« L’imaginaire spirituel peut nous permettre de repenser l’écologie »

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La théologie pour repenser en profondeur l’écologie ? C’est la thèse du pasteur Stéphane Lavignotte, auteur de L’écologie, champ de bataille théologique aux éditions Textuel. Il est l’invité de #LaMidinale.

UNE MIDINALE À VOIR…

 

ET À LIRE…

Sur les idées contre l’histoire matérielle
« C’est un grand débat au sein de la gauche. »
« Quand on regarde un produit ou un objet et qu’on se dit qu’il est trop cher, il y a d’abord le rapport au prix par rapport au revenu que l’on a et puis il y a de l’imaginaire c’est-à-dire ce que l’on va projeter à travers lui qui fait qu’il vaut ou qu’il ne vaut pas. Les deux sont en dialectique. »
« Nos imaginaires construisent nos aspects matériels comme nos aspects matériels construisent nos imaginaires. »
« L’efficacité qui est quelque chose de matériel, suivant l’imaginaire qu’il y a derrière – est-ce que c’est plus de quantité, de vitesse ou de lenteur ? – on ne mettra pas la même chose derrière le terme d’efficacité. »
« Notre imaginaire commun est construit par des siècles de chrétienté, de judaïsme, etc. »
« Suivant les contextes, ça peut être une raison matérielle qui va retourner des imaginaires et dans d’autres cas, ça va être des imaginaires qui vont retourner nos imaginaires. Ce qui est intéressant, c’est les effets que ça peut avoir dans la vie sociale. »
« Aujourd’hui, on peut retourner nos imaginaires dans un sens écologiste, anticapitaliste, anti-productiviste. »

Sur les germes de la pensée écologiste et la chrétienté
« L’Ancien Testament jusqu’à la Renaissance, on a plutôt un christianisme qui cherche le vivre ensemble avec la nature – la nature comme miroir de Dieu. Ça, c’est majoritaire. Et ce qui est minoritaire, c’est plutôt la vision prédatrice de la nature. Après, ce rapport s’inverse et c’est plutôt la vision prédatrice qui s’impose. Donc ce qui était minoritaire hier peut devenir majoritaire aujourd’hui et inversement. »
« Dans l’hébreu, dominer la terre ne doit pas être compris comme une domination mais comme un verbe qui donne une responsabilité – celle d’un terrain – devant lequel il est question de rendre des comptes devant Dieu. C’est l’idée de développement durable. Le terme de développement durable apparaît dans une conférence oecuménique des Eglises en 1974 et qui sera repris par le mouvement écologiste, les conférences mondiales sur l’environnement avant d’être détourné par le capitalisme avec l’idée qu’on est responsable de la Terre non plus devant Dieu mais devant les générations futures et les pays du Sud. »

Sur la notion de jouissance
« Spontanément, l’ascèse, c’est : je consomme peu et je vis simplement. Et donc on se dit que c’est spontanément écologique. »
« Ce qu’on voit avec le calvinisme ou dans Via Moderna, c’est que le problème de l’ascèse c’est que si j’économise mais que ce que j’économise est lié à une éthique du travail et de la production, que je le réinvestis, mon mode de vie ascétique produit du productivisme. »
« Le christianisme a inventé successivement un ascétisme extra-mondain : les moines qui ont un mode de vie ascétique écolo qui va être un des moteurs du démarrage du capitalisme parce qu’ils créent des horaires de travail, ils ordonnent la nature et se mettent à produire. Ensuite l’ascétisme intra-mondain, de l’ascétisme protestant : on vit la vie de moine dans la société. Et là pareil, je vis une vie ascétique, j’investis et c’est du productivisme. Le théologien André Dumas dit qu’il faut un ascétisme pro-mondain c’est-à-dire un ascétisme qui consiste à vivre simplement comme diraient les décroissants mais qui se soucie des effets de l’économie que je génère. Et donc la conclusion c’est de moins produire. »
« Le problème de la jouissance actuelle, et que montre assez bien Paul Ariès dans ses textes d’il y a une dizaine d’années, c’est le risque de la jouissance immédiate qui donne un plaisir très rapide qui fait que l’objet que j’ai pris, je le jette immédiatement. C’est la jouissance de la consommation. »
« Il y a dans les courants ascétiques chrétiens et notamment chez les grands spirituels une réelle jouissance du rapport à des choses très profondes qui seraient de l’ordre de ce qui se passe dans le chamanisme ou quand, dans les années 70, les hippies prenaient des champignons ou du LCD. »
« Le débat est : est-ce que j’ai une jouissance qui est de l’ordre de jouir pour jeter ou de l’ordre du jouir pour aller plus profond et aller plus loin ? »

Sur le caractère réactionnaire des religions
« Dans “Le génie lesbien” d’Alice Coffin, j’avais trouvé fantastique cette phrase qui lui avait valu tant de problèmes : “j’enlève tous les livres d’hommes de ma bibliothèque”. Je m’étais dit que j’allais essayer de faire un livre avec autant de femmes que d’hommes. Mais j’ai échoué. Je suis allé chercher des femmes auteures dont personne n’avait parlé dans le champ français mais j’échoué à obtenir la parité (…). Je ferai mieux la prochaine fois. »
« Un des éléments qui fondent le caractère réactionnaire du religieux, c’est l’élément institutionnel que je reprends dans le livre, notamment quand je parle de l’institution qui prend le pouvoir, petit à petit, sur l’effervescence du mouvement du Christ, y compris sur des questions écologiques. »
« Quand l’institution est trop forte, il est difficile de s’extraire de la Réaction… même si parfois, il y a de divines surprises comme le Pape François qui met un bazar dans l’Eglise catholique en poussant des choses progressistes, même s’il ne va pas assez loin, par exemple sur les questions LGBTQIA+. »
« Il est important de dire que les textes sacrés n’appartiennent pas qu’aux croyants ou aux institutions. »
« Nous devons travailler sur la base de vision du monde que nous avons ensemble. »
« Le communisme de Marx est complètement dépendant du messianisme juif comme l’a bien démontré Michael Lowy. Notre vision du temps est dépendante du fait que, dans l’Antiquité, le temps était cyclique. A partir du judaïsme et du christianisme, on passe du paradis vers le royaume : le temps devient une flèche. Flèche dont Marx dit que c’est le socialisme. »

Sur le rapport des religions à la technique
« Je suis pasteur en Seine-Saint-Denis : aujourd’hui, les moins de 25 ans qui répondent “je crois en Dieu” est en progression. Il se passe quelque chose dans la jeunesse, notamment dans celle issue de l’immigration non seulement musulmane mais aussi qui vient des Antilles et d’Afrique et qui est plus chrétienne. »
« Il y a, actuellement, une bataille pour remettre le sens au centre et remettre la technique ou les objets au centre aussi. »
« En islam et dans les milieux évangéliques protestants, il y a une importance donnée à la technique : certains courants théologiques musulmans disent que toutes les techniques ont été prévues par le Coran, données par Dieu et qu’il faut en profiter. Cette théologie est plutôt alimentée par les pays pétroliers du Moyen-Orient. Elle rentre en confrontation avec de jeunes musulmans et des mouvements de masse paysans en Indonésie qui sont critiques de cette vision-là. »
« Pour combattre efficacement, on ne peut se contenter des imaginaires : il faut de la structure, de la politique, des rapports de forces pour bloquer les GAFAM et pour structurer les médias. »

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