L’art, cible oubliée des vents mauvais
La lettre du 10 juillet 📨
L’époque est au dépeçage des politiques publiques culturelles. Bonjour tristesse.
Il faut parfois se fier aux chiffres : l’Observatoire des politiques culturelles confirme la baisse continue du financement de la culture par les collectivités territoriales. Entre 2024 et 2025, les dépenses culturelles de la moitié des régions, départements et communes ont fortement diminué. Une baisse qui ne tient pas seulement à la conjoncture. À ce niveau, cela révèle un choix politique, dont le baromètre nous apprend qu’il est partagé par la gauche et par la droite. Tristesse.
Les collectivités financent la culture à hauteur de près de 10 milliards d’euros par an, contre environ 5 milliards pour l’État. En clair, les deux tiers du financement public de la culture repose sur ces institutions locales. C’est donc un pilier essentiel pour la création, la vie artistique et l’accès de toutes et tous à la culture.
Ce pilier est essentiel quand, partout dans le monde, les vents du populisme d’extrême droite soufflent contre les arts et la pensée. De Trump à Meloni, la même séquence se répète : changement des directeurs des institutions, réduction des crédits pour la création contemporaine, attaques contre les artistes jugés trop libres, valorisation du patrimoine, de l’identité nationale. La culture devient vitrine et non vivier.
Partout l’extrême droite au pouvoir attaque la création, les arts vivants, le cinéma, la critique. Car la création, c’est l’imprévisible, le sublime, le « pas regardable », le contradictoire. Tout ce que vomit l’autoritarisme populiste. Elle raille le « politiquement correct » quand elle s’oppose, dans les faits, à la liberté, de ton, de forme et de fond des artistes.
Face à cela, la gauche est silencieuse, ou pire, gênée. Elle se concentre trop souvent sur la défense de l’information dans l’audiovisuel public. Sauf qu’il s’agit aussi de lieux de création, radiophonique, cinématographique, audiovisuelle.
Plus largement, la défense de la culture doit inclure celle des artistes, des théâtres, des festivals, des musées, des ateliers, des écoles, des résidences. Or, dans la bataille de l’imaginaire, les financements sont des armes. Laisser le secteur privé décider seul de ce qui doit être montré, produit, entendu, vu ou lu, c’est renoncer à la pluralité des formes et des voix, au profit de ce qui marche, ce qui plaît, ce qui se vend. L’art a besoin de liberté, de soutien public. Il a besoin d’un écosystème protégé. C’est le rôle des politiques publiques. Le désengagement des collectivités est une alerte grave qui s’ajoute à celui de l’État, aux logiques de marché. Il est une capitulation. Leur désengagement est une reddition.
Alors que les artistes alertent, que les lieux ferment, que leur précarité s’installe, la gauche doit articuler son projet à une ambition culturelle. Laquelle ? La stricte défense de l’existant n’est pas suffisante, ni celle en faveur de davantage d’argent. La culture ne doit pas être « une cerise sur un gâteau de plus en plus mal partagé » (Joseph Confavreux dans Mediapart). Tout cela est vrai, mais une vérité demeure : sans art, sans récit, sans pensée, que reste-t-il à une démocratie ? Une administration de la vie. Triste vie. Donc il faut travailler pour qu’à nouveau l’art devienne un enjeu vital, populaire et politique. On rêverait d’un Clemenceau prêt à provoquer en duel un homme crachant sur un tableau de Manet. Mieux, on regrette les batailles d’Hernani qui posait les vraies questions essentielles : qu’est-ce que l’art qui vaut la peine de se battre pour lui ?
🔴 MACRONISTE DU JOUR
Gabriel Attal, vers l’infini et au-delà !
Quand on pense à 2027, côté droite de l’échiquier politique, plusieurs noms viennent spontanément à l’esprit : Bruno Retailleau met LR en ordre de bataille ; Gérald Darmanin fait du culturisme sauce populiste ; Édouard Philippe ou même Dominique de Villepin prétendent incarner la politique à la papa… Et puis il y a Gabriel Attal – on ne rigole pas s’il vous plaît ! Depuis décembre dernier, le bougre est à la tête du parti présidentiel et ses 8500 adhérents et se démène pour s’extirper du bilan macroniste. Très content que les « Jeunes avec Macron » se soient récemment rebaptisés « Jeunes en Marche », le petit Gabi entend faire de même avec le parti. Il y tient, visiblement, puisqu’en octobre 2024 il proposait déjà un tel changement, avec une idée : Génération Avenir… G.A., comme ses initiales. Comme pour En Marche et Emmanuel Macron. Il a aussi pour projet de vendre le siège du parti pour « se rapprocher de l’Assemblée ». Montant de l’opération : 31,4 millions d’euros. De quoi financer une campagne électorale ? Mais Gabriel Attal a un problème bien plus important qu’un nom de parti, un siège ou un financement : s’il peut réussir à se détacher de l’héritage de son créateur, il ne pourra pas se dissocier du sien. Ministre de l’éducation pendant cinq mois en 2023, il n’aura rien fait d’autre que d’interdire l’abaya (et en apprendre à beaucoup l’existence). Premier ministre pendant sept mois en 2024, il aura marqué les livres d’histoire d’un audacieux « Si tu casses, tu répares ». En recherche d’un peu de crédibilité, il lance à la volée les propositions les plus droitardes possibles comme la retraite à la carte, l’interdiction du voile pour les moins de 15 ans ou une réforme de la justice des mineurs anticonstitutionnelle. Tellement creux qu’Emmanuel Macron demande même à ses « jeunes » de lui rester fidèle pour dans cinq ans, dix ans…
L.L.C.
ON VOUS RECOMMANDE…
« Devenir Staline », sur France Culture. Un podcast en cinq épisodes pour (re)découvrir « qui était l’homme derrière l’uniforme ». De la conquête du pouvoir à sa mort, de l’héritage révolutionnaire à sa dictature sans pitié, Joseph Staline était « l’homme que nous aimions le plus », dixit Regards en 1953 ! Car oui, c’est important de regarder le passé en face et reconnaître ses erreurs…
C’EST CADEAU 🎁🎁🎁
On vient d’apprendre la mort de l’humoriste Bun Hay Mean, alias « Chinois marrant ». On vous pose là le sketch qu’il avait fait au Montreux Comedy Festival, en 2019…
ÇA SE PASSE SUR REGARDS.FR
Pour recevoir cette newsletter quotidiennement (et gratuitement) dans votre boîte mail, suivez le lien : regards.fr/newsletter !
