Tour de France : Franck Ferrand, commentateur réac’ toujours en selle

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Cette année encore, France Télévisions a reconduit Franck Ferrand aux commentaires en charge du patrimoine lors du Tour de France. L’historien, très contesté, fan de Zemmour et de thèses révisionnistes, n’hésite pas, insidieusement, à faire passer ses idées.

« Je ne pense pas être très marqué politiquement et je ne dois pas l’être dans mon métier ». Sourire aux lèvres, Franck Ferrand le jure la main sur le cœur, sur le plateau de « Le Buzz TV » (une émission publiée sur la chaîne Youtube du Figaro). Lui, politique ? Absolument pas ! Son métier, c’est simplement de conter des histoires patrimoniales lors des longues heures de direct des étapes du Tour de France. Ici, la petite église baroque reconstruite après la première guerre mondiale. Là, ce dominant château d’un quelconque duc du XVIIIe siècle.

Rien de politique, finalement. Juste un survol des trésors du patrimoine et de l’histoire française, caractéristique de la retransmission de l’événement cycliste le plus important du monde. C’est en tout cas ce que l’écrivain – qui se caractériserait certainement comme historien – assure, soutenu par France Télévisions depuis son intégration aux commentaires de la Grande boucle en 2017. « Si quelqu’un repère pendant le Tour de France la plus légère dérive idéologique – et Dieu sait si je déteste l’idéologie personnellement – alors là qu’il me le dise parce que franchement ce sera qu’il a vu des choses qui n’existent pas », va-t-il même clamer lors de l’émission précédemment citée, sans ciller.

Pourtant depuis 2017, les exemples ne manquent pas. Sans exhaustivité, on peut par exemple citer cet hommage à Pierre Poujade lors du passage du peloton à Saint-Céré, en 2024, « la ville natale de Pierre Poujade qui défendait, vous savez, les petits commerçants dans les années cinquante », pour reprendre les termes employés du direct. Le tout, sans mention, aucune, que Jean-Marie Le Pen était député de son parti, que cet homme est une figure populiste, antisémite et réactionnaire de l’extrême droite française. Simple oubli ou omission idéologique ?

Sa proximité avec la FNSEA est aussi bien connue, et il ne manque jamais de féliciter, à l’antenne, les fresques réalisées par le syndicat agricole majoritaire, aux positions souvent antiécologiques. En même temps, Franck Ferrand ne cache pas sa détestation de l’écologie, comme l’avait rapporté une enquête de Libération. En 2020, il affirmait dans la Nouvelle République, se méfier des « écologistes politiques » : « Leur pensée me paraît dangereuse. Ce n’est pas que ça m’inquiète, ça me rend malade ! C’est un vrai danger. Il faut que toutes les bonnes volontés se dressent contre eux, sinon on part dans le mur. »

Cette année, c’est plus insidieusement que la question écologique est abordée par le commentateur de 57 ans. Lors de la deuxième étape, reliant Lauwin-Planque à Boulogne-sur-Mer, Franck Ferrand présente le musée maritime Maréis, un centre de découverte de la pêche en mer. « On y évoque le rôle de la pêche dans l’alimentation », explique-t-il avant d’ajouter, comme s’il ne pouvait finalement, pas s’en empêcher, « je ne vais pas revenir sur toutes les entraves qui ont été posées dans le travail de nos marins-pêcheurs ».

Les mots choisis ne laissent aucun doute sur le fond du propos de celui qui a été chroniqueur à Valeurs actuelles et sur CNews. Les « entraves », ce sont ces normes qui empêcheraient les pêcheurs de faire leur boulot tranquillement. Aucune différenciation, à l’antenne, d’une pêche artisanale et d’une industrielle, largement destructrice des fonds marins. Rien, non plus, sur la disparition accélérée de bon nombres d’espèces sur les côtes françaises.

Malgré tout, Franck Ferrand, sur le plateau de l’émission « Le Buzz TV », persiste et signe : « est-ce que je suis à droite au fond ? J’ai toujours été, dans ma vie, un centriste, presque un centriste caricatural ». Comment alors, expliquer son admiration pour Éric Zemmour dont il compare les discours à ceux de Winston Churchill ou de Martin Luther King ? Dans Valeurs actuelles, lors de l’entre-deux-tours des présidentielles de 2022, il déclarait « qu’en dehors d’Éric Zemmour (…) personne n’a su placer le débat public au niveau requis ».

Pour lui, s’il est classé « à droite, c’est parce que ce sont les médias – mais pas la société – qui ont glissé à gauche (sic) ».

Outre ces prises de position politiques sans ambiguïté, c’est aussi son rapport à l’histoire qui est vivement critiquable. L’écrivain est, en effet, un adepte des thèses révisionnistes. « Le vulgarisateur contribue à propager l’idée, fausse, selon laquelle le site d’Alésia, qui opposa les Gaulois et les Romains lors de la conquête des Gaules, se trouve dans le Jura, à Syam et à Chaux-des-Crotenay, et non en Bourgogne, dans la commune d’Alise-Sainte-Reine, comme le documentent pourtant les historiens et les archéologues depuis le XIXe siècle », raconte Libération. Un exemple parmi d’autres, tellement Franck Ferrand se construit comme quelqu’un remettant en cause les « versions officielles » de l’histoire. Son livre, paru en 2008, et intitulé L’Histoire interdite : révélations sur l’histoire de France, est sans doute l’exemple le plus caricatural de ce conspirationnisme latent.

Autant d’affaires et de marqueurs politiques qui devraient inciter le service public de l’audiovisuel à l’écarter ? Absolument pas. Pour la huitième année consécutive, Franck Ferrand est bien aux commentaires du Tour sur France 2 et France 3, aux côtés d’Alexandre Pasteur, Marion Rousse, et Laurent Jalabert.

Si les réseaux sociaux pullulent de message de critiques à l’égard du vulgarisateur, la direction de France Télé, elle, l’a toujours vivement soutenu. « On est très satisfait de ce qu’il fait. […] Ça ne me dérange pas si à l’antenne on n’est pas sur des positions qui ne correspondraient ni à nos valeurs ni aux engagements qu’on peut prendre. On ne va pas faire la police de la pensée », expliquait, par exemple, à Libération, Pascal Golomer, directeur adjoint de la rédaction des sports de France Télé. De la police de la pensée au laxisme à l’égard de thèses révisionnistes, de messages réactionnaires, et d’idéologies insidieuses, il n’y a qu’une roue de vélo.

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