Austérité budgétaire XXL : le pouvoir de dire non (suite…)

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Le gouvernement envisage une cure d’austérité à hauteur de 40 milliards d’euros. Du petit Elon Musk, mais le style y est !

Le premier ministre François Bayrou et le ministre de l’économie Éric Lombard ont organisé mardi 15 avril une « grande conférence » sur les finances publiques. Objectif : doubler la mise austéritaire du budget 2025 pour le budget 2026 et réaliser au moins 40 milliards « d’économies » sur les dépenses publiques. Soit au moins 14 milliards sur les dépenses de l’État, 8 milliards sur les dépenses des collectivités locales et 18 milliards sur les dépenses de la Sécurité sociale. Plus policée et, semble-t-il, un peu moins ambitieux que la méthode DOGE de Trump et Musk, mais néanmoins déplorable. Il y a au moins cinq bonnes raisons de dire NON !

3. Face à Trump et à sa guerre commerciale et face aux bouleversements du monde, il faut coordonner en France et en Europe, des politiques budgétaires et monétaires tournées vers le développement de la demande intérieure et le soutien de l’activité et non vers l’austérité.

Dans la mondialisation actuelle, telle qu’elle fonctionne mal, les États-Unis ne sont pas des victimes. Ils dépensent plus qu’ils ne produisent, épargnent peu et bénéficient des privilèges du dollar. Mais les politiques mercantilistes de la Chine et de l’Union européenne sont aussi responsables. Cette politique – dont en Europe l’Allemagne, les Pays-Bas ou les pays nordiques sont les fers de lance – mise sur les exportations et les excédents commerciaux et d’épargne pour soutenir l’activité tout en déprimant la demande intérieure par les politiques salariales et les règles budgétaires.

Avec la guerre commerciale lancée par Donald Trump, ce mercantilisme n’est plus possible. L’Allemagne de la nouvelle alliance des conservateurs et des socio-démocrates est en train d’en prendre acte en mettant en place une politique de relance de la demande intérieure par la dépense publique, axée il est vrai beaucoup plus sur les investissements que sur les salaires et les dépenses sociales. Il serait cependant désastreux que la France essaye d’en profiter en cherchant à son tour à devenir mercantiliste par des politiques budgétaires et sociales régressives. Elle n’en a tout simplement pas les moyens.

C’est en réalité toute l’Union européenne, France comprise, qui doit s’engager dans des politiques de soutien actif à sa demande interne et au soutien des filières productives indispensables à son autonomie et à la transition écologique. Ce n’est évidemment pas le seul levier. La politique monétaire, les institutions financières publiques doivent être mobilisés. Et, comme l’explique Henri Sterdyniak, « cela ne passe pas par le développement de l’Union des Marchés de Capitaux, puisque le libre jeu des marchés aboutit en fait à financer les États-Unis et que les marchés à la recherche d’une rentabilité forte et assurée ne peuvent financer la transition écologique. Il importe plutôt de développer un secteur bancaire et financier public, capable de fournir des fonds propres aux entreprises européennes et de financer la transition écologique. »

4. En France et en Europe, il faut des politiques économiques et sociales antifascistes et non des politiques qui font les beaux jours de l’extrême droite

Les politiques d’austérité budgétaire nourrissent la montée de l’extrême droite. Parce qu’elles font tout pour exclure de débat public l’imposition des milliardaires et plus généralement toute remise en cause de la politique de l’offre. Parce qu’elles ciblent les normes sociales et environnementales, les dépenses sociales et culturelles des collectivités locales, les retraités, ou les prétendus abus des assurés sociaux. Et ouvrent ainsi toujours plus grandes les vannes des tronçonneuses à la Milei et à la Trump. Et parce qu’une telle politique ici et maintenant conduirait à une nouvelle baisse du niveau de vie et à un effritement du tissu social. Ce qui est le terreau le plus fertile pour une conquête du pouvoir par l’extrême droite.

L’économiste allemande Isabella Weber alertait dès février sur l’urgente nécessité d’une politique économique antifasciste : « Nous devons abandonner le fondamentalisme du marché et avoir le courage de concevoir une économie qui réponde aux besoins de l’ensemble de la population, non pas comme un effet secondaire, mais comme l’objectif principal. On ne peut préserver la démocratie en se contentant de discuter de la manière de la sauver. Elle ne peut être assurée que par des politiques qui garantissent une bonne vie pour tous. » Elle a toujours raison aujourd’hui.

à suivre…

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2 commentaires

  1. Leclerc le 16 avril 2025 à 13:12

    Merci pour cette analyse.
    Je me permets d’ajouter un point : en réduisant la couverture sociale, le gouvernement induit un transfert vers la couverture des dépenses sociales, notamment de maladie, par des assurances privées, engraissant les compagnies d’assurance et générant des inégalités de droits.
    Ce transfert vers le privé peut également, dans une certaine mesure, se produire pour les services publics en général avec la pression sur le budget de l’État et celui des collectivités locales.

  2. Patrick CARIOU le 16 avril 2025 à 14:05

    Le gouvernement Bayrou n’est pas légitime pour prendre des mesures de fond sur le Budget du pays et son déficit.
    C’est une question hautement politique qui ne peut être tranchée que par une Présidentielle, suite à des programmes et débats démocratiques ouverts, clairs et complets sur ses multiples implications – un à plat complet, historiquement nécessaire; refondation ou arrêt ? Seuls les électeurs doivent en décider, informés et en conscience.
    Tous les politiques se disent attachés au modèle social français. Prenons les au mot , sans leur laisser toute la main.
    Ouvrons dès aujourd’hui un débat large démocratique.
    Pour l’heure le Premier Ministre et son gouvernement minoritaire, n’ont qu’un mandat: gérer au mieux le pays dans le cadre actuel et préparer un budget de simple fonctionnement pour les mois à venir.

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