Audiovisuel public : l’intelligence ou la capitulation

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Alors que l’extrême droite rêve de museler l’audiovisuel public et que les gouvernements l’asphyxient doucement, une alternative existe : réaffirmer une information critique et éclairante.

L’actuelle commission d’enquête contre l’audiovisuel public version Ciotti n’est pas un simple épisode parlementaire : c’est une pièce de plus dans la grande bataille pour affaiblir ce qui résiste à la marchandisation intégrale de l’information. Après la disqualification des syndicats, la mise au pas de l’université et la stigmatisation des associations, voici venu le tour de la radio et de la télévision publiques. Logique.


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Pour l’extrême droite, il ne s’agit pas ici de « réformer » mais bien de délégitimer, de marteler que France Télévisions et Radio France seraient des bastions idéologiques, des repaires de « bobos », des officines de gauche financées par l’impôt. L’objectif est limpide : préparer l’opinion à leur démantèlement ou à leur mise sous tutelle par des intérêts privés amis. Bollorisation ou disparition, voilà l’horizon défendu par Éric Ciotti et Marine Le Pen.

Pour la droite, et en particulier pour l’actuelle ministre de la culture, la solution s’appelle holding : une structure unique censée chapeauter l’ensemble de l’audiovisuel public. Présentée comme une modernisation rationnelle, cette réforme apparaît comme la première étape d’un processus bien plus brutal : mutualisations forcées, réduction drastique des effectifs et affaiblissement méthodique des missions. Autrement dit, une mise sous tension permanente du service public, prélude à sa normalisation libérale, et qui sait, à son démantèlement pur et simple après constat d’échec.

Le service public, pris en étau entre la pression politique et la course à l’audience, a choisi d’euthanasier toute aspérité, tout humour mordant, toute parole réellement critique. À force de vouloir plaire à tout le monde, on finit par ne plus déranger personne. Et donc par ne plus servir à grand-chose.

Face à cela, la gauche a raison de défendre l’audiovisuel public. Mais elle aurait tort de le faire comme on défend un totem sacré. Le service public de l’information n’est pas un temple immaculé et hors du monde : il est traversé de tensions, de renoncements comme de véritables trésors, de professionnalisme comme de tentations populistes.

La critique globale des journalistes relève du ressentiment. Mais on ne peut ignorer ce qui gronde à l’intérieur même de ces maisons : les lettres des sociétés de personnel, les communiqués de syndicats, les témoignages de journalistes qui parlent d’une perte de sens, d’un cap éditorial flou, d’une gestion managériale brutale.

Et puis, il y a ces évictions, ces silences, ces disparitions progressives de voix classées à gauche : Daniel Mermet hier, Guillaume Meurice récemment. Comme si le service public, pris en étau entre la pression politique et la course à l’audience, avait choisi d’euthanasier toute aspérité, tout humour mordant, toute parole réellement critique. À force de vouloir plaire à tout le monde, on finit par ne plus déranger personne. Et donc par ne plus servir à grand-chose.

Mais le problème est plus profond. Défendre l’audiovisuel public ne signifie pas vouloir en faire une télévision ou une radio de gauche. Cette idée est absurde, contre-productive et dangereuse. L’argent public doit financer une information rigoureuse, exigeante, éclairante. Une information qui aide à comprendre.

Pour cela, France Télévisions et Radio France ont besoin de moyens qu’on ne cesse de leur retirer depuis des années, les contraignant à tailler dans tous les effectifs dont ceux des rédactions. L’enquête en fait les frais ; elle est pourtant au cœur de leurs missions et sur laquelle leurs analyses peuvent ensuite s’appuyer.

Aujourd’hui, le champ médiatique est saturé par ceux qui font l’inverse : transformer chaque fait divers, sans enquête ni intelligence, en symptôme civilisationnel, chaque crise en panique idéologique, chaque débat en exutoire haineux. L’extrême droite prospère sur la bêtise organisée, sur la simplification brutale, sur l’exploitation méthodique des angoisses sociales. Mais attention : France Télévisions et Radio France ne peuvent être le miroir inversé de cette déferlante. Être « contre » CNews ne fait pas un projet éditorial. Comme être « contre » le RN ne fait pas un projet politique. 

Le service public doit produire du savoir là où d’autres fabriquent de l’opinion industrielle. C’est là que se joue l’essentiel : pas dans une guerre de camps médiatiques, mais dans un choix de civilisation. Veut-on d’un espace public gouverné par la peur, la simplification et le ressentiment ? Ou d’un espace nourri par la connaissance, la rigueur et le débat réel ? Défendre l’audiovisuel public, c’est le défendre pour ce qu’il doit être : un lieu où l’on apprend à penser, pas un simple rempart contre pire que soi.

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