LA LETTRE DU 12 MARS

Ukraine : les Etats-Unis plus que jamais au centre du jeu
par Catherine Tricot
Hier à Djedda, sous les auspices du prince d’Arabie Saoudite, ont été posés les principes d’une trêve acceptée par l’Ukraine. La réaction de la Russie est attendue. Après le chaos et l’humiliation infligée il y a 10 jours à Volodymyr Zelinsky par Donald Trump et J.D. Vance, une page se tourne dans ce conflit.
Cette proposition de cessez-le-feu ouvre la perspective d’un accord de paix. Les buts de guerre de la Russie vont devoir se préciser. On sait déjà que dans les prétentions russes s’entremêlent des objectifs nationalistes, géopolitiques et économiques. Dans cette perspective, la nature des régimes en Ukraine et en Biélorussie revêt un enjeu stratégique pour Moscou. Depuis 35 ans, ces grands voisins sont soumis aux pressions des Russes pour porter aux pouvoirs des dirigeants soumis à leurs attentes. Le renversement de Volodymyr Zelensky semble désormais constituer une clé d’entrée pour les Russes… acceptée par les Américains.
Le sort réservé au tandem Union européenne – Zelensky paraît en partie solidaire. Donald Trump et Vladimir Poutine font tout pour écarter l’UE des négociations et donc de la définition des conditions de la paix. Ils n’étaient pas conviés à Djedda ; la négociation s’est faite loin des terres européennes et le communiqué final attribue à la seule partie ukrainienne le souhait de voir l’Europe partie prenante des discussions à venir.
Donald Trump renvoie désormais la balle dans le camp des Russes et leur met la pression pour qu’ils acceptent le cessez-le-feu. Ont-ils d’autres choix ? L’Amérique dans ces premiers 100 jours de l’ère trumpiste semble être redevenue la seule puissance mondiale, faisant et défaisant les agendas de tous. Ses objectifs internationaux restent peu lisibles et cette stratégie du fou n’est pas une première : en son temps, Richard Nixon l’avait déjà utilisée pour faire peur et désarçonner. Cela ne durera pas.
L’administration Trump est transparente sur ses objectifs idéologiques : inégalitaire donc raciste, anti-femme, antidémocratique, dérégulatrice. Le dépeçage de l’État fédéral et la mise à bas des fondamentaux de la démocratie américaine en sont les leviers. Les finalités de la politique économique, elles aussi, sont limpides : totalement au service des puissances oligarchiques. En revanche, sa mise en œuvre est parfois erratique. Les stop and go sur les droits de douane en donnent un aperçu. Loin du plan machiavélique et huilé que l’on nous assure, il s’agit là encore de faire peur et de tétaniser. La remise en cause des politiques de lutte contre le réchauffement climatique et en faveur de la biodiversité sont des conditions concrètes pour le business des oligarques… L’obscurantisme est quant à lui la base de la soumission de tous.
En matière internationale, les finalités restent plus confuses. On ne sait jusqu’où iront les prétentions ouvertement impérialistes sur le Groenland, le Canada et le Panama. Jamais dénuées d’arrière-pensées affairistes et de violences symboliques, les politiques internationales de l’administration Trump se présentent comme des contributions à la paix et la prospérité. Qui peut croire à cette fable ? Les objectifs américains à Gaza comme en Ukraine vont se découvrir. Les réactions qui commencent à s’organiser en Europe, au Mexique et au Canada, dans le monde arabe autour de Gaza vont accélérer cette décantation. Et espérons-le remettre l’Amérique dans son lit.
Catherine Tricot
DEPROGRAMMATION DU JOUR
France Télévisions retire de l’antenne un documentaire sur l’usage des armes chimiques par la France en Algérie
C’est une histoire qui n’avait jamais été révélée jusqu’alors : pendant la guerre d’Algérie (1954-1962), la France a usé d’armes chimiques contre la population algérienne. « Un nouveau type de crimes de guerre » selon l’historien Fabrice Riceputi. La réalisatrice Claire Billet en avait fait le sujet de son documentaire qui devait être diffusé le dimanche 16 mars en deuxième partie de soirée, basé sur le travail de l’historien Christophe Lafaye. La décision de France Télévisions, dans le contexte des tensions entre Paris et Alger, a de quoi interroger comme l’explique parfaitement un article de Libération qui révèle ce qui pourrait s’apparenter à une censure. A noter que le film sera quand même disponible sur la plateforme en ligne.
P.P.-V.
ON VOUS RECOMMANDE
Ce que pourraient gagner des patrons en étant proches d’un président : enquête sur le cas Sarkozy, un article de The Conversation par Marc Sangnier enseignant-chercheur en sciences économiques à l’université d’Aix-Marseille, qui rappelle avec justesse que l’oligarchie et les intrications public-privé ne sont hélas pas l’apanage des Etats-Unis de Donald Trump.
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