LA LETTRE DU 20 JANVIER

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La gauche repart comme en 14

Comment bien commencer la semaine ? Par un truc sympa ? On a hésité : allez, va pour la gauche. On vous réserve l’investiture de Donald Trump pour demain.

par Catherine Tricot

Le week-end fut celui de l’étalage des tensions au sein de la gauche ; il s’achève avec une élection partielle à Grenoble et une lourde défaite du candidat LFI/NFP. Lyes Louffok perd par 35% contre 65% pour la candidate macroniste qui a fait le plein. La circonscription n’est certes pas un bastion de la gauche ; il y eut longtemps un député socialiste passé à la macronie, Olivier Véran. Mais ce n’est pas non plus une terre de mission. Le député sortant était LFI/NFP, élu dans une triangulaire. Et si on cumule les résultats des listes de gauche aux européennes, la circonscription pointe à la 57eme place pour la gauche.

Cette défaite n’a pourtant rien d’inattendue. Au soir du premier tour, il était difficile de croire à une victoire. Surement que l’abstention du groupe socialiste lors de la censure a désemparé une partie de l’électorat NFP… mais pas au point d’aller voter LFI. Bien que sympathique, la candidature d’un combattant pour le droit des enfants n’est pas parvenue à mobiliser et l’abstention fut forte -comme souvent lors des partielles. Pour finir, le NFP perd 6% en 6 mois. Dans l’affrontement sans retenue, la gauche désespère. Parce qu’elle est faible politiquement au double sens du terme : on ne sait pas trop ce qu’elle dit ni si elle peut gagner, surtout face à la marée montante de l’extrême droite.
Les socialistes ont justifié leur non-vote de la censure par une étrange formule de leur secrétaire national à la tribune de l’Assemblée « faire la politique du pire c’est faire la pire des politiques, celle qui conduit Marine le Pen au pouvoir ».

Cette appréciation sera sans doute la même dans 6 mois, dans un an. Conduira-t-elle à ne jamais censurer le gouvernement, quel que soit sa politique et son budget ? On ne fera pas le reproche aux socialistes d’avoir de l’inquiétude face à ce qui semble chaque jour une menace plus pressante. Il y a une folie à relativiser le risque, à présumer de ses forces face au danger immense.
Mais alors, quand on est un parti qui compte, qui se veut responsable, on se doit d’avoir une stratégie. La procrastination n’en est pas une. La fracturation de la gauche non plus. Et ça vaut aussi pour les Insoumis. Les noms d’oiseaux qui fusent n’ont pour effet – et sans doute pour volonté – que d’inscrire cette division et de légitimer plusieurs candidatures présidentielles. Magnifique les gars !

Les Insoumis disent une chose claire : il faut une autre logique, une rupture sinon on va dans le mur : celui du climat, de la pauvreté, de la mise à mal de la démocratie. D’autres murs se dressent aussi : la guerre, la corruption, le désespoir de la jeunesse. Ils ont un projet et un programme. Ils se préparent à les défendre lors d’une présidentielle qu’ils croient imminente. Ils ne sont pas obligés de chercher à embarquer leurs partenaires dans un désir d’accélération du calendrier. Si Macron doit démissionner il le fera parce que la situation est totalement bloquée et qu’il y sera contraint. Pas parce qu’on l’aura provoqué. En revanche, ils ont raison de se préparer : le rythme des évènements nous échappe. Pourquoi n’adoptent-ils pas une politique rassembleuse ? Pourquoi prétendre que les socialistes sont alliés au RN pour sauver Macron ? C’est un peu rustre comme analyse. En vérité, ces mots heurtent même ceux qui n’ont pas le vote socialiste chevillé au corps (ils ne sont plus si nombreux). Les Insoumis devraient se défaire de leur assurance d’avoir, in fine et au bout du compte, le vote des classes moyennes … A Grenoble cela ne s’est pas produit. Pas du tout même. Ils pourraient même douter que ces invectives sont attendus par le monde populaire.

Quant aux socialistes, ils devraient se convaincre de la faible attractivité de la logique du moindre mal, celle qui veut qu’éviter la suppression de 4000 postes d’enseignants est mieux que leur suppression ; que la non mise en œuvre des jours de carences est mieux que leur mise en œuvre, etc… Ces temps-là sont révolus. Parce que les dangers sont évidemment bien plus grands qu’une dette et qu’une mauvaise note des agences de notation. Parce que les blocages ne se lèveront que par une autre politique. Et que la gauche ne peut laisser au RN le discours de la rupture. Les socialistes semblent y renoncer et se faisant, ils valorisent même à leur corps défendant la solution d’extrême droite.

Il reste quelques semaines pour se ressaisir.

Catherine Tricot

MONNAIE DU JOUR

Son mandat n’a même pas encore débuté que Donald Trump s’attaque déjà symboliquement à l’une des prérogatives essentielles de l’Etat : battre monnaie. Le 47ème président des Etats-Unis a lancé la « Trump Coin » le 17 janvier : une cryptomonnaie le représentant le poing levé après la tentative d’assassinat à laquelle il a survécu en juillet 2024 et valorisée à près de 12 milliards de dollars. Un premier épisode d’une future longue série de confusions et de conflits d’intérêts au plus haut sommet de l’Etat et au sein de la famille Trump. Ce lundi matin, Melania a, elle aussi, lancé sa crypto, « Dollar Melania ».

L. M.-S.

ON VOUS RECOMMANDE

L’interview de Dominique de Villepin par Edwy Plenel pour Mediapart. Un homme d’Etat qui regarde de haut la politique par les tweets de ses successeurs. Et qui rappelle, s’il le fallait, l’urgence du combat contre Donald Trump, au nom d’une certaine idée de l’être humain.

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