Narcotrafic : notre fléau à tous

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La newsletter du 20 novembre 📨

par Pablo Pillaud-Vivien

Face au narcotrafic, ni l’approche strictement répressive ni l’approche compulsionnelle ne peuvent suffire. Il faut prendre la question pour ce qu’elle est : un signe puissant de la crise sociale et morale de notre société.

Il y a une semaine, Mehdi était assassiné pour intimider son frère, Amine Kessaci, militant écologiste anti-narcotrafic. Le ministre de l’intérieur l’affirme : « Un palier a été franchi ». Dans les conversations, à l’Association des maires de France, le narcotrafic supplante la crise des services publics. La violence des réseaux criminels frappe partout et les habitants des quartiers populaires en paient le prix fort.

Face à cette spirale de violence, deux modèles s’affrontent. D’un côté, celui de la répression, de la militarisation et de la surenchère pénale qui a été testé mais qui ne fonctionne nulle part : les trafiquants amassent des fortunes, les organisations criminelles défient l’État et détruisent des vies, le trafic s’étend. Ni l’offre ni la demande n’en sont réduites. De l’autre, celui de la prévention et de la réduction des risques, fondées sur la santé, l’éducation, le logement, l’urbanisme et le travail social… qui marque aujourd’hui le pas.

Notre réflexion ne peut se cantonner aux substances illicites. Notre pays est parmi les premiers consommateurs au monde d’antidépresseurs, de somnifères, de cannabis, du protoxyde d’azote. Les ados s’alcoolisent, la santé mentale des jeunes est fragilisée. C’est une société qui souffre. Certes, il n’y a pas de société sans usage de substances récréatives. Mais dans la plupart des pays occidentaux, nous avons dépassé ce besoin humain d’évasion : nous sommes dans un système d’anesthésie collective. Cela ne veut pas dire qu’en attendant que tout aille mieux, rien ne puisse être fait. Pour faire reculer le trafic, fondamentalement, il faut offrir des perspectives et, dès maintenant, donner des moyens aux acteurs de terrain.

Il faut rappeler une vérité et la regarder en face : nous ne sommes pas extérieurs à ce fléau. Ni à ceux qui dealent, ni à ceux qui consomment. Ce sont nos enfants, nos voisins, nous. Imaginer qu’il y aurait d’un côté les honnêtes gens et de l’autre un monde criminel est une fiction dangereuse. Elle sert le confort moral mais empêche toute solution profonde. Celle-ci exige de la fermeté mais aussi de retisser une société qui s’effiloche.

Il n’est pas scandaleux de reconnaître que tout le monde a besoin de sécurité au sens concret, quotidien et vital, comme l’a rappelé la vice-présidente de la LDH Évelyne Sire-Marin dans le dernier numéro de la revue Droits et libertés. Le Conseil constitutionnel a tranché : la sécurité est un « objectif de valeur constitutionnelle ». Le Code de la sécurité intérieure va plus loin : « La sécurité est un droit fondamental ». Ceux qui vivent près des points de deal, qui voient leurs halls d’immeuble confisqués, qui accompagnent leurs enfants en baissant la tête devant des armes de guerre, ne peuvent continuer de le subir. La sécurité fait partie des conditions d’une vie digne. Il n’y a aucun lien naturel et mécanique entre cette reconnaissance et son instrumentalisation politique. Le sécuritaire, c’est la version dévoyée de la sécurité.

Amine Kessaci milite pour un avenir où les habitants seront plus forts que les réseaux – pas pour des opérations coups de poing et des blindés. Les déplacements éclairs de ministres sont inutiles : des politiques de long terme sont attendues. Voir la police déloger ceux qui occupent un hall est un soulagement. Mais l’acharnement sur les petits dealers ne remplacera jamais les moyens nécessaires pour enquêter, démanteler les réseaux et attraper les gros bonnets. Il faut de la présence pour dissuader et pour vivre avec. Il faut des enquêtes coordonnées à l’échelle internationale et des moyens dans toute la chaîne judiciaire. On est loin de tout cela.

Pablo Pillaud-Vivien

🔴 SONDAGE DU JOUR

En Espagne, les jeunes de plus en plus fans de Franco

Ce 20 novembre 2025, l’Espagne commémore le 50ème anniversaire de la mort du dictateur Francisco Franco. Comment l’Espagne est-elle devenue, en quelques générations, un pays où le parti Vox, nostalgique du franquisme, est le premier parti de la jeunesse ? L’héritier de Franco, le roi Juan Carlos, a surpris en réinstaurant une démocratie, sans rupture ni devoir de mémoire. Le « c’était mieux avant » s’installe de plus en plus. Et avant, c’était Franco et ses mythes sur la sécurité, l’emploi, la prospérité ou même la « Sécu » qu’il aurait créée. Selon le sondage publié ce jour par El Pais, la jeunesse est de plus en plus encline à trouver du positif dans le franquisme, 24% des 18-28 ans jugent qu’un régime autoritaire pourrait être préférable à la démocratie. Parmi les Espagnols qui considèrent que le franquisme a plutôt eu un impact positif sur leur famille, 26% sont des électeurs de droite et 37% d’extrême droite. Les hommes sont, toute génération confondue, bien plus enthousiastes vis-à-vis de Franco. Conclusion : les idées fascistes progressent dans la jeunesse et divisent la société espagnole entre hommes et femmes.

L.L.C.

ON VOUS RECOMMANDE…

« La manifestation de Sainte-Soline vue par les gendarmes ». Les journalistes de Libération et de Mediapart ont eu accès à 84 heures d’enregistrements provenant des gendarmes eux-mêmes lors de la manifestation contre la méga-bassine de Sainte-Soline. Ces vidéos montrent de nombreux actes illégaux et une jouissance de casser du manifestant, considérés comme des ennemis. Ces vidéos sont à la disposition du ministère de la justice depuis plus de deux ans. Les journalistes des deux médias en ont monté 18 minutes qu’ils veulent significatives. « À l’air libre », l’émission de Mediapart, décrypte ces images ici.

C’EST CADEAU 🎁🎁🎁

En 1936, à Madrid, la députée communiste Dolores Ibárruri, dite « La Pasionaria », appelle à la résistance face au coup d’État fasciste. Elle lance alors un « No Pasarán ! » qui restera comme un cri de résistance.

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