qui commencent à prendre leurs distances. »
« Cette guerre va entrer dans une phase d’enlisement, voire se transformer en une guerre civile et fratricide parce que pour les russes, les ukrainiens sont un peuple frère. »

Sur la stratégie diplomatique de la France et la menace nucléaire
« Face à une situation d’incertitude, il faut s’attendre au pire. »
« Un ancien président a une plus grande liberté [François Hollande qui a dit que la menace nucléaire de Poutine était du « bluff »]. Un président en exercice devrait être obligé de prendre en considération tous les scénarios d’autant plus qu’on avait déjà évoqué le terme « bluff » avant que Poutine ne s’engage dans cette opération irrationnelle. »
« Si je n’utiliserais pas le terme de « bluff », je prendrai néanmoins la menace de Poutine comme un avertissement adressé à l’OTAN et aux puissances et dirigeants occidentaux les incitants de se tenir à l’écart de la situation ukrainienne. »

Sur Mikhaïl Gorbatchev
« Poutine a fait beaucoup d’efforts pour présenter Gorbatchev comme le responsable de cette catastrophe du siècle c’est-à-dire l’effondrement de l’union soviétique. »
« Gorbatchev n’a pas la possibilité d’avoir une influence sur Poutine mais je compte beaucoup sur la génération Gorbatchev : cette Russie, héritière des idées, des projets et des promesses de la Perestroïka. C’est cette génération, cette société, qui grâce à Gorbatchev a pu goûter à la liberté et à la dignité. »

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