Je me souviens du 13 novembre 2015

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C’était il y a dix ans. Je m’en rappelle comme d’hier.

Je me souviens de la sidération qui nous tenait, glacée. Je me souviens du silence de mort à Paris le lendemain, un samedi : les commerces et les restaurants fermés, les rues désertées.


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Je me souviens de la peur qu’ils recommencent. Je me souviens de ceux qui cherchaient du sens et de ceux qui n’en voulaient pas. De ces mots que l’on n’osait plus prononcer, de cette ville qui parlait bas, de ceux qui parlaient trop fort, à tort et à travers. Je me souviens de ce lundi matin devant les écoles où l’on s’assurait qu’aucun proche, qu’aucun parent d’élèves ne comptait parmi les victimes. On formait une chaîne humaine tangible.

Je me souviens de mon cousin me disant que « c’était un truc de Parisiens ». Comme si la distance formait une protection. Je me souviens de ma colère et pourtant, je le comprenais, car tout paraissait si irréel, comme ces premières détonations au milieu d’un match de foot.

Je me souviens de cette prise de parole dans la nuit du président de la République. Et je me souviens de la convocation du congrès à Versailles pour le lundi suivant : tous les députés, tous les sénateurs réunis pour écouter le président. Cette première phrase : « La France est en guerre ». Il dira aussi « déchéance de la nationalité ». Ce fut une blessure dans le cataclysme. Je me souviens de ma grand-mère, Française par choix, qui pensait qu’on allait l’expulser.

Je me souviens d’avoir vu la République vaciller. Attaquée par ceux qui, constatant que des enfants de la République avaient pu devenir ses bourreaux, en déduisaient qu’elle ne méritait plus d’être défendue. 

Je me souviens de cette manifestation immense, dense, silencieuse aussi. Je me souviens des policiers et des pompiers applaudis.

Je me souviens des terrasses à nouveau pleines, comme un défi maladroit. C’était naïf, oui. Mais pourquoi pas ? Il fallait vivre, rire encore, prouver que nous existions. Nous formions un collectif, nous étions la France.

Puis, je me souviens des débats, des mots « état d’urgence », « libertés publiques », « sécurité ». Je me souviens de la peur que la peur ne devienne la norme de nos vies.

Je me souviens ne pas comprendre. Essayer pourtant. Ecouter les sachants, les experts, les psychologues, les spécialistes du terrorisme, de la radicalisation, de l’islam politique. Et me dire qu’il était aussi normal de ne pas comprendre. 

Je me souviens aussi de Charlie Hebdo et d’avoir vu la République vaciller. Non seulement attaquée par ceux qui voulaient la détruire au nom d’un dieu, mais aussi par ceux qui, constatant que des enfants de la République avaient pu devenir ses bourreaux, en déduisaient qu’elle ne méritait plus d’être défendue. 

Je me souviens, enfin, que dix ans ont passé, et que ces souvenirs-là n’ont rien perdu de leur présence brûlante. Ils disent encore quelque chose de nous, de notre besoin de prendre soin les uns des autres, ils parlent de notre vulnérabilité, de notre besoin de sens, de notre soif de paix.

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