LA LETTRE DU 25 MARS

François Bayrou démasqué
Après 100 jours de pouvoir, le premier ministre a renié toutes ou presque de ses promesses : comme l’écrivait le cardinal de Retz, on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment.
Prendre le relais après Michel Barnier, avec le même « socle » à l’Assemblée nationale et Emmanuel Macron toujours président relevait d’une mission d’apparence impossible. Comme François Bayrou n’est pas Tom Cruise, on se disait que ça irait nécessairement dans le mur. Et on avait raison.
À son arrivée au pouvoir, Bayrou était porteur de trois promesses. La première, c’était, au contraire de son prédécesseur, de se tourner davantage vers la gauche que vers l’extrême droite. On se souvient des allers-retours à Matignon des capitaineries des écologistes, des communistes et des socialistes pour constituer un bloc de non-censure. Finalement, seuls les derniers avaient validé temporairement l’accord. Trois mois après, on ne compte plus les gages donnés à la droite, voire à l’extrême droite : de l’utilisation du concept de « submersion migratoire » aux attaques en règles contre l’État de droit en passant par les orientations islamophobes et racistes.
La deuxième promesse était celle de redonner toute sa place à la démocratie sociale. C’était même, on pouvait le penser, dans l’ADN de François Bayrou. La question de la contre-réforme des retraites, abcès toujours purulent dans le rapport des Français au gouvernement dominé par Emmanuel Macron, avait été bien identifiée par le premier ministre et il avait proposé, pour sortir de cette crise sans fin, le fameux conclave entre les partenaires sociaux. « Sans tabou ni totem. » Las : le Palois l’a siphonné en empêchant que la vraie démocratie sociale se déploie, à coups de bornes et de limites, jusqu’à provoquer l’explosion finale en décrétant l’impossibilité du retour à 62 ans. Un reniement qui met en péril la confiance en son action.
La troisième promesse relevait du politique dans sa forme la plus stratégique : il s’agissait d’assumer un gouvernement de poids lourds qui pourraient conserver leur liberté de parole afin de ménager les différentes sensibilités du bloc censé le soutenir. Sauf qu’il a surtout mis en place un rapport de forces à l’avantage de la droite extrême : deux ministres de l’intérieur/des affaires étrangères – Bruno Retailleau et Gérald Darmanin – obsédés par un ordre de bottes qui claquent, occupent tout l’espace médiatique. Avec la nécessaire bienveillance du chef du gouvernement qui se retrouve, par exemple, à devoir endosser leur volonté raciste d’affrontement avec l’Algérie.
Une question demeure : François Bayrou peut-il durer comme ça encore longtemps ? La réponse théorique la plus évidente est non. On se rappelle qu’il avait échappé à la censure grâce à l’abstention du Parti socialiste et du Rassemblement national – malgré leur maintien, pour des raisons différentes, dans une opposition sans ambiguïté à sa politique. Au fond, le premier ministre n’a pas la main sur son avenir : ce sont ses oppositions qui l’ont. Ce sont elles qui, au gré de leurs intérêts, décideront, quand elles le voudront, de faire tomber le couperet. Bref, cela fait 30 ans que François Bayrou cherche le pouvoir. Et depuis qu’il est à Matignon, il ne l’a pas davantage qu’auparavant.
BATAILLE DU JOUR
Delanoë règle encore ses comptes avec Hidalgo

Les municipales sont dans un an et, déjà, chacun avance ses pions. À Paris, côté socialistes, trois candidats sont dans les starting-blocks : le sénateur Rémi Féraud, jusqu’ici favori d’Anne Hidalgo, Emmanuel Grégoire, député NFP et ancien premier adjoint, et… depuis quelques jours Marion Waller, son ancienne cheffe de cabinet et fidèle parmi les dévots à la maire sortante. La nouvelle venue pourrait tenter de sauver la transmission Hidalgo. La primaire socialiste avait été reculée pour permettre à Rémi Féraud de se faire une place. Il semble que cela ne suffit pas et donc une nouvelle candidature, jeune et femme, est lancée. Dans le camp d’Emmanuel Grégoire, ouvertement NFP là où Hidalgo fait la grimace, on a sorti une carte maîtresse avec le soutien de Bertrand Delanoë. On a connu des soutiens plus a gauche… On se souvient que l’ancien maire, toujours très populaire, avait soutenu Emmanuel Macron en 2017 (dès le premier tour) et en 2022 (face à la candidate du PS, une certaine Hidalgo). Ça fait belle lurette que l’ancien maire de Paris a quitté le PS et milite contre lui. La détestation de Delanoë pour Hidalgo conduit à des acrobaties. Verdict des militants socialistes le 30 juin. Et pendant ce temps dans le camp d’en face, la Macronie fait un pas de plus vers un soutien à Rachida Dati, selon les vues perçantes de Sylvain Maillard. Quel suspens !
L.L.C.
ON VOUS RECOMMANDE

« La chronique de Waly Dia. ‘En 2027, les Frères musulmans vont voter Retailleau’ », sur Mediapart. Peut-être le meilleur humoriste politique du moment. Waly Dia, ex de France Inter, avait fini par quitter la radio publique suite à la purge mise en place par la direction – l’affaire Meurice et le prépuce de Netanyahou. Fort heureusement, on peut l’écouter en accès libre sur Mediapart, alors pourquoi s’en priver ?
ÇA SE PASSE SUR REGARDS.FR
La course à la puissance est une folie
par Roger Martelli

Le monde n’est pas fait de blocs et ne relève pas du tropisme binaire des camps. Des États, différents par leur taille et l’ampleur de leurs ressources, n’éprouvent guère d’enthousiasme à s’enliser dans la course épuisante à la puissance. Ne voit-on pas que la logique de la guerre porte en elle-même, comme la nuée porte l’orage, la logique du trumpisme et celle de toutes les droites extrêmes ?
Un article à lire juste 👉 ici
Pour recevoir cette newsletter quotidiennement (et gratuitement) dans votre boîte mail, suivez le lien : regards.fr/newsletter !