Européennes : sondage, mon beau sondage
Les européennes ont lieu dans un peu plus de deux mois. Les sondages sont-ils prédictifs ? Moins que jamais.
L’abstention s’annonçant toujours très forte, un faible déplacement de voix peut donc modifier sensiblement le rapport des forces en pourcentages exprimés. Tout ce que l’on observe pour l’instant, ce sont des tendances. Elles apparaissent dans le tableau ci-dessous, qui compile l’ensemble des sondages publiés depuis le printemps 2023. On y retient les moyennes mensuelles les plus récentes et un flash-back sur la situation il y a un an.
Moyenne mensuelle des sondages | Écart 2024-2019 | |||||
GAUCHE | DROITE | EXT. DROITE | GAUCHE | DROITE | EXT. DROITE | |
mars-24 | 29,6 | 27,8 | 39,1 | -2,9 | -7,4 | 10,4 |
févr-24 | 30,9 | 29,1 | 37,6 | -1,6 | -6,1 | 8,9 |
janv-24 | 30,3 | 29,4 | 38,1 | -2,2 | -5,8 | 9,4 |
déc-23 | 30,3 | 29,1 | 38,5 | -2,3 | -6,1 | 9,8 |
mai-2023 (Nupes divisée) | 35,7 | 29,7 | 31,5 | 3,2 | -5,5 | 2,8 |
mai-2023 (Nupes rassemblée) | 29 | 33 | 35 | -3,5 | -2,2 | 6,3 |
Résultats 2019 | 32,5 | 35,2 | 28,7 |
En mars 2024, l’estimation du vote d’extrême droite est de 10% supérieure à son score de 2019. La droite (LR + marconistes) chuterait lourdement (7% en moins) et la gauche se tasserait (de 3% environ). Sa division n’est pas l’explication unique de cette dynamique décevante : en mai 2023, au lendemain de la bataille des retraites, la gauche dispersée obtenait un meilleur total qu’avec une Nupes rassemblée. En tout cas et dans l’immédiat, on ne décèle pas d’inflexion dans le glissement vers la droite de l’équilibre des forces politiques observé à plusieurs reprises sur notre site.
À l’intérieur de la gauche, la tendance est à ce jour favorable à la liste PS-Place publique (près de 5% d’augmentation par rapport à 2019). La FI semble peiner à dépasser son score de 2019, le PC est au-dessous des 5% fatidiques et les écolos décrochent. Une fois de plus, le rapport des forces à gauche est en décalage avec celui des présidentielles précédentes.
Sentant la fragilité de la dynamique insoumise, Mélenchon veut faire du scrutin européen une préparation de l’affrontement décisif de 2027, une sorte de primaire en grand. Le pari est risqué : si l’on vote ou si l’on ne vote pas aux européennes, ce n’est pas en fonction des enjeux présidentiels à venir. On vote pour un mélange d’attentes nationales et européennes, pour une étiquette politique ou un projet. On vote si l’on pense que cela est utile, que cela peut modifier l’état des choses, en Europe et chez nous. On vote donc pour des raisons politiques et pas pour dire au travers du vote qui l’on voit à l’Élysée en 2027.
C’est parce que la gauche n’a pas un discours assez fort, sur l’Europe comme sur la France, qu’elle n’accroche pas assez celles et ceux qui devraient se reconnaître en elle au mois de juin. Le RN a une vision cohérente et c’est pour elle qu’on votera en sa faveur, pas pour désigner un candidat en 2027. Mélenchon devrait y prendre garde. À présidentialiser le scrutin européen, il risque de laisser entendre qu’on devra tenir compte de ce que diront les urnes en juin. Si le résultat nourrit l’idée qu’un recentrage au sein de la gauche est la seule manière de contrer Marine Le Pen, est-ce que cela fera avancer les choses du bon côté ?
Pour l’instant, la gauche dans son ensemble n’est pas au niveau de mobilisation nécessaire pour une élection européenne. Mieux vaut s’en tenir là et réfléchir à ce qu’il faut faire dans ce cadre. Après, on verra…