Il importe de parler de BB en entier, pas à moitié

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En laissant Brigitte Bardot à l’extrême droite, la gauche renonce à raconter une histoire plus complexe que l’hommage ou l’effacement. Or son parcours dit quelque chose de la liberté, mais aussi des naufrages politiques de notre temps.

Tout a été dit ou presque sur Brigitte Bardot qui vient de mourir. Les éditorialistes du monde entier ont dit ce qu’il fallait en dire. Elle fut un visage rebelle de la France des années 60. On prête au général de Gaulle de considérer qu’ils étaient deux à incarner cette France : elle et lui. Elle fut une actrice et une chanteuse. Peut-être pas toujours inoubliable mais là n’est pas le sujet. A jamais, elle est celle qui n’a besoin de personne en Harley Davidson et qui danse le mambo comme aucune femme avant elle ne l’avait fait devant une caméra. Elle fut la liberté, la sexualité féminine affirmée, l’audace et une certaine provocation. C’était les années 60. #metoo était encore loin. Qu’a-t-elle vu et vécu ? Elle disait sa proximité avec Marilyn Monroe qu’elle avait connue… En tout cas, il est certain qu’elle a subi le mépris qui accompagne les femmes, mépris redoublé quand elles sont belles.

Au sommet de sa gloire, elle quitte le cinéma et la chanson pour ne jamais y revenir. Elle ne voulait pas en vieillissant ne plus être une actrice désirée mais, à la différence de Greta Garbo, elle ne renonça pas à laisser voir le temps qui passe sur son visage et sur son corps. Pas de chirurgie esthétique, pas de coloration des cheveux. Rien d’autre qu’une vie qu’elle voulait nature, sobre et en défense des animaux. Sa vie, son temps, son argent, sa notoriété… tout sera au service de cette cause.

C’est dans ce moment qu’elle commence à vriller politiquement. Elle affirme, concomitamment, qu’elle est favorable à la légalisation de l’IVG et elle se réfère à un éternel féminin, fait de beauté et de douceur. Elle en appelle à notre humanité pour arrêter la maltraitance animale et elle s’abandonne au racisme le plus crasse au nom d’une nature éternelle. Elle fut une femme effrontément libre et une combattante de la cause animale – parmi les toutes premières – mais elle le fut dans un salmigondis d’idées qui vont finir par se structurer et devenir purement et simplement d’extrême droite. 

Ce parcours est tristement banal, et pour cela aussi il fait sens. Parmi les électrices et les électeurs du RN, combien ont, ou ont eu, un engagement humaniste ? Parler de BB, c’est aussi parler de tous ces gens qui perdent pied. A de très rares exceptions, ce sont les hommes et les femmes de droite et d’extrême droite qui lui ont rendu hommage. Éric Ciotti pousse l’avantage et demande un hommage national. A gauche, rares sont ceux qui l’ont saluée au jour de sa mort. Il y a comme un risque que la gauche n’a pas voulu prendre. Aucun message balancé, pour dire à la fois ce qui restera pour l’histoire et ce qui sombrera dans le marécage islamophobe, raciste et homophobe. Quel dommage de laisser BB à l’extrême droite. Elle n’est pas devenue célèbre, chère à beaucoup d’entre nous, pour ses âneries racistes qui lui valurent cinq condamnations. Non, elle l’est devenue pour son courage, son intelligence, sa détermination, son avant-garde aussi. 

Peut-on séparer l’artiste de l’œuvre ? Non. Mais l’artiste ici n’était pas une théoricienne du féminisme, ni de la cause animale. L’artiste, c’était celle, butée, qui osa. On ne peut pas oublier ses errements. On peut même les trouver pitoyables… et se souvenir de l’essentiel : Brigitte Bardot a ouvert des portes.

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