Autour de Lucie Castets, l’union de la gauche fait son chemin

Peut-on faire vivre le Nouveau Front populaire en 2027, et l’espoir qu’il porte, au-delà de l’accord des législatives de 2024 ? L’ambition est grande. Un premier jalon a été posé hier.
Ce fut plus qu’une belle photo. Ceux qui ont décidé de s’engager dans un processus pour aboutir à un candidat commun à gauche ne sont pas venus que pour envoyer une carte postale et donner rendez-vous à la rentrée. Ils ont proposé une démarche et un calendrier. À l’appel, il y avait bien la puissance invitante, Lucie Castets. Autour d’elle, les cinq partis, qui avaient déjà affirmait vouloir une telle démarche, l’ont dit cette fois ensemble. Il y avait donc à Bagneux, ce 2 juillet, le PS avec son premier secrétaire Olivier Faure, les écologistes avec sa secrétaire nationale Marine Tondelier, l’Après avec son porte-parole Alexis Corbière, « Debout ! » avec son fondateur François Ruffin et Génération.s avec son coordinateur Benjamin Lucas-Lundy.
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Premier signe encourageant, la réunion a commencé le matin par des échanges avec des représentants de la gauche hors parti. Les syndicalistes qui avaient soutenu le NFP il y a un an sont revenus dire leur envie de participer, à leur manière : sur les contenus et les mobilisations. Évidemment, ils ne présenteront ni ne soutiendront aucun candidat en particulier mais ils ont rappelé que sans eux, il n’y aurait pas de large mobilisation. Ils ont les bataillons engagés. Ils sont là, confiants mais ne signent pas de chèque en blanc. Il y eut aussi un échange avec les représentants des grandes ONG qui soutenaient le NFP, à l’exemple d’Oxfam mobilisé dans les combats contre les inégalités. Enfin, des associations citoyennes engagées dans le champ électoral (associations de quartier, primaire populaire) sont venues dire que les citoyens ne doivent pas être une nouvelle fois laissés sur le bord de la route avec des fanions à agiter quand les coureurs passent. L’ensemble de ces organisations ont voulu parler au nom des 9 millions d’électeurs du NFP.
Second signe revigorant, il fut décidé de vraiment se mettre au travail. Six conventions dans six villes pour débattre des grands sujets qui doivent faire le socle d’un projet partagé. Ça commencera par la politique industrielle et l’école. Ces deux thèmes sont moins conflictuels que délaissés. Une mise à jour des enjeux et de propositions paraît bien nécessaire. La référence au programme du NFP reste un totem, celui qui ancre l’existence de ce lieu. Mais pas un tabou. Il n’est pas l’horizon ultime de toute pensée politique. Parfait.
Une union se fonde d’abord sur l’envie d’aboutir. Manifestement, cet état d’esprit était présent hier. Donc tous les obstacles peuvent être franchis, voire déplacés. Et il en reste deux, quand on admet que LFI n’en sera pas : Raphaël Glucksmann et le PCF.
Reste le sujet sensible : la désignation d’une candidature unique. Les socialistes n’ont pas encore pris de décision sur la façon d’aboutir. On en restera donc – provisoirement– à une formulation générale : il y aura un processus pour désigner un candidat commun. C’est acté et le chemin sera tracé avant Noël. Les écologistes et les socialistes auront vraisemblablement un candidat qui bénéficiera du soutien de leur parti respectif. Avec Ruffin et Autain, il y a déjà quatre probables candidats pour porter les couleurs du rassemblement. Peut-être d’autres.
Hier, chacun affirmait vouloir que ce processus de choix soit large et surtout qu’il enclenche de la dynamique populaire. La solution par « conclave des partis » paraît peu satisfaisante. Ce sera sans doute une forme de primaire quand les préventions et les craintes sur la fracturation qu’elle peut engendrer seront levées. Ils en débattront lors des réunions hebdomadaires qui vont commencer. Ces cinq partis de gauche passent à la vitesse supérieure. Ce processus doit déboucher autour de l’été 2026, juin ou septembre.
Enfin, dernier signe, le plus réconfortant, fut l’ambiance de ce premier rendez-vous. Aux dires des participants que nous avons contactés, elle fut sereine et tranquille. Les désaccords énoncés sans difficulté avec l’envie de les surmonter. Cyrielle Chatelain (la présidente du groupe écologiste à l’Assemblée), Johanna Rolland (la maire PS de Nantes) et Lucie Castets ont endossé les habits d’organisatrices pragmatiques, de bâtisseuses d’union. Une union se fonde d’abord sur l’envie d’aboutir. Manifestement, cet état d’esprit était présent hier. Donc tous les obstacles peuvent être franchis, voire déplacés.
Car il en reste deux, quand on admet que LFI n’en sera pas. Le premier : faire venir Raphaël Glucksmann qui, sans fermer la porte aux « unionistes », avance de son côté ses propres idées. Il sait que si la mayonnaise unioniste prend, elle rencontrera l’attente des électeurs de gauche et des militants socialistes. Il lui faudra alors mettre au pot commun ses propositions et accepter qu’elles soient débattues. Un candidat de Place publique pourrait les défendre. À ce stade, Raphaël Glucksmann n’est pas emballé car il sait bien ne pas être au barycentre politique de la gauche. Mais il sait aussi dépendre, pour partie, du PS.
Le PCF est l’autre caillou sur le chemin. Lui non plus ne ferme pas définitivement la porte, mais il n’est pas venu. La décision de faire l’école buissonnière n’a été prise que lundi, veille de rendez-vous, et rendue publique au travers d’une lettre de Fabien Roussel adressée à Lucie Castets. Typique de la culture communiste, la missive évoque en quelques lignes le monde, la guerre, le fascisme et les difficultés quotidiennes des Français, pour aboutir à la priorité des municipales et à l’urgence de ne pas participer. Pas d’arguments de principe ni de fond contre la démarche. On verra donc plus tard. Mais symboliquement, la venue du PCF compte pour contrebalancer le poids symbolique des socialistes, pas encore totalement crédibles quant à leur engagement à gauche.
Un petit pas pour l’homme et même pour la gauche. Mais sans retour en arrière probable. Franchement on prend.