Le début de la fin pour « la politique de l’offre » ?
En taxant les multinationales, les super-dividendes et les Gafam, les députés ont fissuré le dogme de la politique de l’offre et rouvert le débat sur ce qui fait vraiment la force d’une économie.
Un vote à la profonde portée politique vient d’intervenir à l’Assemblée nationale. Les députés ont mis un coin dans la politique de l’offre, alpha et oméga depuis 2014 de la politique économique française. Ils viennent de voter des impôts sur les super-dividendes, les multinationales et de relever celui sur les Gafam. Une rentrée fiscale de plus de 30 milliards est attendue. Contrairement aux atermoiements qui reportent à un hypothétique impôt européen et en dépit des appels à faire le dos rond face à Donald Trump, Eric Coquerel, Clémentine Autain et Nicolas Sansu ont donné du courage à leurs « chers collègues » qui ont fini par voter cette mesure de justice fiscale. Ce seront des moyens pour les investissements et les services publics. C’est enfin un coup d’arrêt à la doxa selon laquelle l’attractivité de la France reposerait sur la baisse des impôts des plus riches et des entreprises. A n’en pas douter, on va nous promettre que les sept plaies d’Égypte vont s’abattre sur la France.
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On revient de loin. La taxe Zucman a été battue avant même d’être débattue. Les députés issus du bloc central sont remontés comme des coucous et les députés RN ont changé de pied : tous s’opposent à l’alourdissement des impôts des plus riches.
Devant l’évidence mathématique de l’échec à venir, les socialistes avaient cherché un nouveau compromis avec le gouvernement, à charge pour lui de le vendre aux députés de son camp. Ainsi est née l’improprement nommée « taxe Zucman light » qui ne devait pas inclure l’outil de production. Les députés socialistes voulaient à tout prix arracher quelques milliards et parvenir à un accord avec le pouvoir macroniste. En bons camarades, ils cherchaient même à associer écologistes et communistes à ces négociations. On a écrit ici et là tout le bien de ces confusions politiques qui, sous couvert de gagner du temps pour fourbir des armes contre le RN, leur chauffent la place.
L’idée du ruissellement des riches vers les pauvres était déjà battue en brèche par la poussée des inégalités aux deux extrémités du corps social. En revanche, ce vote assume que l’attractivité et la force des entreprises ne reposent pas seulement ni principalement sur la propriété (privée) des biens de production.
Le fait que le vote intervenu il y a deux jours touche l’outil de production est un coin dans la politique de l’offre. L’idée du ruissellement des riches vers les pauvres était déjà battue en brèche par la poussée des inégalités aux deux extrémités du corps social. En revanche, ce vote assume que l’attractivité et la force des entreprises ne reposent pas seulement ni principalement sur la propriété (privée) des biens de production. Ce qui conditionne la production relève de la qualité des infrastructures de transport, de formation, de santé, de la production d’énergie. Elle dépend de la formation des salariés, de leur bonne santé, de leur qualité de vie et de l’environnement dans lequel ils évoluent. Elle suppose de préparer le pays au changement climatique et à la révolution de l’intelligence artificielle… Il faut donc que les entreprises y contribuent et il faut donner des moyens, notamment à l’État, pour assurer ces missions. Ce vote est de bonne politique pour les habitants et pour les entreprises. Les entreprises « Choose France » pour ces raisons, et non parce qu’Emmanuel Macron a baissé en sept ans le taux d’imposition de 45 à 43%. Le vrai débat alternatif politique est là. Des bases pour sortir de l’étouffoir de cette maudite politique de l’offre ont été posées à l’assemblée.
La suite politique sera sûrement mouvementée. Le RN, repris en main par Jean-Philippe Tanguy, a troublé le jeu et voté ces mesures. Le bloc central est vent debout, certains en PLS. Les sénateurs vont vouloir y remettre bon ordre. Y aura-t-il un budget à Noël ? Rien n’est moins sûr mais une trouée a été possible.