LA LETTRE DU 4 OCTOBRE

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La proportionnelle ne sauvera pas la démocratie

Le premier ministre a ouvert la porte à la révision de nos règles d’élections des députés. Bonne ou mauvaise idée ? En tous les cas, pas suffisant pour résoudre la crise politique que nous traversons.

La question de la proportionnelle revient sur le devant de la scène publique. Tant mieux : le système actuel est à bout de souffle. Mais tout se passe comme si le but de l’opération était de rendre possible la majorité parlementaire que le scrutin malencontreux de l’été dernier n’a pas dégagée, alors même que la logique fondatrice de 1958 était fondée sur l’élection d’une majorité stable par les mécanismes d’un scrutin majoritaire de circonscription à deux tours.

Assurée de ses succès futurs, Marine Le Pen propose un mixte associant une proportionnelle intégrale assortie d’une prime majoritaire. Il s’agirait ainsi d’une version policée de la logique majoritaire dont on ne sait même pas si elle serait efficace dans un système bloqué. Qu’on le veuille ou non, c’est l’état des forces politiques qui détermine l’existence d’une majorité, et pas l’alchimie d’un mécanisme électoral.

Il n’y a pas de demi-mesure possible. Si l’objectif est l’équité de la représentation politique, il ne peut y avoir qu’une proportionnelle intégrale, quels que soient les modes de calcul. C’est le choix qui avait été fait avant les législatives de 1986. Mais l’équité de la représentation politique n’est qu’une partie du problème. En effet, il ne sert pas à grand-chose d’obtenir une juste répartition politique, si la société est mal représentée, si la représentation est loin de refléter la palette exacte des groupes sociaux et si les catégories populaires sont exclues de fait des enceintes parlementaires. Or on est toujours bien loin de la polychromie sociale réelle : les catégories populaires sont toujours victimes de ce « cens caché » (la discrimination liée à la fortune) analysé il y a bien longtemps par le politologue Daniel Gaxie.

S’il est des problèmes de fond qu’il faut résoudre, on les trouvera dans d’autres directions. Si l’on veut rendre possible des majorités conséquentes, il faut redonner du sens au vote, par exemple en renforçant la responsabilité parlementaire, de plus en plus bafouée par l’autoritarisme de l’exécutif. Il faudrait renforcer l’implication citoyenne, en amont du vote de la loi (l’élaboration législative) et en aval (le contrôle du respect des engagements pris). En bref, la loi électorale transformée ne changera pas grand-chose sur le fond si l’Assemblée n’a pour fonction que d’entériner les choix gouvernementaux.

Ajoutons qu’elle risque de n’avoir que peu d’effet mobilisateur, si la sélection des candidatures reste de la responsabilité exclusive de partis politiques qui ont perdu de leur aura, qui ne suscitent pas la confiance du corps électoral réel et qui ont perdu pour l’essentiel la fonction de politisation populaire qu’exerçaient certains d’entre eux, surtout à gauche.

Il est donc bien de dresser des scénarios de vote, calculette en main. Mais mieux vaudrait discuter plus à fond de l’environnement constitutionnel de toute technique de vote. C’est affaire de refonte constitutionnelle globale : difficile en l’état et pourtant combien nécessaire ! Et il serait bien plus efficace de réfléchir à ce qui pourrait redonner sa légitimité à une politique officielle qui l’a perdue pour l’essentiel, sans compter ce qui pourrait refonder l’utilité perdue d’un dispositif politique partisan. L’institution de la proportionnelle redonnerait la main aux partis. Peut-être, mais rien ne dit que cela relancerait leur légitimité, eux qui sont désormais au tout dernier rang des institutions à qui l’on fait confiance.

Il est bon d’aller rapidement vers de la proportionnelle. Mais ce serait tout de même un placebo, faute de reconstruction démocratique des institutions et sans refondation populaire de l’action politique elle-même.

Antoine Châtelain

ANTIDÉMOCRATE DU JOUR

Retailleau en roue libre

Dans son discours de politique générale, le premier ministre avait tenté de remettre l’église au milieu du village en réaffirmant l’importance de l’Etat de droit que son ministre de l’Intérieur avait vilipendé la veille. Mais dès le lendemain, lors de sa première audition à l’Assemblée nationale, l’édile vendéen en a remis une couche : « A aucun moment j’ai voulu abolir l’Etat de droit. J’ai simplement dit qu’il fallait déplacer le curseur dans l’Etat de droit, comme nous l’avons fait au moment du terrorisme et du Covid. » De même sur ses obsessions sécuritaires et anti-immigration. Force est donc de constater que certains comme Bruno Retailleau semblent vouloir compter sur la très fragile légitimité du gouvernement pour affirmer leur ligne et ce, même si le reste de l’équipe ne les suit pas forcément.

P.P.-V.

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