TRIBUNE. L’« école du futur » ou la dystopie scolaire de demain
À la poursuite de la destruction de l’école publique par Emmanuel Macron, le Parlement de la NUPES oppose une école faite de justice, d’égalité et d’émancipation pour toutes et tous les élèves.
Ils auraient pu l’appeler l’« école de demain » tant le projet présenté à Marseille par Emmanuel Macron et Pap Ndiaye est dans la droite ligne de la politique réactionnaire et destructrice que Jean-Michel Blanquer a imposé à l’école pendant cinq années. Si le départ du ministre le plus décrié de l’histoire de l’école a été un véritable soulagement pour la communauté éducative, l’affirmation ostentatoire d’une telle continuité dans les réformes confirme, s’il en était besoin, la poursuite programmée de la destruction de l’école publique.
A quoi ressemblerait l’« école du futur » en Macronie ? Des écoles plus autonomes jouant la concurrence pour être financées, des directeurs et directrices transformé-es en agent-es de recrutement et DRH, des financements selon l’adéquation des projets pédagogiques avec les priorités gouvernementales… En somme, le modèle libéral et entrepreneurial transposé dans le service public d’éducation avec comme corollaire son démantèlement et la remise en question du statut du fonctionnaire pour les enseignant.es.
Tous les ingrédients sont là : la souplesse, la flexibilité, l’agilité qui sont autant de concepts creux que le néolibéralisme a l’habitude de mobiliser quand il s’agit de masquer sa brutalité derrière un semblant de bienveillance. L’ironie est à son paroxysme lorsque le Président vante le retour d’une vraie « liberté pédagogique » dans ces écoles blanquerisées dont on attendra d’abord qu’elles servent de vitrine à la politique gouvernementale !
Un avenir sombre pour l’école se dessine à Marseille
Une école marseillaise aurait été dotée de 40.000 euros pour un projet autour des mathématiques ? L’enthousiasme présidentiel est loin d’être partagé par les enseignant.es et les familles marseillais.es. C’est la colère devant le fait du prince et l’injustice qui en résulte qui anime la communauté éducative. En effet, quelle indécence quand on connaît l’état du bâti scolaire, à Marseille comme ailleurs, délabré, avec des rats, sans chauffage ou non isolé !
L’école a urgemment besoin d’un immense plan national pour se remettre sur pieds mais au lieu de ça, on la sommera d’entrer dans une logique compétitive, de brandir des projets à paillettes, tous plus « innovants » les uns que les autres, pour avoir une chance de percevoir un financement digne de ce nom. Dans cette logique, que devient par exemple le principe compensatoire de l’éducation prioritaire qui octroie un financement en fonction de critères sociaux ? Doit-on acter la disparition de l’éducation prioritaire qui devra jouer elle-aussi au grand concours organisé par la start-up nation ?
Il est plus qu’urgent de se battre contre ces projets reposant sur le mythe des bienfaits de la concurrence comme principe de stimulation ; de rappeler que l’école n’a pas à répondre à des critères de rentabilité, qu’elle doit être commune et que la puissance publique doit rester garante d’une répartition équitable des richesses pour permettre à tous les enfants, quelles que soient leurs origines sociales ou culturelles, de ne pas subir les effets du déterminisme social. L’« école du futur », alignée sur le modèle de l’école privée ne manquera pas de renforcer les inégalités entre établissements.
L’école publique sur un billot
Une autre inégalité est liée au profil des enseignant-es qui seront affecté-es dans ces écoles, les plus jeunes et les moins formés exerçant majoritairement dans les écoles les plus difficiles, les plus expérimenté-es choisissant davantage les écoles plus « confortables ». Quel.le enseignant.e se portera volontaire pour travailler dans une école, un collège ou un lycée, déclassé, ségrégué ou vétuste comme il en existe notamment dans les quartiers populaires ? Est-il besoin de rappeler que, déjà dans certaines écoles, la pénurie d’enseignante.s est criante, que les contractuel.le.s s’y succèdent et que la perte d’heures de cours atteint, en Seine Saint-Denis par exemple, l’équivalent de 20% des heures dues ?
À l’heure où le métier d’enseignant connaît sa plus grande crise de vocation et de recrutement, il serait plus urgent de concentrer les efforts gouvernementaux sur une revalorisation matérielle du métier et sur la réaffirmation de son sens au service de l’égalité et de l’émancipation de toutes et tous. Emmanuel Macron et Pap Ndiaye espèrent-ils sincèrement redonner du sens au métier en conditionnant la revalorisation salariale à des charges supplémentaires comme ils l’ont annoncé ?
L’école française est l’une des plus inégalitaires de l’OCDE et renonce à accompagner les enfants des catégories populaires à hauteur de leurs besoins. Les cinq années de gestion blanquerienne n’ont rien arrangé, elles ont aggravé une situation dénoncée depuis longtemps. Elles ont aussi éreinté la communauté éducative, méprisée, laminée, niée dans ses qualités d’expertise.
Ne nous trompons pas, il arrive à l’école publique ce qui est déjà arrivé à l’hôpital : seuls comptent la rationalité budgétaire et le culte de la rentabilité quitte à piétiner l’humain à grands coups de new management public.Nous ne voulons pas de ce projet pour l’école, nous ne voulons pas de ce projet de société. Une autre école est possible, c’est ce que porte la NUPES : réparer, refonder et transformer l’école publique pour la rendre plus juste, égalitaire et émancipatrice pour toutes et tous les élèves. C’est à cela que devra ressembler notre école du futur.