À la Sorbonne, les étudiants mobilisés contre Le Pen

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« Ni Macron, ni Le Pen », c’est le slogan qui a capté l’attention médiatique après l’occupation de La Sorbonne dans l’entre-deux-tours de la présidentielle. Nombre d’analyses ont alors laissé penser que la jeunesse renvoyait dos à dos les deux candidats. Sauf que pas vraiment.

« Pour le dire franchement on a le « seum » de ces élections. On en a marre de ce rituel de second tour ». Place de la Sorbonne, une centaine d’étudiants s’était rassemblés, hier, pour venir soutenir leurs camarades enfermés dans l’enceinte de l’Université. Les forces de l’ordre ont encerclé le bâtiment où il est très vite devenu impossible d’entrer ou de sortir. Les journalistes ou autres délégations étaient systématiquement bloqués aux portes de l’édifice millénaire.

Au même moment à quelques rues de cela, les étudiants pacifiques de Sciences Po Paris étaient attaqués par des membres de la Cocarde étudiante. Cette association d’extrême droite revendique sur Twitter : « Évacuer le blocus par ses soins face à l’inaction de l’État ». Ces derniers sont galvanisés par le score inédit de l’extrême droite et demandent maintenant aux étudiants occupants d’accepter le verdict des urnes. Ambiance.

« Ma position est de dire « Ni Macron ni Le Pen » en guise de revendication générale. En vérité, on se mobilise pour les législatives et pour lutter quoi qu’il en soit pendant les cinq ans à venir », témoigne Alan, militant proche de l’Union populaire. Jules étudiant en philosophie avait lui participé aux manifestations des gilets jaunes et annonce la couleur : « Ça va être beaucoup plus violent : cette mobilisation est un bon début, tout va sauter de manière imminente ». Malgré la diversité des positions dans l’assemblée, le référentiel de mobilisation était clairement anarchiste et autonome : « À bas l’État, les flics et les fachos… et tout le monde déteste la police… Police partout, justice nulle part », pouvait-on entendre. Grand contraste dans la foule, avec la présence d’un groupe local parisien de la France Insoumise. Eux sont venus pour appuyer la lutte : « On regarde si on peut faire venir un député. La police n’a pas le droit de les empêcher de passer. Cela permettrait d’apporter de la nourriture aux occupants ».

Un « ni, ni » mais pas un « dos à dos »

Pour la plupart des étudiants rencontrés, l’idée de cette mobilisation n’était pas de renvoyer dos à dos Emmanuel Macron et Marine Le Pen mais d’appeler aux consciences individuelles. Et le sens moral était loin d’être absent chez les étudiants. « Globalement on se situe dans le « ni, ni », mais concrètement ce sera un des deux. On ne peut pas se permettre de ne pas voter Macron : l’islamophobie et la répression s’accentuerait avec Le Pen », témoigne ces étudiants en histoire. « Macron n’a cessé de reprendre les mots de l’extrême droite. La bataille qu’il a déclaré aux universitaires en est la preuve. Comment peut-on qualifier nos professeurs d’islamo-gauchistes ? », ajoutent-ils.

Maeva, « normande de base » – comme elle se présente – avoue y avoir cru. Les étudiants place de la Sorbonne ont en grande majorité voté Jean-Luc Mélenchon au premier tour. « Je revendiquais déjà être très à gauche auparavant, mais là, je crois qu’une bascule s’est opérée. Je vais m’engager dans la lutte et militer ». Justement, l’ambiance était à la convergence des luttes. Aux alentours de 18h, le collectif Sorbonne occupé appelle la place à se rendre au Panthéon. Un rassemblement pour l’inscription et la régularisation de toutes et tous les étudiants étrangers s’y tenait.

Dans le même temps, les étudiants de la Sorbonne ont voté la fin de l’occupation. Sauf que les policiers avaient décidé d’empêcher les étudiants de sortir. Le but recherché par les forces de l’ordre était de décourager les primo-mobilisants. Coup de matraques, arrestation arbitraires, utilisation de gaz lacrymogène, tout l’appareil était mobilisé. Les militants chevronnés ont très vite su former un cercle pour protéger les plus fragiles d’entre eux. Tous ont réussi à sortir, dans de plus ou moins bonnes conditions.

Finalement, les CRS n’auront pas eu raison de la détermination de la jeunesse. La mobilisation semble vouloir se poursuivre et s’étendre à d’autres universités. De nouvelles assemblées générales sont annoncées, des blocages de lycées pourraient s’organiser dès mardi prochain et d’ici là, une grande manifestation parisienne partira ce samedi, dès 14h, place de la Nation. Emmanuel Macron a réagi : « La démocratie est faite de règles et si on se met à les contester cela devient l’anarchie ». De son côté, Marine Le Pen a l’habitude de qualifier ces étudiants mobilisés de « punks à chien ». « Entre Delta et Omicron », comme le rappelle Jules, « le choix du 24 avril ne va pas être simple ». Reste que l’un des deux virus est à la fois moins contagieux et moins nocif.

 

Clément Gros

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