LA LETTRE DU 12 JUIN
Ciotti, traître parmi les salauds
Le basculement du président de LR à l’extrême droite achève le jeu de destruction initié par Emmanuel Macron en 2017. Les Républicains ne sont plus, ou plus pour longtemps.
En annonçant les bases d’un accord politique et électoral avec le RN, de manière solitaire et autoritaire mais conforme au statut présidentialiste de son parti, Éric Ciotti est allé au bout de ses convictions. Chacun les connaissait. Aucune vraie surprise, donc. N’avait-il pas dit qu’entre Emmanuel Macron et Éric Zemmour, il choisissait ce dernier ?
Depuis cette annonce, Ciotti a reçu une volée de bois verts des cadres de son parti, dont le courroux de Laurent Wauquiez avec qui il formait un ticket : à l’un le parti, à l’autre la candidature présidentielle. Annie Genevard, la numéro 2 du parti, nommée par Ciotti, convoque un bureau politique. Probablement qu’il sera démit, qu’il contestera cette décision pour vice de forme… et voudra se maintenir à la présidence des LR pour garder du poids politique et décider des investitures. L’affrontement sera violent.
Car Ciotti pèse encore. Il était arrivé en tête de la primaire des droites en 2021 et avait recueilli 40% au second tour face à la coalition de ses concurrents (Pécresse, Bertand, Barnier). Son succès était basé sur la promesse de « rester la France », « d’impunité zéro » face aux délinquants, d’un « Guantánamo à la française » pour les terroristes, d’une « priorité nationale et européenne » en matière d’emploi et d’allocations. Il avait lourdement influé la campagne de Pécresse. Avec le succès que l’on sait. Passons. Parvenu à se faire élire à la tête des LR en décembre 2022 (face à Bruno Retailleau), il savait incarner ce courant confusionniste qui souvent, dans les urnes, mélange ses voix à celle de l’extrême droite. Aujourd’hui, stigmatisé par l’appareil, Éric Ciotti est loin d’être isolé dans le parti sur la ligne de droite radicalisée. Les courant jeunes RN, Reconquête et LR sont les pointes avancées de ces rapprochements.
Pour tenter de contenir l’effet attractif de l’alliance avec le RN, la Macronie dégaine son arme : ils ne présenteraient pas de candidat face à ceux qui résisteraient aux sirènes de l’extrême droite. Ainsi, les candidats de droite ont le choix : être élu grâce au soutien du RN ou à la bienveillance de Renaissance. Il en est donc fini de l’autonomie des Républicains dépecés depuis des années par Macron, délabrés par Wauquiez, Retailleau et Ciotti.
On pourrait se dire qu’on s’en fout de ce cadavre de la droite qui a cessé de penser depuis qu’en 2002 Chirac a voulu la disparition du parti gaulliste au profit d‘un parti unique de la droite, l’UMP. C’est bien sur cet ectoplasme politique et intellectuel qu’a prospéré le macronisme. Des mois, des années, que les dirigeants LR accablent l’exécutif de tous les maux du pays, sans jamais lui faire défauts dans les moments décisifs. Des mois, des années qu’ils traînent le RN de Marine Le Pen de « socialiste ». Que pouvait-il ressortir d’autre de ce confusionnisme, de cette incohérence, du caractère totalement erratique d’une telle ligne politique ?
Depuis, le seul axe d’identification qui soit apparu aux LR est celui de l’identité et de la sécurité. Faute d’être parvenu à se refonder, notamment face à l’offre de droite moderniste incarnée par les macronistes, les Républicains sont sans autre repère. Dès lors, Éric Ciotti fait un calcul politique rationnel : LR ne pèse plus assez politiquement et idéologiquement pour être autonome. Il leur faut s’allier. Il choisit son camp.
Certes, ce n’est pas sympa pour son copain Wauquiez – apologiste lui aussi des thèses du grand remplacement. Le président de la région Rhône-Alpes, qui sera candidat aux législatives, se rêve toujours en candidat à la présidentielle et non en soutien de Marine Le Pen.
Quoi qu’il lui arrive, Ciotti gardera un poids symbolique pour soutenir des candidats qui partagent son choix stratégique. Et ceux qui le suivront seront souvent élus. Ils pourront toujours se dire qu’ils auront contribuer à « éviter l’arrivée au pouvoir de la Nupes », dixit Ciotti à TF1. Et c’est vrai que le RN cherche quelques dizaines de députés qui pourrait donner une majorité en soutien au gouvernement qu’il espère conduire.
Mais leur apport va au-delà. Non que ces élus issus des rangs républicains apportent la caution de compétence comme ils le croient. La compétence comme telle n’est plus un argument ni une valeur incontestée ; elle en a même pris un sérieux coup après sept ans de Macronie. La vérité c’est qu’ils élargissent le vivier des dirigeants économiques et de la haute administration, toujours nécessaire pour diriger la France. L’autre contribution de Ciotti est de laver l’opprobre qui a frappé ce courant depuis 80 ans. Mais se faisant, il rappelle aussi que la droite a était durablement marquée par la collaboration et qu’il a fallu du génie gaullien pour la sortir du ravin.
Devant le désastre qui pointe, ils auront été nombreux à contribuer à son avènement.
Le Front populaire sinon rien.
Catherine Tricot
MYTHO DU JOUR
Bardella pour la réforme des retraites
En rétropédalant sur la question de la retraite à 60 ans, Bardella fait un sacré clin d’œil aux milieux d’affaires et fait avancer d’une case cette banalisation de l’extrême droite que Ciotti vient d’officialiser politiquement. Mais, même banalisée, l’extrême droite reste l’extrême droite. En fait Ciotti ne droitise pas l’extrême droite : il extrême-droitise la droite…
R.M.
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« Le Front populaire sinon rien. »
En effet, soit je vote »le front populaire » si il n’y a pas trop d’eau dedans (si c’est pour continuer à s’en ficher des centaines de milliers tués en Iraq, Libye et j’en passe, si c’est pour encore une pseudo gauche à la Jospin ou Mitterrand ou Hollande qui ne fait rien pour en finir avec l’ordre mondiale injuste et raciste sur laquelle l’extrême-droite prospère, ben je n’irai pas voter tout simplement, c’est fini l’arnaque)
J’ajoute qu’il peut sembler qu’eelv et le ps pourraient obtenir une majorité dans ce « front populaire » suite aux élections. Si cela se confirme, j’hésiterais longtemps à aller voter, même si c’est pour un candidat lfi. Je suis très douteux pour le long terme si une telle constellation dominée par eelv et le ps obtienne une majorité. Qu’est-ce que ça donnerait comme candidat commun en 2027 ? Difficile de s’imaginer que ça donnerait le minimum. Je vais attendre et voir, mais en l’état des choses je vote uniquement si ce « front populaire » n’est pas susceptible de gagner une majorité et que je puisse voter pour un candidat lfi.
C’est fini l’arnaque ! Se remettre à croire au ps est juste risible. Et eelv restera toujours flou, inconsistent, une ramasse de toutes sortes d’idéologies.