Deux anciens premiers ministres macronistes chez Bilderberg
Mais que diable faisaient Gabriel Attal et Édouard Philippe dans ce mystérieux cénacle des puissants ?
La 71ème réunion annuelle du groupe Bilderberg s’est tenue à Stockholm du 12 au 15 juin. Presque en même temps que celle du G7 dans les Rocheuses au Canada. Ce groupe a été créé en 1954 lors d’une réunion à l’hôtel Bilderberg d’Oosterbeek aux Pays-Bas (d’où son nom). L’objectif était dès le départ de mieux associer social-démocratie (européenne) de l’époque et conservateurs dans le resserrement de l’atlantisme et dans la défense de l’Occident contre l’URSS. Guy Mollet et Antoine Pinay ont été invités la première année. Le monde a beaucoup changé. Mais pas le projet.
Année après année, le groupe Bilderberg réunit pendant deux ou trois jours 120 à 130 dirigeants économiques, financiers, politiques et médiatiques, exclusivement des États-Unis et de l’Europe occidentale, pour discuter, à travers ce prisme, des enjeux évolutifs du monde et pour tester des personnalités politiques en devenir.
Ce cénacle a le goût du secret. Les participants sont connus mais les réunions sont privées et ne font l’objet d’aucun compte rendu. Et les médias n’en parlent pas. Cela a nourri la vision complotiste d’un gouvernement occulte du monde occidental. C’est faux. Pour autant, il ne faut pas prendre l’influence de ce « cénacle d’initiés avertis parlant le même langage et partageant les mêmes valeurs » pour quantité négligeable.
Cette année, les invités politiques français ont été les deux anciens premiers ministres Gabriel Attal et Édouard Philippe, mais aussi Nicolas Roche, secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Ce dernier a été désigné à son poste il y a à peine deux mois. Le SGDSN est un organisme interministériel placé sous l’égide du président de la République. Il est chargé d’assister le premier ministre dans l’exercice de ses responsabilités en matière de défense et de sécurité nationale. Au moment même où s’ouvrait à Stockholm la réunion de Bilderberg, Benjamin Netanyahou déclenchait sa guerre sur l’Iran.
On peut donc légitimement s’interroger : Nicolas Roche a-t-il décidé de lui-même sa participation à la réunion de Bilderberg ? Est-ce une décision du premier ministre ou du président de la République ? Qu’a-t-il été y dire ? Quels enseignements a-t-il tiré de la discussion ? Cela ne devrait pas rester « secret défense ».
Officiellement, la prolifération nucléaire, l’innovation en matière de défense et résilience – l’IA et la sécurité nationale figuraient parmi les sujets débattus. Parmi les participants, il y avait le secrétaire général de l’Otan, le chef du groupe de réflexion interne du Pentagone et le chef du commandement américain pour l’Indo-Pacifique. Plus les dirigeants de plusieurs grands groupes d’armement, à commencer par ceux de Palantir : Peter Thiel, l’oligarque libertarien de la Tech, mentor de J.D. Vance et grand pourfendeur de la démocratie, et Alex Karp, rémunéré 6,8 milliards de dollars en 2024. Palantir est, selon le sociologue Robert Reich, « l’entreprise la plus dangereuse de l’Amérique ». Tous deux sont membres du comité de pilotage du Groupe Bilderberg.
Voilà pourquoi il est légitime de s’interroger sur ce qu’ont été faire et dire Nicolas Roche, mais aussi Gabriel Attal et Édouard Philippe à cette réunion annuelle. Contrairement à ce que disent les complotistes, le groupe de Bilderberg ne choisit pas les dirigeants des pays occidentaux. Mais les hommes et femmes politiques qui sont invités peuvent y trouver un moyen pour être mieux connus et pour mettre en valeur leurs capacités personnelles à être des « adultes dans la pièce ». Pas sûr que cela marche.
Emmanuel Macron a participé à l’édition 2014, sans doute, avec un certain succès. Gabriel Attal y a été cette année pour la deuxième fois et Édouard Philippe pour la troisième. Ont-ils seulement réussi à cacher le vide de leurs analyses et de leurs propositions même si elles sont dans le moule de Bilderberg ?
