Un gouvernement fantôme, une société en colère

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La lettre du 2 octobre 📨

par Pablo Pillaud-Vivien

Lecornu n’a pas de gouvernement, Macron plus de majorité, et la France plus d’illusions. L’attente creuse alimente une exaspération sociale profonde. La censure n’est plus une hypothèse : seulement une question de calendrier.

Jeudi 2 octobre. Voilà trois semaines que Sébastien Lecornu a été nommé Premier ministre. Et toujours pas de gouvernement. Le plus surprenant, c’est que cette vacance du pouvoir n’émeut personne. Comme si, au total, l’absence d’exécutif valait mieux que sa présence. Comme si la politique officielle avait perdu jusqu’à sa capacité à intéresser.

Car qu’aurait-on à attendre de ce gouvernement fantôme ? Que Lecornu annonce à la va-vite quelques mesures symboliques ? Il l’a déjà fait dans des interviews : une attaque contre l’Aide médicale d’État pour satisfaire l’obsession xénophobe, un mini rattrapage accordé aux femmes pour corriger les inégalités face à la retraite… mais qui ne rééquilibre nullement les effets de la réforme Touraine puis Borne. Rien qui ne puisse faire oublier la réalité : la France vit dans une attente creuse, tandis que la colère sociale s’accumule.

Dans ce climat, selon les sondages, une majorité de Français poussent à la censure. À gauche, des socialistes aux insoumis, la ligne est claire : il faut renverser ce pouvoir usé, illégitime, incapable de gouverner. À l’extrême droite, l’hésitation est plus grande. Le Rassemblement national craint toujours qu’un vote de censure ne vienne écorner sa stratégie de « respectabilité ». Stratégie hier encore conforté par le retour de deux députés RN au bureau de l’Assemblée nationale, élus grâce aux voix du bloc central. Pourtant, dans les rangs frontistes, la pression monte. Eux aussi veulent en finir avec l’ère Macron et ses premiers ministres, pour mieux préparer la suite : leur rêve de gros gains de députés, leur réforme des conditions d’inéligibilité permettant à Marine Le Pen d’être candidate à la présidentielle… 

La question n’est donc pas « si » la censure tombera. Mais « quand ».

Pendant que la mascarade institutionnelle se poursuit, le front syndical, lui, tient bon. En ce jour de mobilisation, probablement en dessous de la précédente, ce n’est pas la jauge d’un cortège qui dira la profondeur de l’exaspération. La sourde oreille du pouvoir depuis des années aux demandes syndicales, aux mobilisations de la rue rend difficile les mobilisations à répétitions qui coutent chères à la fin du mois. Mais casser le thermomètre, ne pas tenir compte de la démocratie sociale a aussi un prix. Politique, on le sait. Sur le moral aussi. On ne peut pas imaginer mobiliser les énergies et les intelligences par le mépris. Faire avec les forces sociales devient un enjeu immédiat pour qu’un nouveau souffle relance notre pays. 

A cette heure, le vrai vide n’est pas dans la rue. Il est à Matignon.

Pablo Pillaud-Vivien

🔴 ELECTION DU JOUR

La commission des finances va-t-elle rester sous présidence insoumise ?

S’il y en avait deux que les macronistes ne pouvaient voir en peinture, à l’Assemblée, c’était bien ces deux députés qui détenaient les postes-clefs de la commission des finances : l’insoumis Éric Coquerel (président de la commission) et le centriste Charles de Courson (rapporteur général du budget). L’élection du député LFI de Seine-Saint-Denis, en juin 2022, avait été un symbole pour la Nupes . La gauche présentait un candidat unique pour ces postes et emportait la mise – victoire acquise, aussi, grâce au retrait du candidat LIOT, un certain Charles de Courson… Ce dernier, fervent opposant à la réforme des retraites, est devenu rapporteur général du budget en 2024, au bénéfice de l’âge face au candidat macroniste. Ces deux-là retrouveront-ils leur poste ? On l’espère. Réponse en fin de journée.

L.L.C.

ON VOUS RECOMMANDE…


« Le futur en chantier : Saint-Simon, utopiste ? », sur France Culture. Retour sur les premiers utopistes au début du XIXè siècle : leur importance a longtemps été sous-estimé notamment par la critique marxiste. Une émission avec de fins connaisseurs et des documents stimulants. Avec Pierre Musso, philosophe, professeur honoraire à l’université de Rennes II, Marie Janin, doctorante en droit à l’Université Jean Moulin Lyon 3, Philippe Régnier, historien.

C’EST CADEAU 🎁🎁🎁

La jeunesse marocaine est en colère et elle le manifeste publiquement depuis quelques jours. Elle réclame un réel droit à la santé, au travail, à la dignité et à l’éducation. Cette colère ne date pas d’hier : il y a cinq ans, des supporters de foot marocains détournaient, dans les tribunes, un chant populaire avec des paroles révolutionnaires. Force à cette génération Z, ils sont l’avenir.

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