Le NFP à l’épreuve du piège Macron

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Le président imagine pouvoir élargir son « socle commun » en réunissant tous les partis hors RN et LFI. C’est voué à l’échec mais le problème reste que la réponse de la gauche est tout sauf unie.

« Vous tuez la démocratie avec le consensus » : ces mots comme une sentence sont ceux de Jean-Luc Mélenchon en meeting à Redon lundi soir. Il les adresse à ses (anciens ?) camarades du Nouveau Front populaire qui, socialistes, communistes ou écologistes, entendent participer à une grande réunion ce 10 décembre autour d’Emmanuel Macron, afin de trouver une solution institutionnelle à l’impasse dans laquelle le président de la République se borne à nous installer. Ce mardi après-midi, Emmanuel Macron, sortant de son rôle institutionnel, prend l‘initiative de réunir tous les partis hors RN et LFI (« qui ne s’inscrivent pas dans une logique de compromis ») pour promouvoir « une nouvelle méthode qui reposerait [sur] une réunion des différentes forces politiques pour échanger sur une plateforme programmatique ». Tous ne s’y rendront pas pour cette raison : la bataille des explications va commencer. Les LR ont déjà fait savoir qu’ils ne seraient pas membres d’un gouvernement qui inclut la gauche. Les membres du NFP maintiennent leur exigence d’un gouvernement de gauche. Adieu le gouvernement qui sentait bon l’union nationale. Reste le débat sur la méthode et sur l’opportunité de tels accords.


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L’alternative telle que posée par La France insoumise est on-ne-peut-plus claire. Ou bien le NFP est appelé à gouverner, sur la base de son programme établi en juillet, même sans majorité à l’Assemblée nationale, ou bien LFI promet de tailler des croupières à quiconque ne serait pas sur cette ligne de fidélité au scrutin et aux intérêts du peuple. La phrase de Jean-Luc Mélenchon prononcée quelques instants après l’annonce des derniers résultats législatifs tient lieu de cap pour LFI : « Le programme, tout le programme, rien que le programme ». On pourrait rajouter : sinon ce sera l’opprobre et la conviction de rassembler les mécontents, dont le nombre va croissant. Les insoumis se veulent une alternative de gauche à ce qu’ils anticipent comme un échec certain d’un gouvernement qui se base sur des accords même de méthode.

À charge pour la gauche de montrer qu’elle est capable de conjuguer la clarté et le sens de l’opportunité, qu’elle refuse la confusion, mais qu’elle est capable de comprendre que sa majorité réelle reste tout de même relative.

Dans cette phase d’incertitude extrême, il faut savoir raison garder. À ce jour, aucune force à gauche n’est prête à participer à un « gouvernement d’intérêt général » tel que l’entend un Emmanuel Macron qui n’a qu’une boussole : tenir jusqu’en 2027. Quelques jours après une prestation télévisée complètement déconnectée des réalités politiques, il est clair que celui-ci n’a pour objectif qu’une confusion parée des attributs du « réalisme » face aux « deux extrêmes ». Être conscient de la manœuvre et ne pas tomber dans le piège est donc raisonnable. Mais on ne peut pas ignorer l’inquiétude de l’opinion devant une crise inédite, dont on ne voit pas l’issue.

L’essentiel est alors de ne manquer aucune occasion d’exposer devant le pays les seules voies raisonnables de cette issue : tenir compte du résultat des dernières législatives, entériner le fait que la force coalisée la plus importante a été celle de la gauche et lui permettre enfin de gouverner. À charge pour la gauche, ensuite, de montrer qu’elle est capable de conjuguer la clarté et le sens de l’opportunité, qu’elle ne confond pas le compromis nécessaire et la compromission qui fait le jeu du pire, qu’elle refuse la confusion, mais qu’elle est capable de comprendre que sa majorité réelle reste tout de même relative.

Gérer une situation contradictoire n’a rien de simple, mais aucune hâte ne supprime la contradiction. Il faut donc l’assumer, sans s’y résoudre, sans abandonner le cap, mais sans précipitation ni gesticulation. Le pays a besoin de rupture, mais la rupture ne se proclame pas : elle se construit.

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5 commentaires

  1. Frédéric Normand le 10 décembre 2024 à 22:31

    La force coalisée de la gauche et de l’extrême-gauche ne peut pas gouverner : elle se heurterait à la censure de la force coalisée sur ce point de la droite et de l’extrême-droite.

    • Florent le 12 décembre 2024 à 08:17

      Il existe en effet un axe macronard qui va du RN à Ensemble pour la République, en passant par LR, qui avait déjà été à l’œuvre dans les précédentes mandatures comme l’ont montré les différent votes, pas seulement de non censure de Barnier, mais de refus de rétablir l’ISF, de taxer les super profits, d’augmenter le SMIC ou dernièrement de voter le budget 2025 amendé en Commission des Finances, et j’en passe. Donc, faut-il que la ‘gauche’ participe à un gouvernement de compromis (compromission ?) avec l’extrême centre, en acceptant au passage de donner les pleins pouvoirs à Macron en acceptant un ‘pacte’ de non censure, qui ferait encore et toujours une politique très à droite mollement combattue par le RN qui engendrerait les dividendes de sa parodie d’opposition ou combattre cette option ? Ce sont là les deux termes de l’alternative.

  2. Lucien Matron le 11 décembre 2024 à 16:58

    L’ absence de majorité parlementaire permet à des organisations politiques de pratiquer la censure. Si Macron avait respecté l’esprit de la constitution dans sa tradition républicaine, il aurait pu nommer un premier ministre issu du NFP ou validé par lui. Il a choisi une autre voie, celle de nommer Michel Barnier, un premier ministre issu d’un parti de droite très minoritaire, et cautionné par le RN…Le résultat est sous nos yeux, c’est un échec ! ( un de plus pour Macron). La continuité de l’état sera assurée par le vote de la loi spéciale avant une nouvelle discussion parlementaire pour préparer le budget 2025. Quel que soit le gouvernement, il lui faudra trouver des majorités de circonstances, projet de loi par projet de loi ou alors il sera à la merci d’un nouveau blocage. C’est sans compter avec l’opinion publique, la casse sociale et le mécontentement grandissant d’une partie de la population. C’est peut être de ce côté qu’une issue à la crise morale et politique pourrait advenir.

  3. Lucien Matron le 12 décembre 2024 à 11:05

    Nous avons connu deux cohabitations sous la 5ième Rèpublique : celle de Mitterand- Chirac, puis celle de Chirac- Jospin. Les institutions ont fonctionné. Aujourd’hui, dans le contexte politique actuel et en l’absence de majorité à l’Assemblée Nationale, il s’agit d’installer une nouvelle forme de cohabitation politique, non pas entre président et premier ministre, mais entre composantes parlementaires. Ou alors, c’est l’immobilité et le blocage permanent par la censure, la dissolution , la démission. L’intérêt général n’est jamais de bloqué la machine sous peine de voir le pays s’effondrer. Dans ces conditions, le retour aux priorités fondamentales pourrait être la règle : le pouvoir d’achat, la santé, l’éducation, la tranquillité. Jusqu’aux prochaines élections, il doit être possible de trouver des majorités sur ces priorités.

  4. laurent le 15 décembre 2024 à 18:28

    Bonsoir , je suis grognon. Question générale, pourquoi vos articles sont-ils signés et pas vos photos ? ça me soûle.

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