Prières organisées par des élèves de CE2 : jusqu’où ira la psychose islamophobe ?

attention école

Au diable les faits, à Nice, tout est bon pour se faire passer pour un défenseur hardi de la République. Quitte à salir des familles et humilier des enfants.

Il y a quelque chose de pourri au royaume de France. Le 13 novembre dernier, alors que le pays commémore les attentats de 2015, le maire et la rectrice de l’Académie de Nice font savoir que de « graves atteintes à la laïcité qui se sont déroulées dans une école de Nice où deux élèves de CE2 ont organisé une prière dans l’enceinte de l’établissement ». Et Christian Estrosi de marteler : « Notre devoir est de ne jamais laisser passer ces comportements. » On apprend alors que les parents d’élèves vont être convoqués « sans délai » et ce « afin de leur rappeler les principes fondamentaux de la laïcité, qui ne peuvent en aucun cas être contestés. »

« Nous ne laisserons rien passer », déclarent conjointement la mairie et la rectrice Natacha Chicot. Le ton est martial, se voulant à la hauteur de la menace de déstabilisation de la République française. Les accusés ont 8 ans. Ils ont écopé, dès le 14 novembre, d’un avertissement.

L’emballement médiatique qui s’ensuit est symptomatique. Bien sûr, c’est d’abord la presse locale qui s’empare du sujet, et c’est bien normal. Nice-Matin sera, sur cette affaire, exemplaire, nous le verrons plus tard.

C’est au niveau national que la bouillabaisse islamophobe se consomme à l’excès. Le Figaro « révèle » que les deux enfants de CE2 « auraient réalisé leur prière sur leurs manteaux ». À bien y regarder, c’est surtout le groupe Bolloré qui se met en formation : CNews, le JDD, Europe 1 ou encore l’émission de Cyril Hanouna sur C8 « Touche pas à mon poste ». Personne ne dispose de plus d’informations que ce que vous venez de lire jusqu’à présent dans cet article. Et pourtant, les commentaires et paraboles fantasmagoriques fusent. L’adjectif « musulmanes » vient s’accoler spontanément aux « prières » des enfants, et ce n’est pas moins que la laïcité qui s’en voit « bafouée ».

Et l’affaire s’emballe. Le 17 novembre, cinq nouveaux cas de prières dans des écoles niçoises sont dénoncés. La rectrice s’agace : « Ce n’est plus un jeu », avant d’admettre à « un phénomène de mimétisme » du fait de la médiatisation. Elle ne croyait pas si bien dire. Car le 19, Nice-Matin publie un nouvel article, intitulé « Non, des élèves de CE2 n’ont pas prié à l’école Pierre-Merle à Nice : il s’agissait de simples jeux d’enfants ».

Les faits ne mentent pas

Surgissent alors des détails sur ces prières. Déjà, il y a le fait que les enfants et leurs proches ne sont pas musulmans – comme si l’inverse était une circonstance aggravante. Ensuite, il y a les faits : aucun n’a effectué la moindre prière. Ces élèves de CE2 étaient en train de jouer dans la cour de récréation. Une sorte de bâche blanche s’était coincée dans un arbre et ils y voyaient, à travers leurs yeux d’enfants, un fantôme. Selon les témoignages, ils auraient « fait une ronde, invoquant la dame blanche ».

Réaction du maire de Nice ? « Il apparaît clairement que les cellules familiales n’ont démontré aucune volonté d’enfreindre les principes de laïcité et de la République », écrit Christian Estrosi dans un communiqué ayant pour objet les « prières à l’école ». Réaction du rectorat ? « La loi de 2004, quelle que soit la religion, doit être respectée […] ce n’est pas un jeu quand des faits remontent […] Ou on considère qu’ils sont petits et que ce n’est pas bien grave. Ou, au contraire, on considère qu’ils sont petits et que c’est très grave. »

L’adjoint à l’éducation, Jean-Luc Gagliolo, a quant à lui fait savoir que « tous les signalements doivent être pris au sérieux […]  les agents municipaux et le rectorat ont confirmé des gestes qui pouvaient s’apparenter à des atteintes à la laïcité ».

« Mais la Ville n’a pas cru bon de rétablir la vérité », écrit Nice-Matin. Le quotidien régional publiera par la suite le témoignage des proches de ces élèves. On y lit la détresse de parents, obligés de protéger des enfants de 8 ans contre des institutions qui les prennent pour des terroristes en devenir. On y voit l’ego et la lâcheté des uns et des autres, qui permettent à ce que des écoles et des élèves de leur responsabilité soient salis, harcelés par des médias d’extrême droite en quête de buzz.

Qui menace la République ? Les jeux d’enfants ou les manipulations xénophobes d’adultes ?

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