Devoir de vigilance : Macron vous Shein dessus
La newsletter du 14 novembre 📨
par Loïc Le Clerc
La Macronie vient d’offrir à la droite et à l’extrême droite européenne sa première alliance de circonstances : détruire l’environnement et violer la vie humaine pour rendre le business plus juteux.
Ciao le « devoir de vigilance des entreprises » ! C’est le sujet qui a agité la sphère politique européenne ces derniers mois et, ce jeudi 13 novembre, les députés européens ont voté. Par 382 voix contre 249, le premier « Omnibus » (un paquet de réformes de « simplifications » diverses et variées) de la Commission européenne. Et c’est donc dans une large alliance entre la droite et l’extrême droite que s’éteint une des réformes emblématiques de l’UE, le fameux « devoir de vigilance ».
C’est un tournant au niveau européen. Jamais la droite « classique », le PPE (dont est membre Les Républicains) n’avait permis une victoire de l’extrême droite. Il faut croire que c’est dans l’air du temps : il y a deux semaines, en France, les voix des LR et du parti d’Édouard Philippe (Horizons) avaient permis l’adoption de la proposition de résolution du RN visant à dénoncer les accords franco-algériens de 1968 – on vous en parlait ici.
Mais revenons à nos moutons européens. Qu’est-ce que c’est que ce « devoir de vigilance » ? Il s’agit d’une directive, adoptée en 2021 lors du « green deal européen », qui oblige les grosses entreprises à « prévenir les atteintes aux droits humains et à l’environnement sur toute leur chaîne de production (y compris chez leurs sous-traitants) », comme l’écrit le média Vert. En un mot : pas d’enfants ni d’esclaves sacrifiés, ni de pollution excessive pour fabriquer les produits européens. À l’origine, ce « devoir de vigilance » était advenu après l’effondrement, en 2013 au Bangladesh, du Rana Plaza, un atelier de confection de prêt-à-porter, qui avait fait 1130 morts : Carrefour, Auchan, Camaïeu et H&M étaient impliqués. La directive devait être transcrite dans les droits nationaux en 2026. Voilà ce qui vient d’être « simplifié », le mot magique pour dire qu’on permet de détruire la vie humaine et la planète. Rien n’a de valeur, tant que le business va…
Il serait simpliste de résumer ce détricotage au simple poids du PPE. Certes, aux élections européennes de 2024, la droite a repris son rôle de leader et l’extrême droite a fait un gros score. Il y a donc deux majorités possibles à Bruxelles : la classique PPE/centristes/soc-dems ou la nouvelle PPE/extrême droite. Pour cette loi, le PPE a fait un choix. Mais ce n’est pas la droite qui est à l’initiative.
Pour comprendre, il faut regarder non pas au Parlement européen mais du côté de la Commission (l’exécutif européen). Sa présidente, Ursula von der Leyen, a été réélue en juillet 2024 sur la promesse de « simplifier » les normes. Sous pression – elle vient de survivre à trois motions de censure –, elle a donc concédé. Et c’est tout un monde politique, bien au-delà du PPE, qui lui a demandé d’en finir avec ce devoir de vigilance : les grands pollueurs comme le Qatar et Total, mais aussi le chancelier allemand Friedrich Merz, le président américain Donald Trump et… Emmanuel Macron qui avait, en mai 2025, devant le parterre de PDG de Choose France, demandé la suppression pure et simple de cette directive. C’est d’ailleurs par la voie du commissaire européen Stéphane Séjourné (très proche du président français) que tout a commencé. L’ancien ministre de l’Europe d’Emmanuel Macron a présenté au printemps dernier un « paquet législatif » dit « Omnibus I » afin de « simplifier » le green deal. En football, ça s’appelle une passe décisive.
Malgré l’initiative du président français, les macronistes ont voté contre et Jordan Bardella se réjouit d’avoir « fait plier Ursula von der Leyen ». Mais qui a tendu le bâton ? La Macronie peut bien prétendre lutter contre la déferlante des produits pourris de Shein sur le territoire, d’une main elle gronde, de l’autre elle accompagne. Et à la fin, c’est qui qui gagne ? C’est l’extrême droite.
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