LA LETTRE DU 21 JANVIER

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Répondre au trumpisme

La cérémonie d’investiture de Trump a tenu ses promesses. Face au trumpisme, il faut une cohérence alternative.

par Roger Martelli

Donald Trump passe aux actes. Après avoir lancé sa monnaie privée, dit à la Cour Suprême qu’il déciderait lui-même de l’interdiction de Tik Tok, et envoyé son compère Elon Musk faire un salut nazi, le président élu signe de « gros décrets » : État d’urgence sur la frontière mexicaine, mise en cause du droit du sol, amnistie pour les putschistes du Capitol et pour les suprématistes israéliens, fin du Green New Deal, sortie de l’accord de Paris et de l’OMS, remise en cause des politiques inclusives, etc. Un égrenage qui annonce d’autres décisions et qui met en scène la puissance et la cohérence du projet trumpien. Comment le comprendre et lui faire face ? Roger Martelli livre son analyse pour Regards. En voici un large extrait.

Le trumpisme, la mondialisation et le chaos

Par sa violence et son simplisme, la logique trumpiste met en danger le développement humain et, à terme, la survie même d’un monde soutenable. Il ne manque pourtant pas de forces potentielles pour le contester. Le verbe provocateur du Président élu devra passer l’épreuve de la réalité. Il va faire face à d’autres puissances d’envergure – et notamment la Chine. Il sera confronté à une Amérique sidérée mais où les oppositions n’ont pas disparu. Il aura aussi affaire au reste de l’Occident qui tentera de jouer sa partition, pour ne pas être purement et simplement satellisé.

Trump pourra compter sur le déclin des institutions internationales, réduites au statut de simple chambre d’enregistrement des rapports des forces entre puissances. Même les institutions financières mondiales, qui échappent depuis longtemps au magistère de l’ONU, sont désormais considérées comme mineures par un Président et ses acolytes oligarques, qui ambitionnent d’imposer leur propre logique, par exemple autour de l’essor de leur cryptomonnaie.

Mais toutes les institutions onusiennes ne sont pas encore réduites au silence, à l’absence de pensée et d’action, notamment celles qui tournent autour de l’exigence du développement humain. Même affaiblies, elles restent des points d’appui. Quant aux sociétés civiles et aux opinions publiques, elles ne sont pas uniformément asservies. Mais il est vrai qu’elles ne peuvent guère s’appuyer sur de grands récits capables de contester ceux du « national-capitalisme » et des extrêmes droites. La construction d’alternatives est pensable à l’intérieur de chaque société, en mobilisant les imaginaires propres à chaque pays, en s’appuyant sur les complexes nationaux de politisation. Ces constructions auraient toutefois intérêt à se reposer sur des visions plus larges, continentales et planétaires.

La mondialisation financière a été une plaie douloureuse, mais la « démondialisation » qui lui était opposée, en ne laissant place qu’à des formes de repli national, a péché par son incapacité à assumer l’interdépendance des sociétés et à proposer des régulations. L’altermondialisme a voulu promouvoir une autre conception du monde et de ses régulations. Il n’a pas eu la force politique nécessaire.
Rien ne peut justifier la triste conviction qu’il n’y a pas d’autre solution pour les gauches et les mouvements populaires, que de se plier aux nouvelles normes, voire de disputer, aux plus grands, le projet de nationalismes progressistes de repli. Cette façon de voir n’a de réalisme que dans l’apparence. Dans les faits, elle nourrit le projet qu’elle est supposée combattre.

Le poète Edouard Glissant, pour contester l’inéluctabilité de la mondialisation de la concurrence et des marchés, proposait une « mondialité », celle des interdépendances assumées autour de la visée d’un libre et sobre développement des capacités humaines. Que la mondialisation telle qu’elle est soit moribonde n’afflige personne. Encore faut-il que, à la place de l’universelle conflictualité des puissances et des « civilisations », s’impose le projet différent d’une mondialité partagée.

L’alternative au désordre existant se nourrira bien sûr des particularités de chaque nation. Mais un projet pacificateur et rassembleur ne peut pas être avant tout national. Il ne peut même pas se contenter de prolonger le vieil idéal internationaliste. Le temps de l’inter-nations ne suffit plus. C’est donc en assumant ouvertement la part de transnationalité qu’impose la réalité de notre monde qu’un projet d’émancipation pourrait trouver les voies de sa réalisation possible.

Roger Martelli

LA HONTE DU JOUR

Roussel chez Retailleau

Fabien Roussel continue sa campagne pro-flic. Après avoir manifesté en 2021 contre « le laxisme de la justice » avec les syndicats de police d’extrême droite (il n’était pas seul à gauche…), après avoir adressé un courrier aux policiers en octobre dernier pour les assurer de son soutien – seuls fonctionnaires à avoir bénéficié d’un tel appui – le secrétaire national du Parti communiste s’est fendu d’une visite chez Bruno Retailleau, le jour même où celui-ci remettait une nouvelle fois en cause l’AME. Il faut dire que chaque jour, le ministre de l’Intérieur affirme son projet d’ultra-droite raciste, autoritaire. Qu’allaient faire les communistes dans cette discussion avec un ministre qui considère que l’État de droit n’est pas un absolu ? Même la lutte contre le narcotrafic exige des principes politiques et de la rigueur morale.

C.T.

ON VOUS RECOMMANDE

L’interview de Benoît Coquard dans Le Vent Se Lève (LVSL). En plein débat sur la faiblesse de la gauche au sein des classes populaires, le sociologue revient dans un long entretien sur les rapports au politique que produisent les sociabilités rurales. Des analyses originales sur la valorisation de la débrouillardise, de l’autochtonie – et l’importance du tissu d’emploi local et des « bandes de potes » au sein de ces classes populaires du Nord-Est de la France.

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