Que cherche Fabien Roussel ?

Au-delà de ses propos polémiques sur le RSA, qu’y a-t-il dans le nouveau livre du secrétaire national du PCF ? On l’a lu pour vous…
Fabien Roussel prend date avec son nouveau livre (écrit une nouvelle fois avec la collaboration du journaliste Laurent Watiez) : Le Parti pris du travail, sorti ce jour aux éditions du Cherche midi. D’emblée, on relève la majuscule mise au mot Parti : il faudra bien l’entendre au sens de parti politique. On note aussi que le parti dont Fabien Roussel se réclame n’est pas celui des travailleurs mais celui du travail. On ne lui fera pas l’offense d’y voir des références d’un autre âge. Plutôt le sens d’un propos : penser classiquement pour un marxiste le travail comme le lieu de la fabrication de l’humanité et de soi ; l’envisager dans ses dimensions économiques et sociales.
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Dès les premières pages, Fabien Roussel explicite l’objectif de ce livre : « Cette révolution devient incontournable, essentielle. Je souhaite qu’elle soit au cœur des prochaines élections, présidentielles et législatives. » Il précise, au micro de France Inter, être prêt à le porter en 2027. Nous voilà avertit des ambitions de Fabien Roussel. Il réaffirme sa conviction : « L’union à tout prix, sans un vrai projet qui mobilise largement, ne permet pas à la gauche de construire une dynamique gagnante ». Le Parti pris du travail se veut donc à la fois une définition de son parti (communiste) et une base programmatique pour sa campagne (présidentielle).
Le secrétaire national du PCF n’est pas un sociologue du travail, ni un anthropologue. Ni même un économiste. La lecture de son livre le confirme. Ce n’est pas gênant : on ne le lit pas pour cela. Celui qui fut élu en 2018 à la tête du parti pour « redonner une identité au PCF » entend revenir aux fondamentaux. Il s’oppose à « ceux qui bégaient depuis cinquante ans la même rhétorique, assise sur deux obsessions : réduire la dépense publique et rembourser la dette […] À force de faire des économies sur tout, nous sommes devenus une toute petite France. » Sa proposition pour redresser le pays (dans ces pages, il ne sera guère question du reste du monde) et remobiliser le monde du travail s’écrit dans un triptyque classique au parti communiste : « Nous voulons faire du travail, de l’emploi et de la formation le cœur de la reconstruction de notre pays […] Créer des richesses, financer notre modèle social, investir pour demain, rembourser la dette, tout cela nous pouvons le faire […] Investir, investir, investir, plutôt que réduire, réduire, réduire ! » Il décline cette idée pour les jeunes, les femmes, les cheminots, les fonctionnaires, les immigrés… Mais il sait aussi qu’il faudra des luttes, des luttes de classe. Il le dit et le répète dans de nombreuses pages, « la lutte des classes en 2025 est plus que jamais d’actualité », mais « nous constatons le recul de la conscience de classe » et, « oui, créer cette communauté d’intérêts est plus compliquée qu’avant ». « La classe ouvrière est archi-divisée. Elle s’affronte même », avance-t-il. C’est quand même un gros problème !
Ce qui est absent dans le livre de Fabien Roussel, c’est tout simplement la politique. Il faudrait une vision politique et un projet, pas un programme, pour surmonter ces obstacles.
Fabien Roussel tente une explication : « Celles et ceux qui souffrent de ces politiques n’ont souvent plus le courage d’aller manifester pour une augmentation de salaire ». Il propose une solution : l’optimisme. C’est avec cette qualité qu’il conclut son livre : « Je suis toujours optimiste, combatif, plus que jamais prêt à relever les défis des prochaines années ». La promesse des « jours heureux » est loin d’être convaincante. Car ce qui est absent dans le livre de Fabien Roussel, pourtant secrétaire national d’un vieux parti, c’est tout simplement la politique. Pas les rêves et les exigences d’un monde meilleur. Mais une compréhension de ce qui semble rendre ce rêve et cette nécessité chaque jour plus inatteignable. Il faudrait une vision politique et un projet, pas un programme, pour surmonter ces obstacles. Les attaques contre Jean-Luc Mélenchon et les insoumis (renvoyer dans le camp des extrêmes et des luttes identitaires) ne suffisent pas à remplir le vide.
Fabien Roussel achève son ouvrage avec une curieuse (et apocryphe) référence au « drapeau bleu-blanc-rouge brandi par Lafayette ». Pour qui se souvient que le militant de la monarchie constitutionnelle fut déclaré « traître à la nation », cette référence a de quoi interloquer. Dans ce confusionnisme des références et des mots (« Nous sommes un parti d’ordre »), on peut entrevoir une explication aux faiblesses politiques des communistes : au-delà des difficultés dans l’analyse (mais qui n’en a pas), c’est le socle qui est atteint, fissuré. Il faut refonder la nécessité politique de ce parti par une compréhension ample de l’époque. Nul ne dit que c’est facile. Mais il faut quand même le vouloir un peu.