Liste Nupes aux européennes : une fausse bonne idée ?
Les élections européennes de 2024 sont le dernier scrutin national avant la présidentielle et les législatives de 2027. Pour les différents partenaires qui constituent la Nupes, la question d’une liste unique ou de listes séparées a produit quelques frictions dans la période récente. Cette alliance est-elle possible ? Souhaitable ? Tour d’horizon.
L’avantage d’une liste Nupes
La tripartition du champ politique telle qu’elle s’est affirmée à l’élection présidentielle de 2022 – et confirmée, malgré le mode de scrutin, aux élections législatives qui ont suivi – est un argument fort pour une liste commune aux élections européennes.
Les sondages, qu’il faut évidemment prendre avec la plus grande prudence tant l’échéance apparaît lointaine aux électeurs, indiquent la possibilité de trois blocs au coude à coude. Le plus récent évalue ainsi un RN à 27%, Renaissance à 26% et un bloc Nupes (LFI-PCF-PS-EELV) à 24,5%.
Dernier scrutin national avant l’élection présidentielle de 2027, les européennes peuvent donc, en cas de liste commune à gauche, maintenir une confrontation à trois qui laisse ouverte toutes les possibilités, tous les espoirs. Un bémol toutefois, cette projection fait l’impasse sur d’éventuelles listes dissidentes à gauche, que ce soit du côté écologistes ou dans l’espace socialiste, nous y reviendrons.
Un accord est-il possible sur le fond programmatique ? À l’évidence oui, même s’il existe bien sûr nuances et désaccords. La preuve d’abord par l’accord Nupes pour les dernières élections législatives, qui a montré que les différences pouvaient être contenues sans verser dans de longues tirades pétries de bons sentiments mais vides de sens. Et n’en déplaise aux chatouilleux du programme, quand on veut vraiment trouver un accord, il est bien rare de ne pas trouver une solution. À l’inverse, la crispation sur des propositions de fond est d’autant plus forte qu’on cherche à empêcher le rassemblement.
Ajoutons que se présenter ensemble peut permettre de faire vivre concrètement une réalité Nupes sur le terrain. Passer d’un accord électoral de sommet au brassage militant dans les territoires, voilà qui pourrait peut-être permettre de franchir un cran – même si on sait qu’une campagne pour les élections européennes est très, très courte, parfois réduite à presque rien.
Enfin, on ne peut pas prendre les effets induits de listes séparées à la légère. Se présenter séparément, ce n’est pas se présenter à côté des autres mais le plus souvent contre les autres. Il faut bien justifier son existence séparée, ce qui suppose de mettre le focus sur ce qui différencie, voire de prêter aux autres des positions caricaturées. Au risque d’insulter l’avenir.
La liste Nupes ne se fera pas
S’il y a quelques bonnes raisons de souhaiter une liste commune en 2024, chacun sait qu’elle ne se fera pas.
Le mode de scrutin (à la proportionnelle sur une liste nationale) pousse chacun à se présenter sous sa propre bannière. Pour EELV, dont c’est l’élection phare, difficile de ne pas essayer d’engranger un petit succès qui montre que le rapport de force entre les différentes composantes de la Nupes ne se résume pas à celui qui est sorti du premier tour de 2022. Si on comprend bien la volonté de la LFI d’en rester à 2022, la volonté des autres partenaires, et en premier lieu des écologistes, de rééquilibrer les résultats de la dernière présidentielle peut aisément s’appréhender.
Existe-t-il une possibilité pour contraindre à un accord chacun des protagonistes ? C’est en réalité hautement improbable.
Le PCF a d’ores et déjà annoncé une liste séparée, ce qui est cohérent avec la ligne identitaire qui est la sienne et qui a été réaffirmée au dernier congrès. On peut être plus que dubitatif par certaines affirmations venant du PCF. « La question qui se pose est simple : qu’est-ce qui est le plus pertinent ? Pour 2024, nous gagnerons plus de députés en partant séparément », affirme ainsi Hélène Bidard, membre de l’exécutif communiste. C’est sans doute vrai pour les trois autres composantes de la Nupes, en revanche pour le PCF, y aller seul, c’est la garantie du statu quo, c’est-à-dire… aucun député européen. Si le PCF souhaite retrouver une représentation à Bruxelles, il lui faudra bien retourner à la table des négociations, si elle existe, mais cela ne relève pas de son ressort.
Pour forcer les écologistes à envisager une liste unitaire, il faudrait un accord préalable entre LFI et le PS qui mettrait dans un premier temps le PCF au pied du mur et qui pourrait ensuite ramener EELV autour de la table. Si la science-fiction est un genre éminemment respectable, elle gagne en efficacité quand elle est, au moins un peu, plausible. Or, en l’espèce, il n’y pas de chemin. Pour cela – et à supposer que la direction autour d’Olivier Faure en ait la volonté –, il faudrait que ce dernier dispose des coudées franches au sein de son parti, ce n’est pas le cas, c’est même un doux euphémisme. Le Parti socialiste est balkanisé depuis les résultats de son dernier congrès de janvier et le premier secrétaire élu d’extrême justesse ne peut se permettre une telle embardée sans risquer de disloquer son organisation.
Cette réalité, toutes les parties en présence la connaissent, l’ont actée en leur sein. Les appels insistant à l’unité peuvent donc avoir un double ressort. Le premier, celui qui consiste à donner le mistigri de la division aux écologistes, est, disons-le, de bonne guerre. Le second, plus problématique, consisterait à réclamer une unité que l’on sait impossible pour mieux en finir avec la Nupes. Ce serait irresponsable.
Pas de liste Nupes (et c’est tant mieux)
Il faut d’abord constater que les élections européennes, qu’on s’en réjouisse ou qu’on le regrette, sont une élection relativement mineure en France. Elle ne préfigure en rien la configuration de l’élection présidentielle, les écologistes sont bien placés pour le savoir. Qui se souvient qu’en 2009 la liste des Verts avaient recueilli 16,28% des voix quand le PS totalisait 16,48% ? Que dire de la liste Tapie en 1994 qui elle aussi avait fait presque jeu égal avec celle des socialistes ? Les élections européennes ne sont pas la répétition générale d’un scrutin qui se tiendra, qui plus est, trois ans après, autrement dit une éternité.
Si ces élections ne sont pas un baromètre du poids relatif des forces établies, elles peuvent en revanche servir de rampe de lancement à de nouveaux venus sur le champ politique français. On le sait depuis les élections de 1984 qui avaient révélé l’émergence du FN.
Or, ce qui ne va pas dans le sondage Elabe mentionné plus haut, c’est qu’il teste une hypothèse farfelue : celui d’une liste Nupes rassemblée sans l’existence de listes dissidentes qui viendrait immédiatement affaiblir électoralement cette liste unitaire.
Qu’une liste Nupes soit annoncée et il y aura immédiatement deux listes concurrentes. La première sera écologiste, dans la mouvance de Delphine Batho, la seconde viendra d’un arc Radicaux/Cazeneuve/Delga. Est-ce vraiment une bonne idée de mettre cette dernière liste en orbite ? N’est-il pas préférable que l’électorat de gauche modéré, qui pourrait être attiré par une telle proposition, soit pour l’essentiel circonscrit dans une liste d’obédience PS (voire se répartisse entre deux listes de filiation socialiste) ? La réponse est évidemment oui.
Cette liste unique de la Nupes est non seulement impossible mais, au fond, elle n’est pas souhaitable non plus. Faire avec des listes séparées en 2024 et trouver les voies d’un rassemblement ensuite dans l’optique d’une présidentielle 2027 à hauts risques, il n’y aura pas de plan B.
C’est un raisonnement de type « tout est possible, l’inverse aussi » d’une nouvelle épidémie intellectuelle très perchée…
Cela peut conduire à une consommation /drogue qui s’éloigne encore de l’échange co construit entre nous. La voie du rassemblement
pour gagner en 2027 doit se préparer dès à présent sans arrière pensée, paisiblement.
Presque entièrement d’accord avec vous. Ce qui est rare pour moi d’approuver qui que ce soit dans ce domaine. Une dernière chose non des moindres.
Bien sûr, si on veut trouver l’union on peut, mais comme disait Berlusconi (il lui est arrivé de ne pas dire de conneries, surprenant, non?) c’est beaucoup plus facile quand il s’agit de gouverner (précisément c’est le pouvoir qui unit). Or, dans cette élection européenne, on aurait quand même l’association de 3 groupes, en regard de ce qui se fait actuellemen et qui ne sera pas bouleversé lors de la prochaine élection (sauf en pire). Un « socialiste » qui partage le « pouvoir » avec la droite et les libéraux (et j’en dis pas plus), un écologiste qui ne le partage pas mais s’en plaint amèrement, et un à « gauche » qui dénonce ce pouvoir. Avouez que cela fait, au delà de la volonté de les chercher, des différences de taille.
Je fais partie des gens qui s’abstiendront aux Européennes si il n’y a pas de liste d’Union.
Pourquoi ? Parce que si il n’y a pas de rassemblement possible pour ces élections , il n’y en aura plus non plus à l’avenir.
En dehors de la NUPES pas de salut à gauche, ou alors on donne raison à Joffrin et Cazeneuve.
Si il y a quatre ou cinq listes de gauche , on peut déja imaginer les commentaires des éditocrates:
« Le RN ou la macronie remporte ces élections , la gauche battue, divisée, incapable de se rassembler, trop de différences entre les partis et mouvements qui la composent pour s’unir »
Ce qui serait vrai , est ce cela que nous avons envie d’entendre, l’annonce de nouvelles défaites , humiliations à venir?
Faut-il lancer une pétition pour l’abstention en cas de division à gauche ?
Cordialement
De quoi je me mêle ?